N’DJAMENA, 1er mai (Xinhua) — Au Tchad, des langues maternelles tendent à disparaître, sous la menace de deux principales. Des actions sont en train d’être menées timidement pour leur sauvegarde et promotion.

“Il existe de risque qu’en ville on ne parle plus la langue maternelle pure aux enfants”, s’alarme Dr Khalil Alio, linguiste et doyen de la Faculté des Langues, lettres, arts et communication de l’Université de N’Djaména.

A N’Djaména, la capitale tchadienne, l’arabe dialectal et le ngambay (une langue parlée dans les régions du Logone au sud du pays) ont pris le dessus sur les autres langues parlées. Certaines familles ont même adopté l’une de ces deux langues au détriment de leurs langues maternelles.

Dans d’autres régions, certaines langues ont disparu du fait qu’on ne les parle presque plus. “Beaucoup de langues sont en danger. Le babalia et le beraku, parlés jadis dans le Chari Baguirmi, n’existent plus. Dans la Tandjilé, le goundo a disparu. Le dernier vieillard qui parlait est mort et on est en train de chercher si on ne peut pas trouver quelqu’un d’autre qui le parle. Les langues du Guéra, Batha, Salamat et du Ouaddaï sont menacées de disparition par l’arabe dialectal”, déclare Dr Khalil Alio.

Il explique que les mots emprunts de l’arabe dans ces langues vont jusqu’à 20%. Le boudouma, parlée dans la région du Lac Tchad, contient à 40% des mots kanembou, la langue du Kanem, une région. “A cette allure, dans 50 ans, ces langues vont disparaître”, prévient Dr Khalil Alio.

Face à cette menace réelle, la prise de conscience doit être collective. Noubasra Pierre, étudiant en année de master en Lettres modernes, pense que c’est vrai que le nombre des populations et le pouvoir économique déterminent l’expansion d’une langue et vu les langues qui ont disparu et celles en voie de l’être, les gens doivent prendre conscience. “Même si on est deux parmi cent, on doit parler sa langue maternelle. Ne pas parler sa langue, c’est perdre son identité”, estime-t-il.

A ce jour, seules quelques études individuelles existent sur les langues maternelles au Tchad et les statistiques sont difficiles à réunir sur le sujet. Certaines populations prennent elles-mêmes l’avenir de leurs langues au sérieux. L’alphabétisation a commencé dans plusieurs langues; on apprend aux gens à lire, écrire et à compter dans leurs langues maternelles.

“L’Etat tchadien doit aussi s’impliquer dans la sauvegarde des langues maternelles”, indique Dr Khalil Alio. Le linguiste exhorte le gouvernement à recueillir les contes, les livres, les poésies .. sur les langues maternelles. Ensuite, les linguistes vont travailler dessus et sortir des livres, des grammaires, des dictionnaires pour préserver ces langues. Il faut que ces langues soient introduites dans le système éducatif. C’est le seul moyen de préserver ces langues”, conclut-il.

En organisant le week-end dernier, dans la ville de Koumra, au Sud du pays, les manifestations de la journée internationale de la langue maternelle (célébrée normalement le 21 février dans le monde entier), le gouvernement tchadien a mis l’accent sur la nécessité de donner un aperçu sur la situation linguistique, de stimuler les acteurs du système éducatif et les partenaires à apporter leur soutien et, enfin, sensibiliser les communautés linguistiques sur l’importance des langues maternelles.

Pour les langues qui ne sont pas encore écrites, le ministre de l’Enseignement fondamental et de l’Alphabétisation, Tchonaï Elimi Hassan a promis que tout sera mis en oeuvre en vue d’enclencher une étude linguistique systématique sur l’ensemble du territoire, à l’effet non seulement de déterminer avec exactitude le nombre des langues parlées au Tchad (ce pays d’Afrique centrale compte plus de 300 ethnies, et donc autant de langues), mais également de les transcrire.

Au regard de toute cette assiette de valeurs de langues maternelles, tout est mis en oeuvre pour que la promotion de la langue maternelle au Tchad ne souffre d’aucune ambigüité”, a-t-il ajouté.

Pour le moment, seule la Fédération des associations de promotion des langues du Guéra, au centre du pays, alphabétise dans toutes les langues de la région et jusqu’au niveau préscolaire. Des associations de promotion de langues maternelles sont en train de mettre sur pied une fédération nationale pour la promotion des langues maternelles parlées sur le territoire national tchadien.