Les causes de ces décès brutaux, choquants et qui causent de graves pertes à une société en quête de sa propre voie sont l’insécurité et les maladies bizarroïdes.

Belem Blaise Tompté est mort. Le célèbre artiste plasticien, auteur des illustrations pour enfants, dont la plus connue est Bobo et Noupi, a été froidement tué par des inconnus dans la fleur de l’âge, dans la nuit du 1er juillet 2022 à N’Djaména. Ses meurtriers comptent parmi les bandits qui font la loi dans la capitale jour et nuit. Belem Blaise Tompté rentrait lorsqu’ils l’auraient agressé en face du lieu dit de la Basilique dans le 7e arrondissement en lui assénant des coups mortels avant d’emporter sa motocyclette. Ce vaste terrain vide, situé au bord du fleuve Chari, clôturé par un long mur et destiné à abriter un grand symbole religieux, sert de repaire à des agresseurs, qui s’y cachent pour voler, violer et verser le sang des citoyens. Sans que le gouvernement et l’église catholique, propriétaire du terrain, ne s’en émeuvent.

La même nuit, un autre jeune, Abdelaziz Baissana Allamsou, est, lui aussi, tué par balle au quartier Moursal dans le 6e arrondissement de N’Djaména. Les tueurs, toujours non connus et en train de courir librement en attendant de commettre un autre crime, auraient également emporté sa moto. Le dimanche d’après, vers 8 heures du soir, un autre jeune, âgé d’environ 30 ans, a été retrouvé égorgé à quelques encablures du rond-point Patte d’Oie vers la sortie Nord de N’Djaména, sans qu’on n’en sache le motif.  

Chaque jour, au moins un jeune est tué dans la capitale par des criminels dont la plupart sont connus des services de la justice. S’il ne s’agit, ici, que des cas connus, puisqu’il y aurait plusieurs cas par jour, ce sont souvent des jeunes qui, après d’âpres études ici et ailleurs, viennent d’entamer la vie active et constituent de grands espoirs pour le Tchad ; le cas de Belem Blaise Tompte, un ingénieur qui avait un avenir prometteur, en dit long.  

A côté de l’insécurité galopante, dont on est tenté de dire qu’elle est entretenue, vu comment elle résiste à tous les corps de la sécurité réunis, les jeunes sont très décimés par des maladies ces dernières années. La mort récente et aussi dans la fleur de l’âge de Borh Gogoto Armand, rapporteur du Conseil économique, social et culturel (CESC), a surpris et choqué au-delà de ses proches, amis et connaissances. Borh Gogoto Armand était plein de vie et avait son avenir devant lui. Contre la maladie, il s’était battu durant des mois en fréquentant cliniques, hôpitaux et guérisseurs traditionnels dans l’espoir de trouver des soins appropriés avant de rendre son dernier souffle. Ils sont si nombreux à mourir très jeunes des maladies qui, sous d’autres cieux, ne sont pas forcément incurables.

Si, face à ces décès, beaucoup se résignent et s’en remettent au sort ou à la volonté de Dieu comme l’enseignent les Livres saints, il faut dire que comme l’insécurité, les maladies qui font de ravages dans le milieu des jeunes trouvent leur force dans le manque de structures sanitaires spécialisées, doublé d’une incompétence de plus en plus visible des soignants. La vérité est que, ce qui est la faute des gouvernants, il n’y a aujourd’hui aucun hôpital digne de ce nom au Tchad, pouvant traiter correctement une maladie délicate. Ainsi, entre l’absence d’un bon plateau technique et une formation au rabais, médecins et infirmiers sont de plus en plus incapables de diagnostiquer et soigner certaines maladies. Et se résolvent, dans un pays ou leur responsabilité est rarement engagée devant les juridictions, à “faire avec”. Dans les provinces, n’a-t-on pas déjà entendu un médecin, certainement dépassé, se permettre de dire aux proches d’un malade que son cas nécessite des soins traditionnels ? Conséquence : beaucoup de malades ne croient plus aux soins hospitaliers et n’hésitent pas à trouver des causes mystiques à ce qui leur arrive. Quitte à accuser…