La question de la paix et de la justice au Tchad revient toujours dans les débats. Le dialogue national inclusif annoncé se penchera sans doute sur ces deux questions.  Abderamane Djasnabaille, l’un des participants à la Conférence nationale souveraine de 1993, ancien ministre et ambassadeur de la paix nous présente des défis à relever pour qu’il y ait la paix et la justice au Tchad.

La paix et la justice sont deux éléments prépondérants pour le développement d’un pays. Le Tchad, à travers le dialogue national inclusif, espère faire de ces deux une réalité afin d’entrer dans une nouvelle ère. Pour arriver à cette réalité, l’ambassadeur de la paix au Tchad, Abderamane Djasnabaille estime qu’il y a un certain nombre de défis qu’il faut relever. 

  • Les problèmes sociaux 

 La jeunesse qui aujourd’hui souffre n’a pas de perspectives. Il faut que ce problème soit sérieusement traité au dialogue national inclusif pour qu’on sorte de là avec les résolutions fortes qui vont s’imposer pour cette jeunesse qui est assez nombreuse et qui n’a pas de perspectives. On ne peut pas former les gens et les laisser à 30 ans, 40 ans sans qu’ils ne trouvent les petits boulots. Il faut réfléchir sérieusement.

  • L’insécurité

Le problème de la sécurité, c’est un problème réel. Parce qu’aujourd’hui il y a l’insécurité généralisée que ce soit à N’Djamena ou ailleurs. C’est un réel problème qui se pose.

  • Le rôle de l’armée nationale tchadienne 

Notre armée, il faut qu’elle soit une armée républicaine et formée. Pour l’avenir, il faut poser ces problèmes ; quand il y a un recrutement, dans la formation et dans l’octroi des grades même, il faut que ça corresponde à quelque chose. Il ne faut pas que ce soit seulement un décret qui nomme les gens sur la base des performances qu’ils ont eu sur le terrain. Il faut aller plus loin dans la formation pour que les gens vivent ensemble. Aujourd’hui, l’armée est dans la politique, dans l’économie, dans l’administration, ce n’est pas ça le rôle d’une armée. Il faudrait que chacun joue son rôle, l’armée a un rôle important. Il s’agit de défendre l’intégrité territoriale et d’assurer la sécurité pour une paix relative. Donc l’économie et l’administration doivent revenir aux civils. Même si de temps en temps, on peut prendre les militaires mais des gens formés.

  • Nomination à des postes de responsabilité

Aujourd’hui, on nomme les gens par message. On n’a jamais vu ça auparavant. Le ministère de l’administration a contourné les procédures de projet de décret qu’il faut, c’est-à-dire ça doit passer par la primature, par la présidence. On fait des messages pour nommer les gens, c’est faux et archi-faux. Donc ça pose le problème de l’Etat de droit, ça pose le problème d’égalité sur le terrain. Donc c’est que l’Etat de droit sur le terrain est relatif. Il faut nommer l’homme qu’il faut ou la femme qu’il faut et trouver des places à chaque jeune en son temps que ce soit dans le public, dans l’administration, dans le privé pour que les gens arrivés au terme de leur formation trouvent quelque chose à faire.

  • La gouvernance

 Le sérieux problème du Tchad n’est pas seulement la forme de l’Etat mais la gouvernance. L’expérience a démontré avec le cas des 5% de revenus pétroliers à Doba. Il faut des gens qui aiment leur pays, si ce n’est pas ça, on peut faire des Etats unitaires ou fédéraux parce que les gens vont agir comme ils le font actuellement. Souvent ils pilotent les choses à partir de N’Djamena. Il faut gouverner dans l’intérêt général, pas par communautarisme, la question n’est pas la forme de l’Etat. S’il y a des gens qu’on nomme dans les régies financières c’est pour partir avec l’argent du pays. On apprend que dans telle structure, 40 milliards ont été détournés puis 120 milliards et avant-hier on a parlé de 700.000 euros. Une altercation au ministère de l’environnement pour une somme de 500 millions francs CFA. Je ne sais pas comment, on peut gérer un pays comme ça, donc l’image du Tchad même est ternie.  Parce que des gens qu’on nomme ne sont pas des responsables. Ils sont là pour agir dans leurs intérêts et pas dans l’intérêt du Tchad.  Ce sont des questions qu’il faut traiter pour aller loin dans les sanctions et s’il y a des gens qui doivent, il faut qu’ils payent.

  • La justice tchadienne

 La justice est remise en cause parce que les simples individus maltraitent les corps judiciaires. Ils sont attaqués, assassinés. Les gens ont même peur de poser des questions, donc ce sont celles-là qu’il faut traiter. Tant qu’on n’a pas traité cela, pour moi, le problème de l’Etat est secondaire.

  • La cohabitation  

Il faut qu’au dialogue les gens parlent des réalités et qu’ils disent qu’il n’y a pas des Tchadiens qui sont supérieurs aux autres. Pour vivre ensemble, il faut que les gens s’acceptent avec leur différence, avec leur religion, avec leur origine. S’il y a des gens qui pensent qu’ils sont supérieurs aux autres, il n’y a pas de vivre ensemble

Si ces défis ne sont pas relevés, ce dialogue n’aura servi à rien et ce sont les questions essentielles qu’il faut traiter, le reste pourra être géré après.

Cet article est rédigé dans le cadre du projet Afrik’Kibaaru. Un projet qui vise à renforcer l’accès à l’information pour un développement durable dans le Sahel.