INTERVIEW – Pendant que l’épidémie de Coronavirus sévit en Chine avec déjà plus de 200 morts, Mahamat Oumar Adoum et ses compatriotes tchadiens sont tout aussi dans une extrême inquiétude. Délégué provincial des étudiants résidant à Nanning, capitale de la région de Guangxi au Sud de la Chine, il répond aux questions de Tchadinfos.

Ça fait combien de temps que vous êtes partis en Chine et que y faites vous ?

Je suis ici en Chine, plus précisément dans la ville de Nanning depuis octobre 2016. Étudiant en Economie et commerce international. Actuellement stagiaire dans une société de fabrication des matériels de construction d’où j’occupe le poste de FOREIGN SALE MANAGER

Membre fondateur de l’Association des Étudiants et Stagiaires tchadiens en Chine (AESTC) dont j’ai été commissaire aux comptes adjoint du bureau précédent et actuellement délégué de la province de Guangxi.

Vous avez dit que la province de Guangxi compte une quinzaine d’étudiants tchadiens. Alors quelle est leur situation par rapport à l’épidémie de coronavirus qui s’est déclenchée en début décembre ?

Notre situation n’est pas encore si grave que ceux de la ville de Wuhan dont la province est déjà bloquée où personne ne peut entrer ni sortir mais quand même elle reste alarmante dans notre province comme beaucoup d’autres. Comme tout être humain, nous étudiants tchadiens ne pourrions rester éternellement enfermer chez nous jusqu’à ce que l’épidémie soit éradiquée. Le peu de nos réserves alimentaires finiront d’un jour à l’autre et pour ne pas mourir de faim, on sera obligé de sortir de nos casernes pour se ravitailler et là on ne sait pas le danger qui nous attend dehors malgré le port des masques qui ne peuvent garantir, vu que même certains médecins ont cédé la vie tout en sauvant des vies humaines. Eux-mêmes qui sont plus protégés combien de fois nous simples étudiants.

Donc vous voulez dire qu’actuellement vous êtes bloqués dans vos maisons ?

Oui, on est bloqué dans nos chambres par les responsables de nos universités et aussi par nous-même. Car si la situation n’est pas si grave comme l’on annonce partout dans les médias chinois, ce petit nombre de personnes contaminés seront déjà dans la main du gouvernement chinois.

Et d’après une source sûre, d’ici peu de temps, toutes les frontières de la Chine seront fermées comme ça été le cas de Wuhan. Parce que le nombre des personnes contaminés ne cesse d’augmenter.

Que voulez-vous dire par “seront déjà dans la main du gouvernement chinois”

Je voudrais dire que si le nombre de malades divulguer dans les informations est réel, vu la compétence de l’Etat chinois, tous les malades seront identifiés en une heure. Car ici, tout est contrôlé à 99% en matière de sécurité humaine. Mais le nombre ne cesse d’augmenter d’heure en heure.

Donc c’est dire que la situation est très sérieuse et que le nombre avancé dans les médias officiels ne sont pas réels ?

Exactement!

Quelle est l’ambiance actuelle dans la ville de Nanning ?

Je peux dire tout simplement que Nanning est devenu une ville fantôme. C’est-à-dire il n’y a presque plus de monde. On se pose la question où sont passés tous ces gens.

La ville chinoise de Nanning
Dites-nous combien de cas ont été détectés dans votre ville ?

Hier, quatre cas étaient signalés donc ce matin on se retrouve à 58 cas.

58 cas dans la ville de Nanning ?

Non. L’information dit tout simplement que c’est dans la province où nous sommes. On ne nous a pas précisé quelle ville pour qu’on ne soit pas inquiet. Mais d’après des sources dans les groupes Wechat, des amis chinois de ma ville disent que les hôpitaux sont remplis et qu’aucune presse, photo ou vidéo n’est autorisée. Sinon tous les hôpitaux sont placés sous strictes surveillances actuellement.

Maintenant quels sont vos sentiments en tant qu’étudiants tchadiens ?

D’une manière honnête, on a tous les mains sur nos cœurs. La peur! Désespéré que chacun attend seulement son tour. Car on sait que d’un jour à l’autre, nous allons toujours finir par sortir de nos cachots. S’il y a possibilité, il serait mieux de quitter ce pays avant que les sorties ne soient fermées comme c’est le cas à Wuhan. Même s’il ne faut pas rentrer au bercail, il suffit juste de rester quelque part pas loin jusqu’à ce que la situation change ou qu’un remède ne soit trouvé avant de rentrer. Personne ne veut ramener cette maladie chez nous comme certains de nos frères le disent sur les réseaux sociaux. Mais si les parents ont les moyens de protéger leurs enfants, je leur conseille de les faire sortir avant que ça ne soit trop tard. Toutefois, on espère bien que tout redevient bel et bien comme avant.

Avez-vous adressé un message à l’endroit des autorités tchadiennes ?

Personnellement non. Mais par le biais de l’AESTC, oui. Le ministre des Affaires étrangères a été informé. Une somme de 30 000 yuans (environ 2,5 millions FCFA) a été débloquée pour les étudiants tchadiens de la ville de Wuhan qui ont été condamnés par les autorités chinoises à ne pas sortir de cette ville. Chose dont beaucoup d’entre nous n’avions pas apprécié parce qu’ils sont toujours en danger. Cet argent finira. Je dirai même que c’est déjà fini vu la cherté de vie que ce drame a causé. Que les autorités tchadiennes cherchent à les faire sortir de cette zone (l’épicentre du virus) avant qu’ils ne soient contaminés. Je m’inquiète aussi pour nos études. Surtout pour nous qui finissons cette année.

Qu’est-ce qui vous préoccupe actuellement, vous qui êtes en dehors de Wuhan?

Je veux dire ici que nous souhaitons qu’on fasse sortir nos frères qui sont à Wuhan avant tout que de faire des gestes pour faire du buzz et les oublier là-bas.

Et vous qui êtes à Nanning ?

Sortir carrément de cet endroit avant qu’il ne soit trop tard. Si d’ici quelques jours le nombre de victimes n’arrête pas de croître, il est préférable de quitter la Chine. Ils ont dit qu’ils vont trouver les médicaments dans 1 mois ou plus, mais s’ils ne trouvent pas les médicaments qu’est ce qu’on va faire. Personne ne veut mourir ici sur cette terre qui n’est pas la nôtre.

Avez-vous un mot fin ?

Parmi nous, il y a des gens qui sont désespérés et d’autres essaient de tenir encore. Donc si le gouvernement pourra rapatrier ses citoyens, il y’a certes des volontaires qui ont pratiquement perdu espoir donc une fois arrivée, on pourra les mettre en quarantaine pendant une quinzaine de jours voir leur état de santé avant de les laisser rejoindre leurs familles, qui ont espoir en eux aussi. Car le nombre total des étudiants et stagiaires tchadiens ne dépasse pas 350 personnes. Pour les étudiants de Wuhan, ils ont besoin de nourriture et non de l’argent. Car cet argent ne leur suffit à rien.