N’DJAMENA, 24 juin (Xinhua) — Depuis près d’une année, le Tchad a entrepris une ambitieuse réforme de ses Domaines et Cadastre: rénovation des bâtiments, installation des différentes infrastructures, numérisation des documents cadastraux, et, dernièrement, instauration d’un Guichet unique pour les affaires foncières. Autant d’efforts déjà déployés, mais il reste encore beaucoup de choses à réaliser afin de moderniser un domaine très sensible.

Un Guichet unique des affaires foncières est opérationnel à N’Djaména, la capitale du Tchad, depuis jeudi dernier. Il est l’œuvre du Programme de sécurisation des documents cadastraux, fonciers et domaniaux, fruit d’un partenariat entre l’Etat tchadien et la Groupe Oberthur Fiduciaire, une société de droit français.

La première phase de ce Projet de sécurisation, lancé en août 2012, a consisté à mettre en conformité les bâtiments, à installer les différentes infrastructures, à numériser les documents cadastraux, à faire des opérations de photogrammétrie et à mettre en place un groupe de logiciels.

Le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Affaires foncières et des Domaines, Gata Ngoulou déplore les conditions actuelles de travail des agents: des locaux inadaptés, des moyens logistiques et des équipements insuffisants ou obsolètes. “Quelle crédibilité peut-on accorder au travail réalisé lorsque des particuliers, organisés en réseau, mettent à la disposition des agents du Cadastre leurs propres moyens”, s’interroge-t-il.

La seconde phase, qui durera cinq ans, est celle de la délivrance des documents sécurisés à travers ce Guichet unique qui servira d’interface entre l’administration foncière et domaniale et les usagers.

M. Gata Ngoulou explique l’instauration d’un Guichet unique par quatre objectifs: faciliter aux usagers l’obtention des documents cadastraux et domaniaux, fiabiliser et sécuriser lesdits documents, assurer leur conservation dans les meilleures conditions de sécurité, et mieux garantir les recettes de l’Etat résultant des opérations foncières et domaniales.

Aujourd’hui, au Tchad, seuls 4.092 titres fonciers ont été établis pour tout le pays, alors que le titre foncier n°1 date de 1914. Faute de moyens adéquats, d’importants gisements de ressources budgétaires demeurent ainsi inexploités par l’Etat.

Le Guichet unique permettra, ajoute le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Affaires foncières et des Domaines, de rassurer les usagers et de réduire les conflits dont la plupart naissent de la manipulation frauduleuse des documents par les agents du ministère eux-mêmes. En effet, près de 80% des dossiers en instance de jugement devant les tribunaux au Tchad concernent des questions foncières, selon une source judiciaire citée par M. Gata Ngoulou.

Le Guichet unique a signé un partenariat avec une banque de la place qui sera chargée d’encaisser, de sécuriser et de répartir les fonds pour l’Etat. Les prix d’obtention des documents sécurisés sont 35.000 F CFA (environ 70 USD) pour le titre foncier (début de la procédure), 65.000 F CFA (130 USD) jusqu’aux arrêtés ou procès-verbaux d’adjudication et 100.000 F CFA (200 USD) jusqu’au titre foncier définitif (dossier complet).

En inaugurant le Guichet unique, le Premier ministre tchadien, Joseph Djimrangar Dadnadji, a donné l’exemple en déboursant 100.000 F CFA pour obtenir son titre de propriété définitif. “Je suis satisfait, car ce système évitera des conflits entre citoyens et ermettra à l’État de gagner les revenus fonciers qui lui échappent depuis de nombreuses années”, a-t-il déclaré.

Pour M. Bernard Lixon, directeur général de la société Oberthur Fiduciaire, ce dispositif présente un double avantage pour l’Etat et pour le citoyen. “Grâce à ce système, l’Etat tchadien sécurisera les titres fonciers des citoyens propriétaires et pourra également bénéficier des taxes afférentes aux propriétés, permettant le développement des quartiers”, indique-t-il.

Durant la première phase du Projet de sécurisation, la société Oberthur a scanné l’ensemble des documents fonciers existants, notamment les plans A Zéro, les plans parcellaires et les registres des titres fonciers; puis elle a inclus ces données anciennes dans un nouveau logiciel performant.

Des vues aériennes des 11 plus grandes villes du Tchad ont été réalisées, et des photos en 3D prises. Les parcelles dument scannées et enregistrées dans le nouveau logiciel, seront ensuite superposées sur les photos aériennes en photogrammétrie et un gigantesque puzzle sera ainsi réalisé. Les données sont traitées actuellement à Dijon, en France.

“Il faudra ensuite procéder aux ajustements nécessaires entre ce qui est réalisé matériellement (par exemple, la construction d’une maison ou d’un immeuble) et ce qui est enregistré au sein des registres du Domaine et du Cadastre”, précise M. Bernard Lixon.

La réforme foncière entreprise au Tchad se joue également sur le terrain juridique. Des lois fixant les principes fondamentaux applicables en matière d’urbanisme et de construction ont été promulguées par le président Déby Itno ces dernières années. Un Code foncier est en cours d’élaboration et viendra compléter cet arsenal judiciaire qui soutiendra cette modernisation indispensable du domaine foncier.

Le dernier élément important du dispositif de la vaste réforme foncière au Tchad reste la Banque de l’habitat. “Les actes juridiques pour sa création seront finalisés le mois prochain”, conclut le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Affaires foncières et des Domaines.

Par Geoffroy Touroumbaye