Le 28ème Sommet Afrique-France s’est déroulé le 8 octobre à Montpellier, en France. Plus de 3000 jeunes venus d’Afrique et des diasporas ont pris part à cette rencontre. Dans une interview accordée à Tchadinfos, le directeur de publication du journal L’observateur, Samory Ngaradoumbé, estime qu’’’Emmanuel Macron cherche à réparer ce qu’il a semé’’.

Qu’est-ce qu’on devait attendre de ce sommet ?

Ce sommet qui s’inscrit dans le processus de ce qu’on appelle France-Afrique montre un nouveau visage aujourd’hui. C’est la première fois que le président français a préféré rencontrer la jeunesse africaine. Qu’est-ce qu’on doit attendre de ce sommet ? Je ne dirai rien d’autre. Pour moi, c’est une séance cathartique de défoulement pour exorciser les démons. Vous suivez l’actualité, il y a eu des dérapages, des dérives et des égarements de la France à travers la politique d’Emmanuel Macron. Et tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a un sentiment anti-français qui se répand de plus en plus dans les anciennes colonies françaises.   Je pense que la France est en train de chercher à redorer son blason. Emmanuel Macron est en train de réparer ce qu’il a semé. Il y a des déclarations qui ne sont pas de nature à tenir avec ses partenaires quand on dit qu’on est indépendant et souverain. Il ne faut pas parler aux Africains sur ce ton paternaliste comme il l’a fait et qu’il continue à le faire. Mais comme l’ont suggéré les jeunes qui étaient avec lui là-bas  de parler de coopération plutôt que d’aide et autre chose. Si la France veut se démarquer de cette ligne d’égarement, elle ferait mieux d’être à l’écoute des Africains et prendre en compte ce qu’ils ont fait. Mais je doute fort, car ce sommet comme j’ai dit ce n’est qu’un scénario pour redresser les tirs et améliorer les relations mais pas fondamentalement changer la France-Afrique.

Ce sommet aurait-il d’impact sur l’Afrique et particulièrement le Tchad ?

Je n’attends pas grand-chose. Je crois qu’on va faire des colmatages, un peu du cosmétique pour apaiser cette jeunesse ulcérée. Vous connaissez bien qu’après la chute de Mohamed Gaddafi, La zone sahélienne est devenue invivable. La prolifération des armes, des bandits de tout genre (…) C’est bien les occidentaux qui sont à l’origine.  Si on veut parler souveraineté et autres, il y a des sujets qui fâchent et qu’on ne veut pas mettre sur la table. Parlons du franc CFA, rien de clair n’a été suggéré à ce dernier sommet. Le jour où les Africains commenceront à se sentir libre, c’est le jour où le bases militaires françaises vont quitter l’Afrique, surtout le Tchad. L’Afrique de l’Ouest, l’Est ça bouge. Aujourd’hui, il y a trois gouvernement de transition à travers l’Afrique francophone. Ce qui se passe au Mali à une autre connotation, en Guinée c’est une autre tonalité, au Tchad, il y a une situation qu’on ne comprend pas. Il y a deux poids deux mesures. Il y a plusieurs jugements de terrain (…) la France a fait du Tchad son dernier pré carré. Les valeurs que la France peut exporter, ce sont les droits de l’homme. Mais comment se fait-il qu’au Tchad, ce qui se passe ailleurs est toléré. Au Tchad, on ne dit rien. La France-Afrique qu’on l’enterre ou qu’on fasse ses funérailles pour qu’on en finisse.

Pourquoi ce sommet s’est tenu sans les chefs d’Etat africains ?

Ça fait partie de sa stratégie d’essayer d’amadouer. Parce qu’en Afrique, aujourd’hui, la jeunesse est vent debout. Partout, la jeunesse veut un changement. Les anciens présidents installés par la France sont là en train de tripatouiller la constitution et se pérenniser au pouvoir. Ça doit s’arrêter! Et si la France n’a pas voulu inviter ses homologues africains, détrompez-vous! Je vois qu’à l’heure actuelle, il a déjà pris le téléphone pour communiquer avec les autres. C’est une mise en scène pour se rapprocher des jeunes et dire qu’il est plus naturel que les autres.

Que vise la France à travers ces assises ?

Il n’y a rien de gratuit. La France comme je vous ai dit est en train de se repositionner en Afrique. C’est devenu un champ de concurrence, de compétition. La compétition est ouverte maintenant depuis que les Russes sont en RCA, la France a peur de perdre le terrain. Elle doit changer de cheval de bataille. Mais s’appuyer sur qui ? Ses vieux présidents pour ne pas les citer, et sans parler de ceux qui viennent de monter. Elle ne peut plus faire avec eux sans que la société civile, la jeunesse soient dans la rue. La France sans l’Afrique ne va pas peser sur l’échiquier mondial. Elle ne voit pas d’autre issue que se maintenir en Afrique et continuer à exploiter les Africains.