En dépit des multiples dispositions juridiques nationales et internationales sur l’interdiction de la vente d’alcool et du tabac aux mineurs, il y a malheureusement des Tchadiens qui, galvanisés soit par leur position sociale ou tout simplement par leur manque de remords foulent au pied les lois primaires du pays.

Il suffit de se rendre sur l’Avenue Kondol Bealoum, l’une des avenues les plus animées de la capitale tchadienne pour se rendre à l’évidence. C’est sur ce tronçon, à environ 500 mètres, en venant de la jonction avec l’Avenue Mobutu que se trouve le domicile du Président de l’Assemblée Nationale du Tchad. Juste de l’autre coté du goudron où habite le PAN, se trouve un dépôt de boisson et un bar nommé Bellus qui appartiennent à l’épouse de ce dernier. Normal, parce que tout tchadien a le droit de faire le commerce, fusse-t-on l’épouse de la deuxième personnalité du pays. Le bar Bellus l’un des bars les plus animés de la capitale. Mais tenez-vous bien, ce bar a la particularité d’être le quartier général des mineurs. Babylone en miniature!

Des enfants y consomment l’alcool et la drogue

Cela se passe généralement les week-ends. Il suffit de passer devant ce fameux bar pour découvrir les dérives sociales. Les affichent sont flatteurs et font couler la salive. Le ton est d’abord donné à travers des spots publicitaires diffusés sur les ondes des radios de la place Tels « groupes de sexy girls organisent un show inédits…tels groupe des branchés de la capitale organisent la soirée la plus chaude de l’histoire … dans les beaux jardins du bar Bellus chez Mme Kabadi. » Comme si la dame en question n’était pas assez populaire à travers le nom de son célébrissime époux. Ce sont, en réalité des activités, bien que placées sous la couleur du culturel, permettent aux mineurs de venir se livrer à la débauche la plus criarde. Souvent ces fêtes commencent vers 19 heures et atteignent leur summum vers minuit. A cette heure là, l’alcool a généralement fermenté la cervelle de cette marmaille. Elle s’échauffe et est prête à en découdre même avec leurs grands pères. Ici, l’on ne s’habille pas seulement comme les vedettes de la java qu’on regarde à la télé mais l’on fait comme eux. C’est pourquoi, il ne faut pas s’étonner quant le DJ lance une musique soudanaise, de longs couteaux sont exhibés sur la piste de danse. Tel une star du rap américain, un garçon d’à peine 16 ans, une bouteille de bière à moitié vide à la main, tire avec un bec expert une cigarette. C’est ma quatrième bouteille, mec et je crois que je vais me chercher un peu de whisky parce que ça ne me fait aucun effet alors que ce soir j’ai envie de m’éclater avec ma meuf , nous confie sans gêne le gamin. La meuf en question doit avoir à peine l’âge du mec. Les habits qu’elle porte lui couvrent à peine la moitié de son corps. Plus loin, sur une table, un autre garçon furète entre les jambes d’une gamine qui est occupée à allumer une clope.Cela se passe au nez et à la barbe du couple Kabadi.

Le comble de ce bar qui n’est pas loin de ressembler à Sodome et Gomorrhe est que quant la saoulardise de ces gamins atteint son seuil, c’est inévitablement la bagarre qui prend la relève. « Mon petit frère de 17 ans a failli y perdre un œil » nous dit Adoum, un élève de terminale qui jure ne plus fréquenter le bar Bellus de Mme Kabadi.

Des témoins racontent avoir assisté à une scène digne d’un film de western le jour du réveillon du nouvel an. « A minuit, quant tout le monde a commencé à chanter « Bonne année », excédés , les enfants ont commencé par faire voler des bouteilles dans tous les sens. Les policiers sont arrivés à bord de quatre Toyota mais c’est avec beaucoup de peines qu’ils ont pu maitriser la situation » , nous raconte Djerabé, un habitant du coin. «Les propriétaires du bar devaient fermer bien avant cette heure car ils connaissent pertinemment le comportement de ces gamins. Le pire c’est que quant ils commencent avec leur bagarres, ils arrivent quelques fois à bloquer la circulation», regrette le jeune garçon. Certains racontent que ces enfants ont arraché deux armes à un groupe de policiers venus en intervention en janvier dernier. Ces derniers ont pris la poudre d’escampette abandonnant leurs armes aux gamins. Il faut dire que la plupart sont des enfants des personnalités. Contrairement à certains mineurs que l’on rencontre dans certains bars, ceux qui viennent ici ont de l’argent et des engins de derniers calibres et n’hésitent pas à crier fort le nom de leurs parents en cas de pépins.

Pour maintenir l’ordre, il y a souvent deux agents postés devant l’entrée. Mais ces derniers, se volatilisent très vite dès qu’ils ont touchés leur magot. Les éléments en charge de la protection du PAN quand à eux, se rince les yeux quand il y a une bagarre. « Qui est fou, nous sommes là pour la sécurité du PAN, pas pour garder le bar de sa femme » , nous lance l’un des gardes. Le PAN, lui s’en fiche éperdument que des mineurs viennent bambocher dans un bain de bière et dans un cumulus de drogue dans le bar, fusse-t-il celui de sa femme. Il a d’autres chats à fouetter. Dans ces conditions, le Parlement des enfants qui a ratifié un texte sur l’interdiction de la vente d’alcool et du tabac aux mineurs en 2004 doit aussi sortir de sa léthargie et exiger que l’on respecte les droits primaires des enfants.

Louis Deubalbet WEWAYE

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