Avez-vous compris cet arrêté du ministère de l’Éducation nationale (MEN) qui supprime le redoublement de classe dès la rentrée prochaine? Moi non. Je cherche encore les raisons objectives de l’efficacité de cette mesure. Je n’en vois aucun bénéfice pour le système éducatif tchadien. Si cette décision est mise en marche ça serai un désastre pour une école déjà mal en point.
Au ministère, on avance entre autres raisons: le taux de redoublement de 27% qui cause la baisse de niveau. Et engendre des couts financiers. Donc, la solution est la suppression du redoublement. Un raisonnement absurde. Illogique. Dangereux.
Parce que….
Il laisse passer tous les élèves. Du cours préparatoire 1 (CP1 au primaire) jusqu’en Terminale (secondaire). Bons et mauvais élèves. Plus de BEPC. Pour être logique, il faudra aussi supprimer le baccalauréat vu qu’il coute cher. La nouvelle politique du MEN est: rien ne vaut plus rien. Tout s’équivaut. Réussite et échec, sont pareils. Plus besoin d’efforts de l’élève. Il suffit d’avoir 5 de moyenne. Et hop! on se retrouve l’année suivante dans la même classe que celui qui à 12. Et pour compliquer encore les choses, l’élève qu’on fait passer en classe supérieure continuera à recevoir des cours de la classe précédente. C’est à dire que s’il passe au CM1, sans l’avoir mérité, il recevra des cours de CE2. Voilà le génie tchadien. Un génie qui a une capacité auto-destructrice sans égale. Bref, une fabrique de médiocrité.
Ce n’est pas grave entend-on. Des cours de rattrapage seront donnés pendant les grandes vacances. Comment? Dans quelle condition? Avec quels moyens? Quelles ressources humaines? Etc. Les professeurs n’auront plus des vacances. Déjà, qu’ils ne suffisent pas à la tache. Ils sont mal formés. Tous ces problèmes passent par dessus la tête du ministère.
Pire, l’arrêté est décidé presque en catimini. Sans débat. Sans impliquer les professeurs. Sans consulter les techniciens du MEN. Sans demander l’avis des syndicats de l’enseignement. Et paf! le non-redoublement est proclamé. Célébrer comme une innovation. Alors que c’est plutôt une régression. Voire une démission du MEN.
Il est temps de reconstruire l’école publique tchadienne. Morceaux après morceaux. Briques après briques. Etape par étape. Alors comment?
Un: ne plus parler de baisse de niveau mais reconnaitre qu’il n’y plus de niveau. Dans le quotidien le Progrès, un enseignant de l’école publique d’Ardeb-djoumal affirme, « les élèves ont beaucoup de difficultés. Il y en a qui ne savent pas écrire leur non. Ce qui nous oblige à leur attribuer des numéros pendant les compositions. Supprimer le redoublement d’un élève est un danger public. Si les gens du ministère le veulent, qu’ils viennent enseigner les enfants à notre place ». Tous les maux de l’école tchadienne sont résumés dans cette réaction de dépit.
Deux: reconstruire cette école à la base. C’est à dire recommencer à zéro. Miser sur l’école primaire. Du CP1 au CM2. Recruter des enseignants du primaire. Les courtiser même à l’étranger vu le manque des maitres d’école qualifiés. Leur donner une bonne rémunération et des conditions meilleures. Rebâtir la formation de enseignants du primaire sur des nouvelles bases. Apprendre aux nouveaux enseignants à enseigner les matières de base: lecture, calcul, écriture.
Trois: impliquer les syndicats, les fonctionnaires, les parents d’élèves et les experts dans toutes les étapes. Leur faire comprendre la gravité de la situation et la nécessité de revenir à l’enseignement des 3 fondamentaux: savoir lire, savoir écrire et savoir compter.
Quatre: décider de faire non pas les états généraux de l’Education nationale mais celui de l’éducation de base. C’est à dire reconstruire l’étape 1 : le primaire. Ensuite attaquer à l’étape 2: le secondaire. C’est la seule façon efficace de reconstruire l’école tchadienne. Bien la reconstruire pour lui redonner des fondations solides.
En fin, l’Education nationale doit annuler cet arrêté. Dans la foulée rétablir, dès l’année 2015-2016, l’ex BEPC et l’entrée en sixième. Arrêter d’importer, d’implanter des décisions loin des réalités de l’école tchadienne. Il faut miser sur le Fondamental. Sinon c’est l’école tchadienne qui mourra. Et des générations d’enfants seront sacrifiés. Avec des conséquences graves pour un pays comme le Tchad. Un pays déjà handicapé par un taux d’analphabétisme et d’illettrisme effarants.
Bello Bakary