Cela fait bientôt un an que se rendre au Cameroun ou entrer à N’Djaména via Kousseri demeure un véritable chemin de croix pour les voyageurs tchadiens et camerounais. En cause, la fermeture, depuis mars 2020, du pont de Ngueli, qui relie la capitale tchadienne à Kousseri, la ville camerounaise la plus proche.

Cette mesure visait à limiter la circulation du coronavirus, dont plusieurs cas avaient été enregistrés au Cameroun alors que le Tchad venait d’enregistrer son tout premier cas le 19 mars 2020. C’était un voyageur de nationalité marocaine, qui revenait de Douala (Cameroun).

Depuis lors, étudiants, malades ou commerçants, habitués à aller et revenir sans aucune restriction, supportent difficilement cette mesure. Pour voyager par la voie publique, c’est-à-dire par le pont de Ngueli notamment, un étudiant doit faire une demande d’autorisation de sortie pour les études. Selon un étudiant qui raconte son vécu, la demande est déposée au ministère de la Sécurité publique, accompagnée d’une copie de la carte d’étudiant ou de la fiche d’inscription dans l’une des universités camerounaises. Ensuite, il faut attendre et prier que l’autorisation, qui est retirée au Commissariat central, soit diligemment donnée. Après cette épreuve, il reste celle des contrôles. « Il faut reproduire votre autorisation en quatre copies, qui seront remises tour à tour aux agents de sécurité, postés à l’entrée du pont de Ngueli. Parmi eux, il y a des agents de l’Agence nationale de sécurité (ANS). Ils enregistrent tout donc ils savent qui est sorti et qui est entré à N’Djaména », raconte (sous l’anonymat) cet étudiant inscrit à l’université de Ngaoundéré.

Pareil pour ceux qui veulent sortir pour des raisons de santé. Il faut préalablement obtenir une autorisation de sortie pour une raison sanitaire en déposant une demande manuscrite, accompagnée de la copie d’un avis d’évacuation ou d’un carnet de santé. Il faut signaler que cette autorisation est donnée gratuitement.

Sans une autorisation de sortie, la dernière option pour se rendre au Cameroun ou entrer à N’Djaména via Kousseri reste de traverser clandestinement le fleuve. Tout le long du fleuve Logone, à partir de Ngueli, des piroguiers offrent leurs services moyennant une somme d’argent dont le montant peut varier (500 ou 1000 frs) selon que le piroguier est de bonne humeur ou a beaucoup de clients ce jour. Là aussi, des agents de sécurité sont postés et prennent leur part. « C’est une véritable aubaine pour ces agents, qui exigent au moins 500 frs par voyageur », confie notre source.

Malgré l’allègement récent des mesures sécuritaires, qui s’est traduit par le déconfinement de la ville de N’Djaména et l’ouverture des frontières aériennes, les autorités ont maintenu la fermeture des frontières terrestres. Malgré les plaintes des usagers, qui vivent grâce au trafic entre Kousseri et N’Djaména et les appels pressants à rouvrir cette voie, certaines indiscrétions laissent entendre qu’elle devrait rester fermée jusqu’aux prochaines élections présidentielle et législatives. Cela fait que cette frontière qui, autrefois, est un marché en miniature, est l’ombre d’elle-même (voir photo du pont de Ngueli prise il y a quelques jours). Mais ce n’est que du côté du Tchad ; car du côté camerounais, la vie sociale et économique a repris et suit normalement son cours en dépit des cas plus nombreux du coronavirus (30 313 cas contre 3 433 pour le Tchad).

Il est à noter que cette interdiction de traverser la frontière de Nguéli ne concerne pas les importateurs et exportateurs des marchandises.