APA Ndjamena (Tchad) Depuis plusieurs mois, le Tchad occupe la scène ; d’abord sous-régionale avec la crise centrafricaine puis africaine avec la crise malienne et la relance de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) dont le dernier sommet extraordinaire s’est tenu à N’Djamena, à l’initiative du chef de l’Etat tchadien le général Idriss Déby Itno.

La Cen-Sad créé en 1998 par Kadhafi a cessé pratiquement d’exister depuis la mort de ce dernier.

En République centrafricaine, c’est l’armée tchadienne qui est allée stopper la fulgurante avancée des forces rebelles de la Seleka sur Bangui en les obligeant de négocier avec le Général Francois Bozizé qui n’avait plus que le contrôle de Bangui la capitale.

Au Mali, bien que n’étant pas de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Tchad y a envoyé plus de 2 000 hommes.

Il faut se dire que dans la région, l’armée tchadienne a une expérience notoire de la guerre du désert mais surtout elle est une des plus puissantes armées actuellement en Afrique disposant, outre des hommes aguerris, de nombreux avions et d’hélicoptères de combats en plus de l’artillerie lourde et autres quincailleries de guerre, acquises avec l’argent du pétrole.

Depuis février 2008, le pouvoir du général Idriss Déby Itno n’a pas presque jamais été inquiété par une rébellion quelconque.

La coalition du général Nouri, de Timan Erdimi et des Colonels Adouma Hassaballah et Abbdelwahid Aboud Mackaye a été défaite ce 3 février 2008 aux portes du Palais Présidentiel, elle qui, pourtant, a défait l’armée gouvernementale après un raid de 1000 Km et encerclé le Palais présidentiel.

Depuis lors, mise à part l’occupation pendant 4 ans environ par un rebelle tchadien du nord de la RCA, le Général quadragénaire Abdelkader Baba Laddé, aucune menace sérieuse ne planait sur le pouvoir d’Idriss Deby Itno ; le Général Baba Laddé d’ailleurs a regagné le bercail dans le second semestre de l’année dernière après une médiation du prélat centrafricain Mgr Paulin Pomodimo, médiateur national de la République centrafricaine.

N’Djamena débarrassé de ses rebelles et fort de ses ressources pétrolières veut désormais jouer dans la cour des grands si ce n’est jouer au grand tout court. La mort du Président Omar Bongo Ondimba et du Guide libyen Mouammar Al Kadhafi lui ouvre d’ailleurs largement la voie.

Idriss Déby Itno commence d’abord à s’imposer dans sa sphère immédiate, la CEMAC (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale) qui regroupe six pays de l’Afrique centrale à savoir le Tchad, la République centrafricaine, le Cameroun, le Congo, la Guinée Equatoriale et le Gabon. Aucune institution de cette organisation sous-régionale n’échappe à l’heure actuelle au diktat du Tchad.

Puis c’est au tour de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Afrique centrale, la CEEAC, de subir la montée en puissance du Tchad.

Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 22 ans, impose en février 2012 tout bonnement son ancien Premier ministre le judoka Nassour G. Ouaïdou, en remplacement du Gabonais Louis Sylvain Goma, comme Secrétaire général de cette organisation sous-régionale qui regroupe l’ensemble de onze pays de l’Afrique centrale en partant de l’Angola au Tchad en passant par la République démocratique du Congo, le Sao Tomé, le Burundi, le Congo Brazzaville, le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine et la Guinée Equatoriale.

L’offensive de la diplomatie tchadienne est sortie du cadre sous-régional pour atteindre maintenant l’exécutif de l’Union africaine.

Au dernier sommet de l’organisation qui a vu le départ de Jean Ping et l’arrivée de Nkosazana Dlamini-Zuma, c’est la Tchadienne Fatimé H. Acyl qui est élue en juillet 2012 commissaire de l’Union Africaine au Commerce et à l’industrie et remplace ainsi à ce poste la Camerounaise feu Mme Elisabeth Tankeu.

Mme Fatimé H. Acyl est la grande sœur de la trentenaire Hinda A. Acyl, élévée par décret présidentiel en 2005 au rang de Première Dame de la République du Tchad parmi les épouses du Général Idriss Déby Itno.

C’est aussi le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, ancien ministre des Affaires Etrangères et ancien Secrétaire Général de la Présidence du Tchad, qui est depuis moins de six mois désigné patron de la Mission de l’Union Africaine en Somalie.

C’est cette montée en puissance du pays du Général Déby Itno qui lui permet d’abriter depuis au moins trois ans le siège de l’Agence de la Grande Muraille Verte, cette institution des pays sahéliens qui ambitionne dresser une muraille verte de Dakar à Djibouti contre l’avancée du désert. Si le professeur sénégalais Abdoulaye Dia est bien le secrétaire général de l’institution, ce sont là encore les Tchadiens qui dictent leur loi.

La montée en puissance du Tchad se ressent aussi aux Nations Unies. C’est le Tchadien Abou Moussa qui est depuis 2011 le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et chef de bureau des Nations Unies pour l’Afrique centrale(UNOCA), avec pour siège à Libreville.

Cette apparente fulgurante montée en puissance du Tchad cache cependant de nombreuses faiblesses intérieures.
Sur le plan social, le régime vient d’affronter la plus grave crise sociale de l’histoire du Tchad avec la grève déclenchée par la puissante centrale syndicale, l’UST (Union des Syndicats du Tchad) pendant trois mois, une grève très largement suivie. Aujourd’hui la centrale a suspendu la grève qui sera reprise le 1er Avril prochain.

Sur le plan des droits de l’Homme, le régime traine de nombreuses casseroles dont l’enlèvement et la disparition du porte-parole de l’opposition, le Dr Ibni Oumar depuis février 2008. Le Dr Ibni Oumar a été enlevé par les forces loyalistes lors du raid rebelle sur la capitale en février 2008.

Sur le plan politique, il y a rupture depuis plus de quatre mois de tout dialogue avec l’opposition politique interne auquel il faut ajouter un réel déficit démocratique dont le dernier exemple s’est manifesté la semaine dernière avec la modification de la constitution supprimant l’inamovibilité des juges.

Il faut déjà relever que la Constitution avait été modifié en 2005 pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats, ce qui avait causé le départ en rébellion de nombreux ténors du régime dont Timane Erdimi, neveu du Général Déby Itno et Raspoutine du Palais Présidentiel, du Général Mahamat Nouri, ministre de la Défense du Président Déby Itno et du Colonel Ahmat Hassaballah Soubiane, ambassadeur du Tchad aux Etats Unis d’Amérique.

Sur le plan économique, le Tchad traine une mauvaise réputation en matière du climat des affaires : la corruption et le népotisme ont fait leur lit au pays et aucune mesure forte contre ces fléaux n’a jusque-là été observée.

La création du ministère de la Bonne gouvernance et de la Moralisation a plutôt permis de poursuivre et d’emprisonner de menus fretins alors que les gros poissons n’ont point été inquiétés.

Bien plus, le Tchad qui avait pourtant atteint le point de décision de l’initiative PPTE au début des années 2000 n’a point atteint le point d’achèvement et donc ne bénéficie pas de cette initiative : la mauvaise gouvernance en est la cause principale.

Et pour conséquence, le pays du Général Idrisss Déby Itno n’a pratiquement aucun programme en cours avec le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale.

Par Miskine Sakit

MS/of/APA