Le nouveau scandale fiscal des « SwissLeaks » a touché de plein front les pays africains. La Tanzanie, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire ont vu des sommes représentant plus de 30% de leur budget santé transiter via le système de la filliale suisse de la banque HSBC.

Le nouveau scandale des « SwissLeaks », révélé par Le Monde et une soixantaine de médias internationaux, fait état d’un large système d’évasion fiscale mis en place par la filiale suisse de la banque HSBC.  Entre 2006 et 2007,  ce sont plus de 180 milliards d’euros appartenant à 100 000 clients et 20 000 sociétés offshores qui ont transité secrètement par des comptes de la filiale.

Une fraude d’envergure, encouragée par la banque britannique. Et qui n’a pas épargné les pays en développement, notamment africains.

Parmi les 100 pays comptant le plus d’évadés fiscaux client de la filiale d’HSBC figurent 19 états africains dont l’Afrique du Sud (1787 clients), le Maroc (1068 clients), mais aussi dans une moindre mesure le Mali (68 clients) ou encore la Zambie (69).

Fuite de capitaux

Si les sommes concernées restent moins importantes que dans certains pays développés comme la Suisse ou les États-Unis, de nombreux pays africains ont été touchés à des niveaux significatifs par les SwissLeaks.  Selon les données compilées par l’ONG One (Banque mondiale, SwissLeaks, rapport Data) , la Côte d’Ivoire aurait perdu des capitaux correspondant à 0,58% de son PNB, soit 169 millions d’euros. Rapportée au montant du budget de la santé du pays, la fuite de capitaux représente 39% et 13% de son budget de l’éducation.

Le constat est le même dans d‘autres pays en voie de développement, comme le Sénégal où les fuites de capitaux identifiées par les SwissLeaks représentent 0,90% du PNB du pays, 38% de son budget santé et 18% de son budget de l’éducation. En Tanzanie, les fuites représentent 0,48% du PNB du pays, 17% du budget santé et plus de 10% du budget éducation.

Mais le problème n’est pas nouveau. « Les Swiss Leaks sont la partie émergée de l’iceberg» reconnaît une responsable de One France.

Flux financiers illicites 

En 2011, la commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique a mis en place un panel de haut niveau chargé de faire un rapport sur les flux financiers illicites en Afrique et de formuler des solutions pour lutter contre ce fléau.

Présidé par l’ancien chef de l’État sud-africain Thabo Mbeki, le panel a rendu début février un rapport glaçant sur les flux financiers illicites sortants de l’Afrique. Ces derniers représenteraient une perte de 50 milliards de dollars par an pour les pays africains.

>>Lire l’interview : Catherine Olier : « Il faut renforcer les administrations fiscales des pays du sud »

« Certains de ces calculs montrent que le stock de capital de l’Afrique aurait augmenté de plus de 60% si les fonds qui quittent l’Afrique illégalement étaient restés sur le continent, tandis que le PIB par habitant aurait augmenté de 15% » relève le rapport.

Plus grave, cette somme dépasse le montant de l’aide publique au développement dont bénéficie l’Afrique, soit  46,1 milliards de dollars en 2012.

« Étant donné la dépendance bien connue de plusieurs pays africains à l’égard de l’aide publique au développement, la perte de ressources entraînée par les flux financiers illicites aggrave encore la dépendance à l’égard des donateurs » souligne le rapport.

L’estimation donnée par le panel de haut niveau est de plus certainement sous-estimée,  puisqu’elle «  exclue souvent certaines formes de flux financiers » incalculables comme les flux provenant « de la corruption et du trafic de drogues, de la traite des personnes et du trafic des armes à feu » .

Aujourd’hui, certains pays comme le Tchad  perdent 20% de leur PIB à cause des flux financiers illicites. Le chiffre grimpe même jusqu’à 25% du PIB en République du Congo.

 

Les flux financiers illicites en Afrique

Les flux financiers illicites en Afrique

 

Pour lutter contre les flux financiers illicites, les pays développés ont avancé sur la mise en place de l’échange automatique d’information fiscale entre pays, au sein de l’OCDE et du G20. Cet outil, jugé comme le plus efficace face aux pratiques d’évasion et d’optimisation fiscale, devrait entrer en vigueur à partir de janvier 2017 dans certain pays, avant d’être progressivement élargi.

Mais les pays africains pourraient rester sur le banc de touche, faute de moyens humains financiers et réglementaires pour «  se conformer à cet “étalon-or” », détaille le rapport.

Selon les estimations de Global finance Intergrity, l’ensemble des pays en développement aurait perdu près de 1 000 milliards de dollars en 2012 à cause des flux financiers illicites.

Plus grave, le phénomène semble s’accentuer. Entre 2003 et 2012, les flux financiers illicites auraient connu une croissance annuelle moyenne de 9,4%, soit deux fois plus rapide que la croissance économique moyenne du PIB du monde en développement.

L’Afrique subsaharienne est la première région du monde touchée par cette fuite, avec une perte moyenne annuelle de 5,7 % de son PIB.

LIENS EXTERNES:

Nations Unies

ONG

  • Le rapport Data 2014 – Lutter contre la pauvreté et financer l’avenir de l’Afrique – ONE

Médias