Déjà 100 jours, que le Conseil Militaire de Transition, a annoncé la mort du président Idriss Déby Itno et a décidé de prendre le pouvoir, pour dit-on ” maintenir la stabilité dans le pays”. Max Kemkoye, président du parti Union des Démocrates pour le Développement et le Progrès (UDP), dresse un tableau sombre de la gestion du pays sur le plan politique, sécuritaire et social, dans une interview accordée à Tchadinfos.

Quel bilan faites-vous des 100 jours du CMT à la tête du pays ?

Il n’y a pas de bilan. S’il y a un bilan à faire, c’est famélique. Famélique dans le sens où il y a pratiquement rien, sinon des actes conflictogènes, causés par le CMT, en l’occurrence son président Mahamat Idriss Déby, qui, si vous vous rappeler, ce 20 avril, a ramassé le pouvoir par terre et après s’est imposé par les armes. Le premier acte inaugural que ce groupe des généraux a posé, c’était de nous servir une Charte inappropriée, incohérente et inopérante.

Lors de son adresse à la nation, les Tchadiens attendaient pour être rassurés sur la suite, en terme du cap, en terme d’apaisement, en terme de rassurance et de garantie par rapport à la suite… C’est plutôt un gouvernement qui a été imposé, une fois de plus aux Tchadiens et après, dans une rhétorique guerrière, il a refusé la main tendue du FACT. Voilà coup sur coup les actes d’un militaire à la tête du pays, puis s’en est suivi d’autres actes malencontreux, notamment le décret portant mise en place d’un comité ad hoc. Aujourd’hui, le pays n’a pas de leadership.

Le CMT s’est installé au pouvoir, avec un objectif qui est celui de maintenir la paix et la sécurité dans le pays. 100 jours après peut-on dire que la sécurité règne au Tchad?

Nous sommes enclins avec une criminalité qui monte en gamme et en puissance. Du nord au sud, de l’est à l’ouest jusqu’au centre, les Tchadiens ne sont pas rassurés. On nous parle d’une sécurité. La seule sécurité que ce système a, c’est sa propre sécurité, parce que tous les jours il ne fait que surveiller ou se surveiller les uns les autres, y compris au sein du gouvernement. Personne n’est tranquille, personne ne dort sur ses deux oreilles.

Vous pensez que les Tchadiens sont en sécurité aujourd’hui ? non ! Les Tchadiens ne sont pas en sécurité chez eux. Ce que vous voyez comme c’est calme ne signifie pas qu’il y a la sécurité. De quelle sécurité s’agit-il ? De la sécurité exclusivement comme ça a été le cas, il y a 30 ans. Un pays en sécurité c’est celui-là où vous ne verrez un militaire, ni en tenue, ni en arme circuler à l’intérieur de la capitale. C’est ça la sécurité. Il n’y a pas de sécurité quand on continue à recruter les gens dans l’armée et on prépare la guerre. Quand on parle du désarmement et autres, ce n’est pas pour la sécurité des Tchadiens. C’est pour la sécurité du régime, parce qu’on a peur que le civil soit armé.

Quand vous voyez à l’intérieur de la ville de N’Djaména, plus qu’avant, il y a une militarisation la plus avancée pour ne pas m’étendre aussi longtemps sur ce que tous les Tchadiens connaissent déjà aujourd’hui. Voilà le bilan qui est totalement malencontreux et les perspectives ne sont pas du tout honorables. Nous nous attendons beaucoup plus à des situations dramatiques, on s’achemine à une élection qui va être la plus dangereuse de l’histoire du Tchad et la plus démonétisée, parce qu’avant ou après le simulacre du dialogue qui est en cours, les hostilités vont reprendre.

Quelle lecture faites-vous des préparatifs du dialogue national inclusif qui aura lieu dans les mois à venir ?

Vu la manière dont ce dialogue est en train d’être préparé, il ne faudrait pas qu’on se dise que l’objet et l’objectif de ce dialogue, c’est d’arriver à la paix, loin s’en faut. Un dialogue comme celui-là mériterait à ce qu’il y ait des activités en prélude. Vous savez le quiproquo dans ce comité d’organisation, il est à quel niveau ? La première des choses, si on veut organiser un dialogue national inclusif ou du moins une conférence, il faut lui donner un statut, mais quel statut ce dialogue doit avoir ? Il doit être souverain, il doit être revêtu d’une souveraineté du point de vue de ses résolutions ou de ses actes. Mais avant d’arriver à un décret portant mise en place d’un comité d’organisation, il faudrait d’abord prendre un décret portant convocation du dialogue. Lequel décret devrait nous dire quel est le statut de ce dialogue. C’est un dialogue du gouvernement ? C‘est un dialogue indépendant ou c’est un dialogue souverain ? Ça c’est du point de vue de statut.

Maintenant, quel est l’objet de ce dialogue, c’est un dialogue pourquoi ? quels sont les objectifs ? Une fois que ce décret portant convocation du dialogue est fixé avec les attributs et les objets de ce dialogue, en ce moment, le second acte à poser c’est celui de prendre le décret portant mise en place du comité d’organisation. Mais aujourd’hui, on met en place un comité d’organisation qui ne sait pas ce qu’il va préparer et en quoi consiste ce qu’il va préparer. Voilà l’opportunisme, voilà l’amateurisme, voilà le cafouillage et le bidouillage du CMT et son gouvernement.

Ce n’est pas un dialogue qu’on prépare, les gens préparent la guerre. Ils préparent dans la mesure où le CMT étant militaire par origine ne peut rester au pouvoir que quand il y a des situations de trouble. C’est pourquoi on a commencé déjà par opposer les partis politiques les uns aux autres, on a commencé à opposer les jeunes les uns aux autres…pour que ce dialogue ne réussisse pas. Il ne s’agit pas d’un dialogue national inclusif, il s’agit d’un forum des laudateurs et des thuriféraires.  Et, si c’est le cas, personne ne prendra part. Nous allons œuvrer pour que cela échoue et qu’on voit un autre procédé politique pour sortir le Tchad de la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui.

Avec l’arrivée du haut représentant de l’Union africaine, peut-on dire que le Tchad tend vers l’issue que le monde souhaite ?

Je connais très mal le diplomate qui est nommé. Sa venue ne donne rien, il n’y a aucune garantie, puisqu’il a une marge de manœuvre très limitée avec le CMT. Donc l’arrivée de ce diplomate ne donne aucune garantie par rapport à la suite, à la stabilité institutionnelle ou le retour à la légalité qu’on souhaite. 

Pour finir, qu’exigez-vous ?

Nous avons toujours dit qu’il y ait simplement une transition consensuelle.