Au début du mois de mars, alors que la Covid-19 se répandait dangereusement en Europe, le Tchad a reçu de l’Oms, une dotation de nouveaux réactifs de détection de coronavirus pour le laboratoire mobile, installé et équipé depuis 2018 par la coopération allemande. Le 19 mars, le 1er cas a été détecté. Retour sur 90 jours de panique, de confusion et d’efforts pour l’éradication de la pandémie de Covid-19.

Le 19 mars 2020, le ministre de la Santé publique a déclaré le premier cas de contamination à la Covid-19 au Tchad. Un marocain en provenance de Douala par un vol de la compagnie Tchadia Airlines du 15 mars. A cette même date, Mahamoud Youssouf Khayal,  dans sa déclaration a révélé que «le patient a été isolé avec d’autres passagers. Et c’est pendant la période d’incubation que les signes s’étaient manifestées. Il a été aussitôt pris en charge. Pas de crainte, car la situation est sous contrôle».

Mais il s’en suivra une avalanche de mesures de prévention contre la pandémie, à travers des  communiqués et arrêtés du gouvernement en cascade. Des mesures sommes toutes légitimes, mais de l’avis de beaucoup, sont prises à la hâte sans tenir compte des véritables contours. D’abord les premières que sont la fermeture des frontières aériennes et terrestres du Tchad à toutes les compagnies aériennes à l’exception des vols cargos et des véhicules de marchandises pour une période de deux semaines à compter du jeudi 19 mars.

Un arrêté du ministre de la Défense et de la Sécurité, Mahamat Abali Salah, ferme jusqu’à nouvel ordre sur l’ensemble du territoire cabarets, bars, restaurants, centres des jeux etc. Le même arrêté interdit les regroupements de plus de 50 personnes. Les ministres de l’Enseignement supérieur et de l’Education nationale à leur tour, entre dans la danse en suspendant tous les cours dans les établissements privés et publics du supérieur à la maternelle. Le 20 mars, le ministre Secrétaire général de la présidence dans un communiqué, annonce la fermeture des lieux de culte, les mosquées à compter de ce jour sur toute l’étendue du territoire, puis interdit la circulation des bus et minibus destinés aux transports en commun.

Ce qui a fait croire que toutes les dispositions sont prises pour rompre la chaine de contamination, et les contours de telles mesures maitrisées. Une situation devenue difficile pour le citoyen lambda, qui a du mal à s’adapter au nouvel environnement, qui bouscule son mode de vie. Surtout que les mesures de prévention, sans accompagnement social, constituent une autre guerre de survie pour la population.

A partir du mois d’avril, la psychose s’est réellement installée dans l’esprit collectif, lorsqu’un certain nombre de décret est pris pour renforcer les mesures. Notamment les décrets 499 et 500/PR portant instauration et extension du couvre-feu dans certaines provinces, suivis de ceux qui prorogent ce couvre-feu et celui n°0708 portant institution de l’état d’urgence sanitaire en république du Tchad.

Pendant que les institutions, organisations publiques et privées défilaient à la présidence de la République pour remettre les dons en numéraire pour la plupart, le taux de contamination allait croissant, au point où les structures de prise en charge se sont amenuisées. Des hôtels sont réquisitionnés pour mettre en quarantaine les cas détectés ou testés positifs à la Covid-19. Le nombre de mort a commencé par croitre. Les cimetières recevaient plus d’une dizaine de corps par jour.

Cette situation catastrophique a laissé voir que le comité de veille de sécurité sanitaire n’est pas en mesure de juguler la crise sanitaire, ni de stopper la chaine de contamination. La gestion de la pandémie est devenue du coup hasardeuse et décriée par toutes les couches sociales. Toujours au mois d’avril, un communiqué du Syndicat national des travailleurs des affaires sociales et de la santé au Tchad (Syntasst) annonçait la contamination de neuf laborantins de l’Hôpital général de référence nationale (HGRN), par manque de moyens de protection et d’hygiène. Ce qui a contribué à renforcer la psychose au sein de la population, qui a commencé par déserter les centres de soins et les hôpitaux. Les communications gouvernementales ne sont pas de nature à rassurer davantage, tant les spéculations allaient bon train, avec les sorties médiatiques des différentes couches sociales.

Ce qui a amené le président de la République, en date du 15 mai, à mettre en place par un décret (n°1001/PR/2020) un Comité de gestion de la crise sanitaire en République du Tchad, dirigé par lui-même, en lieu et place du Comité de veille de crise sanitaire. Cette décision est suivie des décrets (1004/PR/CGCS) portant création d’une Coordination nationale de riposte sanitaire au Covid-19 ; (1007) portant mise en place des sous-comités spécialisés et de la cellule de contrôle du comité de gestion de crise sanitaire ; et (1008) portant nomination à la coordination nationale de riposte sanitaire de 24 personnalités de profils divers.

Mais du 19 mars à ce jour, il est difficile pour les médias, d’accéder aux différents centres de confinement et de se faire une idée exacte en termes de portée psychologique des patients qui y sont internés. Parmi les centres de confinement réquisitionnés, l’hôtel Radisson BLU accueille depuis le 23 avril des vagues successives de voyageurs qui y passent leur quarantaine. La première en provenance de Djibouti et Ethiopie, suivie de la 2e vague du 8 au 21 mai pour ceux en provenance d’Egypte. Ensuite du 21 mai au 7 juin pour la 3e vague en provenance de la France et depuis le 8 jusqu’au 21 juin prochain, la 4e vague en provenance d’Egypte.

Aujourd’hui, l’allègement des mesures de prévention prises par le gouvernement est expliqué par la décroissance du nombre des cas testés positifs et admis en quarantaine, du nombre des morts dus au coronavirus. Parmi les gestes barrières édictés, le port des masques et le lavage régulier des mains semblent être adoptés par la population et concourent au recul de la pandémie.

Moussa Béyadji François