N’DJAMENA, 12 février (Xinhua) — Depuis plusieurs semaines, le gouvernement tchadien et ses partenaires humanitaires s’activent pour apporter des réponses aux besoins des dizaines de milliers de Tchadiens rapatriés de la République Centrafricaine voisine; mais les moyens disponibles sont loin de suffire tant les besoins restent immenses, selon un rapport publié par OCHA Tchad en collaboration avec les partenaires humanitaires”.

A la date du 5 février 2014, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a enregistré près de 57.000 personnes arrivées de la Centrafrique (RCA) depuis le 21 décembre 2013 au Tchad dont 6.000 réfugiés centrafricains, selon le Haut- commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)”, précise le texte dont Xinhua a obtenu copie.

Les retournés continuent d’affluer vers les points d’entrée au sud du pays. Et leur statut pose de problèmes de protection sé rieux aux humanitaires, étant donné que quatre catégories de personnes ont étéenregistrées: les migrants tchadiens retournés, les réfugiés centrafricains et les Tchadiens qui vivaient en Centrafrique et qui ont perdu toute attache avec le Tchad ou encore quelques ressortissants de pays tiers qui désirent rentrer chez eux.

La grande majorité des personnes retournées sont des femmes et des enfants, mais on remarque de plus en plus la présence des hommes dans les arrivées. Plus de 780 enfants non-accompagnés ou s éparés ont été enregistrés dans tous les centres de transit et points d’entrée selon l’UNICEF.

Le déclenchement des exactions en début décembre 2013 entre les ex-Séléka (la coalition rebelle ayant chassé le président Bozizé du pouvoir il y a un an) et les milices anti-Balaka en République centrafricaine a causé des déplacements massifs de population.

L’intensité des violences et des combats ainsi que le ciblage des ressortissants tchadiens (estimés par le gouvernement tchadien à plus de 300 000 Tchadiens en Centrafrique avant les événements), a atteint une telle dimension que les autorités tchadiennes ont lancé, le 21 décembre 2013, un pont aérien pour évacuer leurs nationaux en Centrafrique. Pour accélérer cette opération, elles ont envoyé, le 30 décembre 2013, une vingtaine de véhicules militaires à Bangui pour récupérer d’autres ressortissants du Tchad bloqués sur place et les acheminer à la localité frontalière de Sido dans la région du Moyen Chari.

Le 3 janvier 2014, le gouvernement tchadien a lancé un appel à l’endroit de la communauté internationale pour assister les rescap és des violences en Centrafrique. Une opération de solidarité nationale dite “Don du Coeur” en soutien aux retournés a été lancé e le 4 janvier et a reçu beaucoup de réponse de la population.

Mais les vivres de toutes sortes et les 580.000 USD mobilisés à la date du 28 janvier 2014 par les Tchadiens et les partenaires é trangers ne suffisent pas face à l’ampleur des besoins.

Sur le plan humanitaire, en effet, la coordination et la gestion des sites, ainsi que le transport humanitaire, nécessitent plus de 3 millions USD, selon l’OIM. Le transport rapide des évacu és depuis les sites jusqu’à leurs milieux d’origine doit être coordonné dans les sites de départ et ceux d’arrivée afin d’assurer une aide humanitaire adéquate. Ces mouvements doivent impérativement être volontaires et non forcés.

Le gouvernement du Tchad est en train d’identifier un partenaire humanitaire (une ONG nationale ou internationale) pour gérer le site de Zafaye, à N’Djamena, qui accueille plus de 15.000 personnes.

Sur le plan de l’éducation, le gouvernement tchadien et ses partenaires travaillent à mettre en place dans les différents sites des espaces temporaires d’apprentissage et d’initier des cours de rattrapage pour les enfants déscolarisés. Les enfants de moins de 18 ans représentent à peu près 60% du total des populations arrivées au Tchad; ce qui représente une proportion assez importante d’enfants enâge scolaire.

En matière de sécurité alimentaire, il faut plus de 16 millions USD pour faire face aux besoins des retournés pendant les six premiers mois de l’année. “Ces populations vivent en RCA depuis des années et ne bénéficient donc plus d’un réseau de soutien au Tchad. Ils auront besoin d’assistance à court et à moyen terme, puisqu’ils retournent s’installer dans des régions fragiles et touchées par l’insécurité alimentaire”, indique le rapport d’OCHA.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a besoin de 5.306 tonnes métriques de vivres, ajoute-t-il, pour répondre aux besoins des personnes fuyant les conflits en RCA, ainsi que de 5,4 millions USD pour une aide alimentaire sous forme de coupons alimentaires.

Sur le plan sanitaire, le grand défi est de vacciner tous les enfants contre la rougeole, la polio et la méningite, qui sé vissent régulièrement dans cette zone frontalière avec la Centrafrique. “176 cas suspects de rougeole ont été notifiés, dont 105 cas confirmés. Un total de 15 districts a été confirmés en é tat d’épidémies”, indique le document.

Selon OCHA, des campagnes de vaccination contre la rougeole, la fièvre jaune et la polio (couplées avec le déparasitage et la supplémentation en vitamine A) visant à atteindre plus de 20.000 enfants sont en cours dans les zones frontalières avec la RCA. Une autre campagne de vaccination de masse contre la rougeole dans les 15 districts à risque du Tchad, incluant les districts affectés par les déplacements de population. Elle vise à atteindre plus de 626.000 enfants de 6 à 59 mois dont 208.000 dans les quatre districts sanitaires de N’Djaména.

En dépit de ces efforts, les besoins non-couverts et les contraintes restent grands: une forte demande de services alors que les médicaments restent en quantité insuffisante; la multiplicité des sites de transit représente un défi de taille pour le déploiement des agents médicaux et de santé, pour l’approvisionnement en médicaments et les activités systématiques de vaccination; le référencement et la prise en charge de la santé de la reproduction au regard du nombre important de femmes enceintes au niveau des différents sites; le statut vaccinal des personnes retournées/réfugiés est pour l’instant inconnu.

Par ailleurs, il faut plus d’un million USD pour relever le dé fi de la nutrition, selon le rapport d’OCHA. “Les premières é valuations conduites dans certains sites de transit montrent un taux de malnutrition aigüe globale au-dessus du seuil d’urgence de 15%”, précise le texte.

Enfin, la réponse reste toujours en déca des attentes dans les domaines de protection (plus de 787 enfants séparés et non accompagnés ont été enregistrés par le gouvernement avec l’appui de l’OIM, beaucoup d’entre eux ont été témoins ou victimes des scè nes de violence), d’abris d’urgence (150 000 personnes auront besoin d’abris pendant les six premiers mois de l’année au sud et à N’Djamena), d’eau, hygiène et assainissement (1,7 million USD requis dont 100.000 seulement disponibles).

“Compte tenu de la situation de sous-financement qui touche les acteurs humanitaires au Tchad, la communauté humanitaire a pré paré un plan de réponse d’urgence de 33 millions de dollars amé ricains pour une période de six mois au profit de 150 000 personnes qui a été soumis aux bailleurs fin janvier 2014. Un financement d’environ 4 millions de dollars a été demandé au Fonds Central d’Urgence des Nations Unies pour la Réponse Rapide (CERF RR)”, explique le rapport d’OCHA.

L’appel global pour le Tchad en 2013 d’un montant d’environ 510 millions USD, est financé à plus de 297 millions dollars, soit 58, 4%. Cependant certains secteurs vitaux sont parmi les moins financ és, notamment la protection (16,7%), la santé (17,7%), le multisectoriel pour les réfugiés (40,7%) et l’eau, hygiène et assainissement (environ 50%), rendant difficile la réponse. Le Programme alimentaire mondial (PAM) et le HCR, déjà touchés par cette insuffisance de ressources financières sont cependant parmi les agences les plus sollicitées dans la réponse à la situation des retours de la Centrafrique. Pour l’année 2014, l’appel global pour le Tchad est d’un montant de 527 millions dollars.