N’DJAMENA, 15 mars (Xinhua) — Au Tchad, près de 2 jeunes filles sur 3 sont forcées au mariage avant leur majorité. Sous l’ impulsion du couple présidentiel, les pouvoirs publics et la société civile s’engagent à mettre fin, dans les cinq prochaines années, à ce phénomène très ancré dans la société et aux conséquences multiples.

“Nous vivons un moment crucial de l’histoire des droits de l’ homme et en particulier celle des droits des enfants dans notre pays. Il est inadmissible que de nos jours, l’on continue à contraindre des enfants au mariage”, a déclaré le président tchadien Idriss Déby Itno en lançant samedi la campagne nationale contre le mariage des enfants mineurs.

Chaque année, 14 millions de jeunes filles sont victimes du mariage précoce, selon Serge Constant Bounda, représentant du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) auprès de l’ Union africaine, venu spécialement d’Addis-Abeba pour la circonstance.

En vue de parvenir à “zéro mariage précoce”, il a émis le voeu de voir l’organisation d’un atelier sous-régional tendant à accompagner les États dans la mise en oeuvre de la feuille de route de l’Union africaine, pour un meilleur leadership et une approche intégrée.

Au Tchad, la synthèse du rapport de l’étude sur le mariage des enfants relève que 68% de jeunes filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les régions concernées sont le Mandoul, la Tandjilé et le Ouaddaï.

Le phénomène est aujourd’hui profondément ancré dans les traditions et les moeurs de nombreuses familles et communautés. Si plusieurs facteurs peuvent expliquer l’enracinement de ce phénomène dans les sociétés tchadiennes, les pesanteurs socioculturelles, la pauvreté, les conflits et les inégalités basées sur le genre en constituent les causes principales.

Selon les experts, le mariage précoce nuit à la santé des jeunes filles mais aussi à leur scolarisation et à leur épanouissement dans la société.

Sur le plan sanitaire, cette pratique met en péril la vie même des jeunes filles et engendre des complications liées à la grossesse en bas-âge. Ces complications à la naissance sont la principale cause de mortalité parmi les jeunes de 15 à 19 ans dans les pays en développement.

Au Tchad, le mariage précoce est la cause principale des fistules obstétricales qui frappent des milliers de femmes et de jeunes filles.

Sur le plan de l’éducation, de nombreuses filles contraintes au mariage dès le bas-âge, ne vont pas au bout de leurs études. Or, les statistiques dans ce domaine sont formelles: plus une jeune fille fréquente longtemps l’école, moins elle risque de se marier précocement, moins elle aura d’enfants, plus faible sera le taux de mortalité, plus faible sera le taux de fistule et plus grandes seront ses chances d’épanouissement.

Pour mettre fin à cette “pratique moyenâgeuse”, le chef de l’État tchadien a interpellé tous ses compatriotes – parents d’ enfants en premier, hommes politiques, chefs religieux, membres de la société civile – à oeuvrer la main dans la main.

“Nous devons nous engager tous ensemble. L’Union africaine parlait d’atteindre cet objectif en 2063. Mais entretemps, combien de générations nous aurons consacrées, sacrifiées? Je dis non, le Tchad doit atteindre cet objectif avant 2020 et c’est conforme à tous nos engagements internationaux, sous-régionaux et régionaux”, a-t-il indiqué.

Le président Déby Itno a promulgué l’ordonnance portant interdiction du mariage d’enfants mineurs, adoptée jeudi en conseil des ministres.

La nouvelle loi punit d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et une amende de 500.000 F CFA à 5 millions F CFA (environ 1.000 à 10.000 USD), toute personne, toute autorité civile, religieuse ou traditionnelle qui contraint, par quelque moyen que ce soit, un mineur au mariage.

La Convention des Nations-Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes prévoit le droit à la protection contre le mariage des enfants dans son article 16: ” Les fiançailles et le mariage d’un enfant n’ont aucun effet juridique et toutes les mesures nécessaires y compris la législation doivent être prises afin de fixer un âge minimum pour le mariage”. Le Tchad a fixé cet âge minimum à 18 ans.

Pour la Première dame du Tchad, Mme Hinda Déby Itno, la réussite de la campagne nationale “Tous ensemble mettons fin au mariage des enfants”, passe nécessairement par la mobilisation des parents à différents niveaux pour une remise en cause du mariage des enfants; une campagne soutenue d’information et de sensibilisation à l’endroit des filles elles-mêmes sur leurs droits; la mise en place des services à la disposition des filles et l’application des lois et des politiques adéquates en faveur des filles.

“Il nous faut donc nous organiser, nous battre contre les pratiques rétrogrades et dégradantes, créer un environnement propice qui encourage le changement des mentalités, travailler avec les filles pour qu’elles puissent développer des projets de vie en accord avec leur propre désir. C’est ainsi que nous pourrons opérer un changement de comportement durable et à grande échelle”, a insisté Mme Déby Itno, marraine de la campagne.