La construction de l’emprise du nouveau pont (en chantier), sur le fleuve Chari, entraine des expropriations dans quelques quartiers du 9e arrondissement de N’Djamena. Le président du Comité de suivi et de réflexion des impactés, Sindeu Dama, dénonce un « leurre » dans le processus de dédommagement.

Quand et comment aviez-vous été informé de l’impact qu’aura l’emprise du nouveau pont en construction sur vos concessions ?

C’est lors d’une visite officielle de l’ancien ministre des Infrastructures au mois de juin 2019 à Walia dans le 9ème arrondissement de la ville de N’Djamena pour ce grand projet présidentiel. Le ministre a été précis ; il nous a fait comprendre que nos concessions et autres de nos biens situés sur l’emprise seront indemnisés.

En face, Sindeu Dama, président du Comité de suivi et de réflexion des impactés par l’emprise du nouveau pont en construction à N’Djaména

Quels sont les quartiers touchés ? 

Les quartiers touchés sont : Walia Ngoumna, Walia Goré et Hilé Hadjarai.

Qu’a prévu l’État pour votre dédommagement ?

Une enveloppe de 1 369 128 000 F CFA pour les impactés soit 159 concessions est retenue après évaluation de nos biens. Une somme de 241 872 000 F CFA est la marge pour les imprévus. Soit un total de : 1 600 000 000 F CFA.

Les termes du dédommagement sont-ils respectés ?  

Non, les termes du dédommagement ne sont pas respectés.

D’abord, les finances publiques n’ont pas pris en compte les instructions du président de la République et celles de son Premier ministre de transition, qui ont ordonné la paie en une seule tranche. Les finances publiques nous surprennent avec la paie de trois tranches. C’est une première fois dans une opération d’expropriation dans le pays.

Par exemple, des habitants de l’ancien quartier Gardolé dans le 2ème arrondissement de N’Djamena ont été indemnisés en une seule tranche.

Le gouvernement nous a informés au mois de mai 2021 que la paie des trois tranches va commencer à partir du mois de juin, s’étaler en juillet, pour finir en août 2021. Jusqu’à présent, nous sommes au mois de septembre 2021, mais rien. Sinon, le chèque blanc. Peut-on aller à la banque avec un chèque blanc ? L’on traitera la personne de voleur ou de détracté mental. Ceci m’a conduit à dire que cela s’apparente à un leurre. Nous comprenons le gouvernement de la République, qu’il nous comprenne aussi, parce que c’est une expropriation. Le projet veut aller vite et dans l’intérêt public. Nous demandons l’implication personnelle du Chef de l’Etat pour cette affaire qui traine.   

Un délai vous a-t-il été accordé pour libérer ces zones ?

A cette question, on se réfère aux recommandations formulées par la Commission de recensement national mise sur pied par l’Etat par arrêté n° 10/PR/MATCTD/DGGGC/NDJ/SG/DPI/20 en date du 3 février 2020.

Les recommandations du rapport des travaux de la commission mise sur pied par l’Etat ont été très claires dans une déclaration unanime : une chambre ne peut être détruite, un arbre ne peut être abattu que si le ou les intéressés sont indemnisés à 100%. De là, un délai de deux à trois mois sera accordé aux victimes de quitter l’endroit concerné. C’est la condition sine qua non, les préalables adoptés par toute la commission mise en place. Plus de trente signatures ont été apposées pour valider lesdites recommandations dans le rapport élaboré. Les signatures font partie de la loi fondamentale. Elles sont juridiques dans leurs valeurs intrinsèques ainsi que dans leurs formes. Les faits juridiques sont tels qu’ils sont. Et la justice nationale y veille simplement.

Quel est l’état d’esprit des impactés ?

Psychologiquement, l’esprit de l’impacté est séquestré depuis le recensement aux mois de mars-avril 2020. L’impacté veut libérer son esprit instable. Cette instabilité de l’esprit est synonyme d’une maladie mortelle. D’ailleurs quelques-uns d’entre nous sont décédés à la suite de maladies brusques. Nous savons que nos concessions ne nous appartiennent plus, nous sommes dans ces concessions comme des gardiens, mais des gardiens sans salaires. Nos locataires qui nous aidaient pour la scolarité de nos enfants nous ont quittés parce que les maisons d’un moment à l’autre vont être démolies. Il n’y a pas de garantie, disent-ils.

Les bâtiments et les murs des concessions demandent à être refectionnés au risque de s’écrouler. Nous sommes devant un dilemme. Réfectionner ces maisons dégradées ou les laisser s’affaisser sur la famille. Si un père de famille a une situation préoccupante (maladie grave pour évacuation, autres besoins importants…) peut-il vendre sa concession déjà recensée et badigeonnée ?

Dans un pays de droit comme le Tchad, une fois le recensement des biens effectué, les effets financiers sont immédiats dans les jours qui viennent afin que les victimes ne soient pas dans l’angoisse. Notre cas nous ne savons comment faire, nous nous confions à Dieu Le Tout Puissant.