Dans un rapport qui vient d’être publié, la Coalition citoyenne pour le Sahel, indique que le « tout-militaire » est loin de permettre la stabilisation du Sahel.  

Le rapport rappelle que l’intervention en janvier 2013 de l’armée française au Mali pour stopper l’avancée de groupes armés dits djihadistes a marqué le début d’une intervention massive de la communauté internationale pour faire face à une crise multidimensionnelle – sécuritaire, mais aussi institutionnelle, politique, sociale et humanitaire- qui s’est progressivement étendue à l’ensemble des pays du Centre du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger).

« Malgré l’engagement soutenu et les investissements significatifs  des partenaires internationaux et des Etats de la région, la situation du Sahel n’a pourtant cessé de se détériorer au fil des ans. Les populations civiles sont les premières victimes de violences perpétrées, en toute impunité, par des acteurs variés, à commencer par des groupes identifiés comme djihadistes, des groupes communautaires identifiés comme milices d’autodéfense, des groupes criminels, ainsi que par des éléments des forces de défense et de sécurité nationales et régionales », souligne le rapport. Les auteurs d’illustrer ces propos en relevant que 2020 a été ainsi l’année la plus meurtrière pour les civils, avec près de 2440 morts au Burkina Faso, au Mali et au  Niger (selon les données de The Armed Conflict Location and Event Data). Ils poursuivent qu’à l’échelle des trois pays, plus de civils et suspects ont été tués par des militaires pourtant censés les protéger que par des groupes djihadistes. « Près de deux millions de personnes ont dû fuir leur foyer à cause des violences dans ces trois pays du Sahel central, un chiffre multiplié par 20 en deux ans. Six déplacés sur dix sont des enfants et environ 13 millions de filles et de garçons sont privés d’éducation », complètent-ils.

Les limites du « tout-militaire »

Le rapport mentionne que ces violences attisent des tensions communautaires et que l’insécurité au Sahel commence à déstabiliser le reste de l’Afrique de l’Ouest. « Face à un tel bilan, force est de s’interroger sur l’efficacité  de la stratégie adoptée pour le stabiliser le Sahel », relève le rapport. Les auteurs soulignent en effet que depuis huit ans, la priorité a été donnée à l’action militaire à travers des opérations menées par les armées sahéliennes à titre national ou régional avec la Force conjointe du G5 Sahel ainsi qu’à travers la force française Barkhane. « Pourtant, la réponse sécuritaire telle qu’elle a été menée n’a pas permis d’améliorer la vie quotidienne des populations. Au contraire, elle a souvent conduit à davantage d’incidents contre les civils », constate la Coalition citoyenne pour le Sahel.

Ce regroupement appelle donc à un « réagencement drastique des priorités », afin que la mesure du succès des interventions ne soit pas seulement d’ordre militaire (la liste des « terroristes neutralisés »), mais prenne également en compte le nombre de personnes déplacées rentrées volontairement chez elles, d’écoles rouvertes, de champs à nouveau cultivés. C’est dans ce sens que la Coalition citoyenne pour le Sahel a identifié les « Piliers citoyens », quatre priorités qui, selon elle, devraient guider toute action au Sahel. Il s’agit de :

  • Pilier citoyen 1 : prioriser la protection des civils ;
  • Pilier citoyen 2 : promouvoir une stratégie politique qui s’attaque aux causes profondes de la crise ;
  • Pilier citoyen 3 : répondre à l’urgence humanitaire ;
  • Pilier citoyen 4 : lutter contre l’impunité.

Bon à savoir, la Coalition citoyenne pour le Sahel est une alliance informelle d’une trentaine d’organisations de la société civile ouest-africaine constituée en juillet 2020. Soutenue par une quinzaine d’ONG internationales, elle a pour objectif de s’appuyer sur l’expertise sahélienne pour souligner les « limites de l’approche actuelle centrée sur la réponse militaire » et de convaincre les gouvernements de la nécessité de développer une vision articulée autour des besoins fondamentaux des populations.