N’DJAMENA, 30 octobre (Xinhua) — Une session criminelle spéciale sera ouverte le 14 novembre à N’Djamena pour juger les tortionnaires de la police politique sous le règne de l’ancien dictateur Hissène Habré, a déclaré jeudi Louapambé Mahouli Bruno, procureur général près la Cour d’appel de N’Djaména.
Après la chute de Habré, en décembre 1990, les nouvelles autorités du pays ont institué une Commission nationale d’enquête portant sur les crimes et détournements commis par l’ex-président, ses co-auteurs et/ou ses complices.
Après 17 mois d’investigations, la commission a rendu public les conclusions de ses travaux, qui donnent un aperçu terrifiant sur l’ampleur du désastre causé par le règne de huit ans de Habré: 40.000 morts dont 3.780 personnes nommément recensées; plus de 80. 000 orphelins; plus de 30.000 veuves; plus de 200.000 personnes se trouvant sans aucun soutien moral et matériel; sans compter l’expropriation et confiscation extrajudiciaire des biens appartenant aux citoyens qualifiés de “ennemis” par ledit régime.
En outre, la commission a procédé à l’exhumation de plusieurs fosses communes aux abords de N’Djaména et d’autres villes de provinces, où sont jetés les corps des milliers de victimes sans aucune forme de sépulture.
Selon la commission d’enquête, “ce bilan ne couvre seulement 10% de la réalité des crimes commis par le régime de Habré”.
En octobre 2000, les victimes de cette répression organisée, réunies dans une association, ont saisi le 1er cabinet d’instruction du Tribunal de 1ère instance de N’Djamena de deux plaintes avec constitution de partie civile, l’une visant 40 principaux responsables de différents organes de la répression, et l’autre, contre tous les agents, indicateurs et informateurs de la DDS. Plusieurs autres plaintes individuelles ont été déposées par la suite.
Le 23 octobre 2014, une ordonnance a été rendue par le doyen des juges d’instruction tchadiens, remettant en liberté 9 personnalités et inculpant 21 autres chefs de tortures, actes de barbarie, coups et blessures criminels, des détentions illégales et arbitraires, de traitements cruels, assassinats et homicides volontaires.
Parmi eux, il a un certain Saleh Younouss Ali, directeur de la DDS à sa création en 1983 jusqu’en 1987, et Mahamat Djibrine dit ” El Djonto”, chef du service contre-espionnage, coordonnateur de la Documentation, puis chef du service dit “mission terroriste”.
“En l’exécution de cet arrêt de la chambre d’accusation et sous nos réquisitions personnelles, le Premier président de la Cour d’ appel de N’Djaména, par ailleurs président de la Cour criminelle, a ordonné la tenue d’une session criminelle spéciale en vue de juger Saleh Younouss et vingt-huit autres pour les dates du 14 novembre au 13 décembre 2014”, a précisé M. Mahouli.
Le 3 juillet 2013, l’ancien président tchadien a été inculpé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture par les juges d’un tribunal spécial siégeant à Dakar, capitale du Sénégal, où il vit il y a près de vingt-quatre ans. Outre Habré, cinq de ses anciens collaborateurs sont cités dans les faits à lui reprochés: Saleh Younouss Ali, Mahamat Djibrine, ainsi que Guihini Koré, un neveu de Habré, Zakaria Berdeye et Abakar Torbo.
Depuis une année, les Chambres extraordinaires africaines de Dakar ne cessent de réclamer le transfèrement de Saleh Younouss Ali et Mahamat Djibrine. Mais N’Djaména a toujours refusé.
“A travers ce procès, le gouvernement de la République du Tchad, qui entend rendre justice à toutes les victimes, traduit ainsi dans les faits sa ferme volonté de lutter contre l’impunité”, a conclu le procureur général près la Cour d’appel de N’Djaména.