Sept manifestants ont été tués au Soudan lundi, l’une des journées les plus sanglantes de la répression de la mobilisation contre le pouvoir militaire qui ne faiblit pas depuis le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane fin octobre.
Bravant un quadrillage sécuritaire serré et des troupes équipées d’armes lourdes, des milliers de Soudanais ont de nouveau scandé “Les militaires à la caserne” et “Le pouvoir au civil” en tentant d’approcher du palais présidentiel à Khartoum, ou ailleurs dans le pays.
Dans la capitale, les partisans d’un pouvoir civil dans un pays sorti il y a moins de trois ans de trente années de dictature militaro-islamiste ont essuyé des tirs “à balles réelles”, mais aussi une pluie de grenades lacrymogènes et assourdissantes et des tirs des canons à eau, rapportent des médecins.
Sept manifestants ont été fauchés par des tirs à balles réelles, précisent-ils.
En tout, depuis le putsch du 25 octobre, 71 manifestants ont été tués.La police de son côté assure qu’un de ses généraux a été poignardé à mort jeudi par des manifestants qui, prévient-elle, seront jugés selon les lois d’exception de l’état d’urgence décrété le jour du coup d’Etat.
“Militaires à la caserne”
Dans un pays où militaires et paramilitaires sont déjà accusés d’exactions et notamment, récemment, du viol d’une dizaine de manifestantes, une nouvelle décision des généraux au pouvoir fait redouter le pire.
Lundi, le Conseil de défense a annoncé la création d’une “force spéciale antiterroriste pour faire face à de potentielles menaces”.
Durant tout l’après-midi, les violences ont été continues: à Khartoum aux abords du palais présidentiel, l’ancien QG du dictateur Omar el-Béchir démis en 2019 sous la pression d’un soulèvement populaire, où siègent aujourd’hui les autorités de transition désormais aux mains du général Burhane.
Mais aussi dans les banlieues: à Omdourman, des manifestants brûlaient des pneus et dressaient des barricades pour couper des routes, tandis qu’à Khartoum-Nord, des milliers d’autres manifestants criaient: “Les militaires à la caserne” et “Pas de retour en arrière possible”, dans un pays resté sous la férule de l’armée quasiment en continu depuis son indépendance il y a 65 ans.
Partout, les forces de l’ordre ont poursuivi les contestataires dans les rues environnantes à coups de grenades lacrymogènes et assourdissantes.
Elles attaquent également régulièrement blessés et médecins dans les hôpitaux, s’indigne l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
“Que des civils”
Et la mobilisation ne se cantonne pas à la capitale dans ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus grands d’Afrique.
A Madani, par exemple, à 200 kilomètres au sud de Khartoum, “environ 2.000 manifestants défilent aux cris de +on ne veut que des civils au pouvoir+”, a rapporté à l’AFP un témoin, Imed Mohammed.
Car le 25 octobre, le général Burhane a fait arrêter la plupart des civils qui partageaient le pouvoir avec lui et son armée.Ils ont été libérés depuis, mais le pays est toujours sans Parlement depuis la chute en 2019 du dictateur Omar el-Béchir et sans gouvernement depuis le putsch.
Le général Burhane, qui s’est entouré de militaires et de civils sans passé militant, est donc de facto seul aux commandes du pays, l’un des plus pauvres du monde.
L’ONU, de son côté, tente d’organiser un dialogue pour relancer une transition vers la démocratie brutalement interrompue le 25 octobre.
Sa mission à Khartoum multiplie les rencontres avec tous les acteurs du pouvoir, de la société civile, et même les associations de femmes ou de jeunes, sans toutefois parvenir à obtenir un accord pour des négociations directes ou indirectes entre toutes les parties dans l’immédiat.
L’envoyé spécial des Etats-Unis pour la Corne de l’Afrique David Satterfield et la secrétaire d’Etat adjointe Molly Phee ont, eux, entamé lundi une tournée en Arabie saoudite et au Soudan pour tenter de relancer le dialogue dans un pays où la rue ne cesse de scander: “pas de négociation, pas de partenariat” avec l’armée.
Au même moment, Washington annonçait avoir remplacé son chargé d’affaires à Khartoum où les Etats-Unis n’ont plus d’ambassadeur depuis les années 1990.
Source : AFP