Rien ne peut égaler l’amour qu’elle porte pour la robotique. Kaltouma Patric Merveille est l’étoile montante dont le Tchad peut compter pour se lancer sur le chemin de la haute technologie. Le portrait de la coach de l’équipe tchadienne de First Global Challenge.  

Si jamais elle est portée disparu, ne la cherchez pas loin. Elle serait certainement cachée dans le laboratoire de Wenaklabs pour réfléchir à la conception d’un robot. Chez elle, pas de temps à perdre. Sa distraction, ce sont ses capteurs et tournevis. Mais aussi, la transmission.

Après un court séjour à Sarh, elle débarque à N’Djamena pour préparer ‘’Novembre Numérique’’. Période pendant laquelle elle partage ses connaissances avec les geeks de la capitale.

Un vendredi, soleil au zénith, derrière une moto, Merveille honore un rendez-vous pris la veille. Lunette carrée sur un visage rond, tee-shirt à manche courte, basket aux pieds et un sac à main contenant son ordinateur. La ressemblance est nette avec les génies de la Silicon Valley.

Cette fille âgée de 22 ans est surnommée la ‘’bagarreuse’’ par ses camarades non pas pour sa bestialité mais pour son courage à affronter la complexité de la science. « Dès mon jeune âge, j’aime tout ce qui est embarqué, tout ce qui concerne la création, l’automatisme… » dit-elle. Très petite, son ‘’petit’’ grand-père l’initiait à affronter des défis en mathématique et en physique. « Ça me poussait à faire ressortir ce que j’avais en moi » poursuit-elle.

Loin de son papa, Kaltouma grandit sous le regard bienveillant de sa mère et de ses oncles. Son entourage, l’encourage à se donner la meilleure d’elle-même jusqu’à obtenir un bac scientifique en 2018. Elle opte pour le génie électrique et s’enfiche de ceux qui lui disent que c’est un métier de garçon. Trois ans plus tard, elle obtient avec brio sa licence à l’Université Charles Lwanga de Sarh, ville du sud du pays.

Mais elle refuse d’emprunter le chemin électrique. La passion pour la robotique a pris de dessus. En classe de 5ème, raconte-t-elle, elle découvre au Centre Culturel Français devenu Institut français du Tchad un documentaire sur la science-fiction. « Je suis sortie de la salle en me posant beaucoup de questions sur ce qui se cache derrière ce que j’ai vu ». Eblouie et depuis ce jour, la jeune fille ne rêve que de devenir une spécialiste de la robotique.

Curiosité, discipline, travail sont ses maitres mots. Aujourd’hui, elle est responsable des machines, formatrice et accompagnatrice des projets innovants du numérique au FabLab de Wenaklabs, l’un des plus importants incubateurs du pays. « J’ai été retenue plusieurs fois pour un stage et même un emploi dans une société d’électricité mais je me sens à l’aise à Wenaklabs » balance-t-elle avec un petit sourire. Sous ses auspices, l’équipe tchadienne de ‘’First Global’’ a occupé la 5ᵉ position sur 191 pays qualifiée pour les playoff de la compétition flottant ainsi le drapeau tricolore.

Son sérieux lui a valu d’être choisie comme mentor de l’équipe du Tchad à la compétition internationale de robotique ‘’First Global Challeng’’ pour l’édition 2023 qui s’est tenue à Singapour. « Tout ce qui concerne le projet First Global cette année c’était moi qui gérais. La sélection des enfants, la formation… Transformer des enfants qui ne connaissent rien de la technologie à des enfants qui sont aujourd’hui capables de réaliser des robots. C’est quand même une fierté » se réjouit-elle.

Outre l’électronique et la robotique, la bagarreuse est aussi designer, conceptrice, décoratrice évènementielle…

Actuellement, Merveille réfléchit sur un projet en rapport avec les Objectifs de Développement Durable qui consiste à propulser les jeunes filles dans le domaine des STM (Science-Technologie-Ingénierie-Mathématiques). Sauf qu’elle regrette le manque d’efforts dont font preuve la plupart des femmes tchadiennes malgré , selon elle, les multiples opportunités qui s’offrent à elles. « Une fille au lieu d’utiliser les réseaux sociaux pour s’instruire en s’abonnant à des pages et comptes intéressants, elle préfère passer son temps sur tiktok ou s’exhiber » regrette-t-elle.

Ce vendredi-là, Kaltouma Patric Merveille ne repart plus au labo – j’ai déjà fini dit-elle – direction la maison derrière la moto.