Malgré d’importantes dépenses d’infrastructures finan­cées par les ressources pétrolières, le Tchad fait face à un déficit infrastructurel qui constitue un lourd handicap pour la transformation structurelle et la diversification de l’éco­nomie. Dans le contexte de crise économique, le déve­loppement des partenariats public-privé (PPP) s’avère prometteur pour le Tchad afin de relever les défis auxquels l’Etat est confronté.

Le défi majeur pour le Tchad est de réduire sa dépendance aux ressources pétrolières par la promotion d’une diversification économique pour laquelle le pays dispose d’immenses potentialités.

Le domaine des partenariats public et privé est en pleine croissance en Afrique où le développement des grandes infrastructures ne peut se faire sur la base des seuls financements publics. Or le financement de projet en PPP est à la fois une technique financière et un montage juridique.

Le recours aux partenariats public-privé suppose des connaissances suffisantes permettant d’en apprécier l’opportunité au regard du contexte juridique, économique et financier local et régional (Cemac).

Pour la mobilisation des ressources internationales et nationales nécessaires au développement du Tchad, le PPP est une source alternative de financement et les exemples de succès de certains PPP dans le monde démontrent l’intérêt de leur utilisation pour le Tchad. Mais que recouvre cette pratique de PPP en général? Quel est le contexte juridique, pour la mise en œuvre des partenariats public-privé au Tchad? Comment les PPP peuvent aider à combler au manque de fonds publics?

Qu’est-ce que les partenariats public-privé ?

Le PPP est devenu un terme largement utilisé pour décrire différents types d’accord contractuel. C’est un terme qui se distingue par le nombre élevé d’acronymes et de titres. Il n’existe pas de définition universellement reconnue du concept de Partenariat Public-Privé.

En pratique, le concept de PPP recouvre les contrats administratifs par l’intermédiaire desquels une entité publique confie à un partenaire privé tout ou partie de la conception, de la construction, du financement, de l’exploitation et de la maintenance d’infrastructures publiques ou de services associés.

De plus en plus de pays inscrivent une définition des partenariats public-privé dans leurs lois, chacun d’entre eux adaptant cette définition à leurs particularités institutionnelles et juridiques. Comment les PPP s’inscrivent-ils dans la législation tchadienne?

L’ordonnance N°06/PR/2017 constitue le dispositif juridique du partenariat public-privé en République du Tchad et définit le partenariat public-privé comme une forme de collaboration qui associe l’autorité publique et une personne physique ou morale de droit privé dans le but de fournir des biens ou des services au public, en optimisant les performances respectives des secteurs publics et privés afin de réaliser dans les meilleurs délais et conditions, des projets à vocation sociale ou de développement d’infrastructures et de services publics, dans le principe d’équité, de transparence, de partage de risques et de viabilité à long terme.

De plus, ce dispositif prévoit plusieurs formes de contrat de partenariat public-privé notamment :

  • le contrat de concession ; contrat de conception, construction, financement, exploitation, en anglais DBFO (Design-Build-Finance-Operate) ;
  • contrat de construction, exploitation et transfert, en anglais BOT (Build-Operate-Transfer) ; contrat de partenariat sur financement public ;
  • et la délégation de service public.

En effet, il faut noter le mérite de cette ordonnance qui prévoit des dispositions régissant les conditions de recours au partenariat public-privé et cadre institutionnel ; mode de sélection du partenaire privé ; des clauses du contrat PPP ; des conditions d’exécution du PPP ; de la durée, prorogation, résiliation ou expiration du contrat de PPP ; du règlement des différents ; des dispositions fiscales, douanières, foncières, domaniales et de change etc…

Par ailleurs, dans le cadre de relance économique avec les PPP, l’article 9 de la charte d’investissement en République du Tchad dispose que « Dans le cadre de sa politique de développement, l’Etat privilégie la concertation avec le secteur privé. A cet effet, il s’engage à :

  • établir un partenariat dynamique entre le secteur public et le secteur privé en vue de la définition des stratégies et de la recherche des solutions aux problèmes économiques et sociaux ;
  • apporter son appui au renforcement des organisations professionnelles autonomes, en créant un cadre juridique favorable au bon fonctionnement des Chambres Consulaires, des syndicats patronaux et d’employés et des associations de consommateurs ;
  • adopter et animer un cadre institutionnalisé de concertation systématique avec le secteur privé et la société civile sur les questions de développement économique ;
  • simplifier les formalités administratives des investisseurs en mettant en place un dispositif d’accueil, d’information et de conseil des investisseurs.»

De même, l’article 8 du Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques soutient que « Toute concession d’utilisation ou d’exploitation des biens de l’Etat ainsi que les partenariats public-privés, s’appuient sur des bases juridiques formelles et explicites ».

L’intention des autorités tchadiennes est sans équivoque pour le recours aux partenariats public-privé mais, il y a lieu de consacrer du temps et des efforts à établir les bases appropriées pour le PPP. Quant à savoir dans quelle mesure le PPP peut être un moyen de relance économique pour le Tchad ?

Partenariats public-privé comme outil de relance économique

La crise financière de 2008 a suscité d’intérêt pour les partenariats public-privé aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Confrontés à cette crise, certains pays d’Afrique ont créé des stratégies en faveur du PPP pour faire appel aux investisseurs étrangers et nationaux.

Ainsi, dans le but de relancer l’économie, des mesures ont été prises par le gouvernement tchadien à travers le plan national de développement (PND) de 2017-2021 qui énoncent que «Le Partenariat-Public-Privé (PPP) sera un outil privilégié de mobilisation des ressources pour financer les pôles de croissance et le développement du secteur agricole, des mines, des infrastructures, de l’énergie, du tourisme, de l’artisanat, de l’industrie et des Petites et Moyennes Entreprises / Petites et Moyennes Industries (PME/PMI). »(Article 18 du PND).

Pour atteindre ces objectifs, deux mécanismes ont été mis en place. Il s’agit d’une part du mécanisme de Table-Ronde des partenaires et d’autre part des forums des investisseurs qui sont organisés afin de mobiliser des financements privés pour des projets économiques bancables.

Il importe donc de tirer les leçons des exemples réussis de partenariats public-privé en Afrique, en France et dans le monde.

Des exemples réussis de partenariats public-privé en Afrique

Les infrastructures et services sociaux élémentaires jouent un rôle important dans les objectifs de développement du Millénaire des Nations Unies, mais c’est justement dans ces domaines que les partenariats public-privé sont constatés.

Au Cap-Vert, les ressources naturelles sont rares. L’énergie provient traditionnellement du bois des forêts locales. Le Fonds pour l’environnement mondial de la Banque mondiale a soutenu un partenariat public-privé pour construire une usine éolienne d’une capacité de 7,8 MW. Non seulement celle-ci a des effets positifs sur l’approvisionnement énergétique du pays, mais elle contribue aussi à réduire les rejets de CO2.

Le Sénégal a conclu un partenariat public-privé dans le domaine de l’approvisionnement en eau. C’est un exemple de réussite puisque, depuis lors, la fourniture d’eau a augmenté de 20% et le nombre des raccordements de 35%. L’exploitant est aussi une des premières sociétés hydrauliques d’Afrique à avoir obtenu un certificat de qualité (ISO 9001 en 2000).

Il y a d’autres exemples des partenariats public-privé fructueux, mais le facteur important du succès de ces partenariats public-privé résulte d’un dispositif opérationnel bien organisé pour le secteur public. Les avantages au recours au PPP sont des solutions pour combler le manque de fonds publics.

Les principaux avantages des partenariats public-privé

L’État a donc tout intérêt, économiquement et politiquement, à créer des conditions favorables aux investissements en infrastructures. L’autre motivation principale pour l’utilisation des PPP en tant qu’outil alternatif pour le financement et l’acquisition des infrastructures est le gain potentiel à long terme mais à condition d’appliquer les PPP à des projets appropriés et selon la structure et mode de passation de marché adaptés.

Selon la banque mondiale, le recours au PPP apparait comme un levier financier des projets, il permet :

  • d’introduire la technologie et l’innovation du secteur privé afin de proposer des services publics de meilleure qualité grâce à une meilleure efficacité opérationnelle;
  • encourage le secteur privé à fournir les projets dans les délais et le budget impartis;
  • imposer un certain degré de certitude budgétaire en définissant les coûts des projets d’infrastructure présents et à venir au cours du temps;
  • de développer les capacités du secteur privé local par l’intermédiaire d’une propriété conjointe avec de grandes entreprises internationales, ainsi que comme une possibilité de sous-traitance pour les entreprises locales dans des domaines tels que les travaux publics, les travaux électriques, la gestion des équipements, les services de sécurité, les services de nettoyage, les services d’entretien, etc.;
  • diversifier l’économie grâce à une meilleure compétitivité du pays au niveau de la simplification de la base des infrastructures, ainsi que stimuler son commerce et son industrie associés au développement des infrastructures (tels que la construction, l’équipement, les services de soutien, etc.);
  • compléter les capacités limitées du secteur public pour répondre à la demande croissante en développement des infrastructures;
  • dégager un rapport qualité-prix à long terme grâce à un transfert de risques adéquat vers le secteur privé tout au long du projet : de la conception/construction à l’exploitation/l’entretien.

A travers la promotion de partenariats novateurs et l’instauration d’un dialogue sectoriel, les PPP permettent ainsi de compenser les carences dans la gestion des services, de renforcer les capacités de programmation et de contractualisation des pouvoirs publics et de contribuer à l’autonomie financière des collectivités locales et des entreprises publiques, tout en favorisant l’intégration régionale.

Au-delà de la promotion d’un environnement favorable aux infrastructures, les PPP créent des opportunités d’emploi, contribuent à la réduction de la pauvreté, à la croissance économique, et in fine, au développement du pays.

Principaux axes à travailler pour améliorer les investissements en mode PPP.

Une attention particulière doit être portée à l’amélioration du climat des affaires et des garanties ou des traitements exceptionnels au plan fiscal ou douanier. Par ailleurs, un cadre juridique solide relatif aux PPP doit être mis en place au plus haut niveau de l’État, avec une régulation renforcée ainsi qu’une bonne gouvernance des organismes publics, excluant toute forme de corruption.

Les investisseurs privés examinent toujours le cadre juridique et vérifient à quel point il permet d’assurer l’application effective des contrats de PPP. D’où la nécessité de faire :

  • un montage juridico-financier relatif au PPP et par secteurs d’activités (énergie, transports, ressources naturelles, infrastructures sociales, etc.) ;
  • adapter au PPP les différents modes de la commande publique (notamment, le contrat de partenariat) ;
  • créer un modèle financier plus détaillé ;
  • créer une cellule ou unité en charge des PPP au sein d’un ministère ;
  • encourager la promotion des PPP en encourageant les acteurs.

A toutes fins utiles, au-delà du Programme national de développement 2017-2021, le Tchad doit créer une stratégie en faveur de PPP et un cadre institutionnel transparent, réunissant les départements sectoriels, les collectivités territoriales et les départements du Plan et des Finances.

Consulting Africa Tchad est fondateur du Club PPP Tchad.