Les vacances sont en principe la période où les élèves et étudiants se reposent après 9 mois de dur labeur. Or, paradoxalement, c’est pendant ce temps-là que certains jeunes s’activent le plus, se livrant au petit commerce de détail. Cela n’est pas sans conséquences fâcheuses, puisque certains jeunes courent des risques mettant en danger leur vie. 

Sur les traces des « martyr(e)s » de la  survie 

Ce sont des jeunes gens, âgés pour la plupart entre  8 à 17 ans. On les croise partout et presqu’au même moment. Sur les principales avenues du pays, du matin au soir, toujours pressés, mais pratiquent les maquis, alimentations, buvettes et autres lieux publics, y compris les places mortuaires.  Parfois en équipe de trois à  deux,  ils transportent,  suspendus à leurs biceps gringalets ou  posés sur leur tête,  des petits  colis de divers articles.  Des trousses et paquets de cigarettes pour les uns, une combinaison de brosses à dents, rases barbe et toutes marques de parfums et déodorants pour les autres.  Du coté des filles, l’atmosphère est la même sinon pire.  Elles ne vendent non seulement les aliments, mais aussi leur charme juvénile.

Qu’est-ce qui pousse ces mineurs à cette aventure ? 

Les raisons sont diverses.  Cependant, malgré leur divergence, toutes ces raisons convergent vers ce qui convient d’appeler la lutte pour la survie. « C’est depuis  l’année passée qu’à  toutes  vacances, je me lance dans ce business pour préparer ma rentrée scolaire », témoigne un de ces jeunes  à peine âgé   de 14 ans, surchargé de divers articles, bien pressé. Une opinion soutenue  par son compagnon, au pas plus pressé que lui,  mais d’un air angoissé.  Après insistance, l’on apprend que depuis 4 heures de business, ce jeune homme  n’a pas atteint une recette de 700F, d’où l’expression de sa mine.  Quant à un 3ème qui suivait religieusement nos inquiétudes, « c’est normal qu’il faut apprendre tôt à se débrouiller, car demain sera trop tard », il déclare sans enjambée qu’à son âge, il a besoin de se procurer certaines choses qu’il ne peut pas demander aux parents.

Par ailleurs, les filles ne sont du reste. Tout comme les garçons, elles circulent  chaque matin à travers les rues, ruelles et autres lieux publics pour vendre leurs marchandises. « C’est ma maman qui m’a donné 2000F et m’a conseillée de faire ce commerce », confie  une fillette à peine 12 ans, bien timide,  avec sur sa tête, un plateau de tubercules cuites (Ndjabra).  Juste à ses cotés, déambulent les autres qui sillonnent entre les  chaises et tables de clients présents dans cette buvette mouvementée. On y voit dans leurs plateaux çà et là,  du sésame dans de petits sachets, des  pois de terre, cacahuète,  à des prix abordables (50, 100Fcfa.)

Et les risques qu’ils en courent ! 

Comme l’ont constaté la plupart des N’djamenois, ces mineurs sont des proies faciles pour certaines personnes malintentionnées. Les garçons font quotidiennement l’objet de violence et autres menaces : « ces marchandises que tu vois là c’est pour la 2èmefois que j’ai achetées. Car un jour, il y a un homme qui m’a tout arraché et avant de me bastonner et disparaitre », se lamente, ce garçon apostrophé sur les trottoirs du boulevard des Sao.

Mais, le plus alarmant est le cas des filles. Elles sont le plus souvent victimes des agressions sexuelles et harcèlements de certains clients.   Certaines d’entre elles, habillées dans des tenues légères, sont parfois des cibles pour des clients aux mœurs légères. « Un jour, il y a un homme en voiture qui s’est  arrêté devant moi et a promis de me payer tout mon plateau de bananes.  Et quand j’étais montée dans sa voiture, il m’a amenée dans son bureau et m’a proposée d’être sa petite amie et qu’il va s’occuper de moi totalement.  Entretemps, il cherchait à me caresser les seins. C’est alors que surgit brusquement  un homme qui l’a indisposé, et j’en ai profité pour me sauver en courant », nous confie une petite vendeuse d’environ 12 ans mais à une morphologie bien développée.

Que pense la société de l’exploitation de ces mineurs ? 

Pour certains parents, la cherté de la vie nécessite la mobilisation et la contribution de tous, y compris un enfant pour joindre les deux bouts. Mais, ces enfants dont la plupart sont  adoptés, se voient obligés de se lancer dans ces petits business, car il y va de leur intérêt. Certains qui sont maltraités par leurs marâtres passent par ces chemins pour trouver de quoi mettre sous la dent.

Par ailleurs, il convient de mentionner que l’Etat tchadien fait partie des nations ayant ratifié la convention relative aux droits de l’enfant depuis 1990.  Une convention qui devrait en principe servir de feuille de route pour la sauvegarde de droits de ces mineurs.

Cependant, beaucoup d’efforts ont été fournis par l’Etat dans ce sens pour améliorer sinon garantir les droits  des enfants. On y cite la scolarisation des filles et l’accès facile à l’éducation pour tous les enfants. De ce pas, l’on cite l’Unicef comme l’un des partenaires directs et efficaces de l’Etat dans ce combat.

Mais pour Serge Toidé, enseignant sociologue, cette tragédie que vivent les mineurs sous nos cieux est la conséquence dramatique qu’incarne notre société : « Ce phénomène se trouve un peu partout en Afrique et il est lié directement à la pauvreté. Car la vie ne fait ni cadeau aux adultes, moins encore  aux enfants », déplore t-il avant de constater  que l’éradication de ce phénomène qu’on peut qualifier de calvaire des mineurs n’est  pas pour demain.

«Le Miroir» n° 111