À Fianga, chef lieu du département de Mont-Illi, la population souffre d’un manque criant d’eau potable. Le fleuve reste la source principale d’approvisionnement.

À peine le soleil se lève, une file d’attente se construit devant le château central de la ville de Fianga. Une dizaine de femmes se disputent la place pour entrer en possession d’eau. « Elles sont sorties à 4 heures pour chercher de l’eau potable, parce qu’après il n’y aura pas d’eau », a expliqué un autochtone adossé sur le mur de la maternité de l’hôpital de district de Fianga.

Les autochtones le savent. À Fianga, province du Mayo-Kebbi Est, département de Mont-Illi, l’eau potable est une denrée rare. Elle se conserve jalousement dans les foyers. « Autour de midi, le château ne fournira pas d’eau poteau. Beaucoup iront au fleuve pour s’approvisionner en eau », renchérit-il.

Située au bord du fleuve, la ville de Fianga compte au total trois châteaux d’eau. Ils sont installés par une institution privée mais leur gestion est difficile, d’après les autochtones. L’eau potable est vendue par litre aux habitants. Ceux qui n’ont pas de moyen ou qui habitent loin n’arrivent pas à avoir de l’eau propre.

Insuffisance de forage
Dans les villages environnants, la situation est encore pire. À Folmaye, un village situé à huit kilomètres de la ville de Fianga, se trouve un seul forage qui couvre plus d’une centaine de foyers. La grande partie des autochtones se tourne vers le fleuve pour s’approvisionner en eau. Dans ce village, un projet piloté par le gouvernement et financé par la Banque africaine de développement, a implanté quelques forages liés à un groupe électrogène d’une capacité de 175 kva en 2018. Depuis cinq ans, ces forages ne sont pas opérationnels.

Cette situation n’est pas appréciée par l’adjoint au maire de la ville de Fianga, Abdoulaye Mahamout. « Et c’est depuis 2018, et jusque-là, la population qui souffre du manque d’eau potable n’arrive pas à bénéficier. Or nous avons un ancien forage qui approvisionne la ville en eau même si celle-ci n’est pas claire. Elle a une couleur un peu rouge et contient beaucoup de fer ».

L’Etat est interpellé
Lors d’une mission dirigée par la ministre déléguée auprès du ministre des Hydrocarbures et de l’indépendance, Ramatou Mahamat Houtouin, du 26 au 30 janvier, une visite a été faite sur les sites des forages. Face à cette insuffisance d’eau potable, la ministre déléguée auprès du ministre chargé des hydrocarbures et l’indépendance énergétique indique que seul l’Etat peut résoudre cela.

« Nous, notre contribution en ce moment c’est de remonter l’information. Donner une visibilité à ce qui est en train de se faire. Un petit plaidoyer dans la mesure du possible parce que nous ne pourrons pas investir dans tout le Tchad au même moment. (…) Mais en tant qu’individu nous ne pourrons résoudre ce problème, c’est du ressort de l’Etat ».

Les chiffres de la Banque africaine de développement


L’accès à l’eau demeure une problématique majeure dans plusieurs localités du Tchad. Selon un rapport de la Banque africaine de Développement intitulé Programme d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement en milieu semi-urbain et
rural (SU MR), basé sur onze régions du Tchad, il ressort que la plupart des cibles des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) n’ont pas été atteints pour le Tchad.

« Le taux d’accès à l’eau potable passe de 21% en 2000 à 53% en 2015, celui de l’assainissement passe de 3% en 2000 à 16% en 2015 », alors que les OMD prévoyaient le taux d’accès à l’eau potable à 60% et le taux d’accès aux services de l’assainissement à 35% en 2015. Le document relève que cette difficulté d’accès à l’eau potable a creusé dans le temps et dans l’espace des écarts énormes dans l’accès à l’éducation, à l’emploi et à la vie politique entre les hommes et les femmes et ceci, en défaveur des femmes. Elle est aussi une source des maladies d’origine hydrique chez les enfants de moins de 5 ans.

Par conséquent, le rapport soulève qu’environ 19.000 personnes décèdent chaque année des maladies d’origine hydrique, au manque d’hygiène et d’assainissement et le pays perdrait chaque année près de 79 milliards de FCA du fait des mauvaises conditions d’hygiène, d’assainissement et d’accès à l’eau potable, selon les études WSP, actualisées en 2016.