N’DJAMENA, 20 mai (Xinhua) — Avec l’adoption, la semaine dernière, d’une loi portant interdiction et répression de l’enrôlement et l’utilisation des enfants dans les conflits armés, le Tchad est déterminé à atteindre son objectif de “zéro enfant associé aux forces et groupes armés” sur son territoire.

“Avec la ratification de la présente ordonnance votée par les élus du peuple, le gouvernement entend mettre un terme au recrutement des enfants et à leur utilisation dans les conflits armés, ainsi qu’à l’impunité dont bénéficient ceux qui s’adonnent à cette pratique”, a déclaré à Xinhua Me Béchir Madet, ministre tchadien de la Justice et des Droits de l’Homme.

“La loi s’appliquera dans toute sa rigueur”, promet-il. La nouvelle loi, qui est une ordonnance prise par le président Déby début février 2014, vient conforter une panoplie d’instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’enfant et de textes nationaux d’application ratifiés ou promulgués par le Tchad ces dernières années.

Il y a un an, le gouvernement tchadien a organisé, avec l’appui du Système des Nations-Unies, une mission de dissémination des notions de droits et de la protection de l’enfant dans ses huit zones de défense et de sécurité. Cette mission a permis de visiter, former, sensibiliser et vérifier, pendant les revues de troupes, près de 4.000 hommes de rang.

“Le Tchad est passé par des moments difficiles en ce qui concerne la mise en oeuvre de la feuille de route sur les enfants associés aux forces et groupes armés. Mais il convient de reconnaître que la situation s’est nettement améliorée depuis la signature de la nouvelle feuille de route”, a indiqué Thomas Gurtner, coordonnateur résident sortant du Système des Nations-Unies au Tchad.

“Aujourd’hui, les vérifications indépendantes que nous avons pu effectuer dans les huit zones de défense militaire à travers le pays nous ont permis de constater sur place l’absence des enfants dans les rangs de l’Armée nationale tchadienne”, a-t-il ajouté.

Pour le colonel Abdel Wahab, point focal sur les questions d’enfants associés aux forces et groupes armés au sein du ministère tchadien de la Défense, il n’y a pas d’enfants soldats au sein des troupes. “S’il y en avait eu, c’est par la faute des groupes armés qui se sont rebellés contre le pays puis sont revenus à la légalité, avec hommes et bagages”, a-t-il expliqué.

Des dispositifs de protection de l’enfant ont par ailleurs été mis en place dans ces huit zones de défense et de sécurité. Dans chaque zone, une cellule locale de protection a été installée pour vérifier et relayer l’information auprès des autorités en charge de la protection de l’enfant.

Pour le gouvernement tchadien et ses partenaires, l’objectif ambitieux de “zéro enfant associé aux forces et groupes armés” est aujourd’hui atteint, mais le grand défi est de maintenir cet élan et le statut de zéro enfant associé aux conflits armés, en diffusant largement et en appliquant la directive présidentielle, en produisant des guides pour la vérification de l’âge à l’attention des agents recruteurs militaires, etc.

Entre 2006 et 2010, le Tchad a été secoué par les combats entre les forces gouvernementales et les groupes tchadiens d’opposants armés, les violences intercommunautaires et ethniques dans l’est, les conflits du Darfour et les tensions entre le Tchad et le Soudan le long de leur frontière commune. Des violations graves des droits de l’enfant ont été rapportées à cette période, y compris le recrutement et utilisation des enfants par les groupes armés et au sein de l’Armée nationale tchadienne.

En 2007, l’Armée nationale tchadienne a été inscrite sur la liste annexe 2 du rapport du secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés, comme partie au conflit qui recrute et/ou utilise des enfants, mais dont le Conseil de sécurité n’a pas encore été saisi. Un total de 1.030 enfants dont 5% de l’Armée nationale tchadienne ont été retirés des forces et groupes armés et réinsérés dans leurs communautés, dans le cadre d’un partenariat entre le gouvernement tchadien, les agences onusiennes et les ONG. Mais trois ans plus tard, l’Armée nationale tchadienne a été à nouveau inscrite sur la liste annexe 1 du rapport annuel du secrétaire général des Nations Unies, qui recommande l’élaboration et la mise en oeuvre d’un plan d’actions pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants.

A l’issue d’un long processus de négociation avec l’équipe pays des Nations Unies pour la Surveillance des violations des droits de l’enfant en temps de conflits, le plan d’actions est signé le 14 juin 2011 à N’Djaména (capitale du Tchad) en présence de Mme Leila Zerrougi, représentante spéciale du secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

Cependant, la lenteur dans la mise en oeuvre de ce plan d’actions, ainsi que la découverte d’enfants parmi les nouvelles unités de l’Armée nationale tchadienne recrutés en 2012, n’ont pas permis au Tchad d’être éligible au retrait de la liste dans les rapports du secrétaire général en 2012 et en 2013. En vue d’accélérer la mise en oeuvre de ce plan d’actions, un atelier de revue a été organisé en mai 2013 par le gouvernement et l’équipe spéciale des Nations Unies, il a permis d’élaborer une nouvelle feuille de route contenant dix actions prioritaires et un chronogramme précis, afin de rendre le Tchad éligible au retrait lors du prochain rapport 2014 du secrétaire général des Nations Unies.

Pour le général de brigade Tamlengar Kimtolde Mathias, chef d’état-major particulier du ministère délégué à la présidence de la République chargé de la Défense et des Anciens combattants, il est temps que le Tchad sorte de la “liste de honte” des pays qui utilisent les enfants dans les conflits armés.