Lorsque les défenseurs des victimes du dictateur tchadien Hissein Habré avaient déposé une plainte contre lui en 2000 devant le tribunal de Dakar, personne ne s’imaginait que le processus allait durer aussi longtemps. L’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade était considéré par les avocats de victimes comme un grand défenseur des droits de l’homme. Hélas ! Le supplice des victimes continue de durer mais aujourd’hui une lueur d’espoir luit dans la nuit du désespoir.

L Les plaintes contre Habré et les agents de la DDS déposées à Dakar ainsi que devant le tribunal de N’Djaména ont apporté un peu d’espoir aux victimes de l’une des barbaries les plus inimaginable du 20ème siè – cle. Depuis plus de vingt ans, le Tchad n’a pas daigné manifester la moindre volonté d’encourager les victimes qui attendent que l’on leur dise pourquoi elles ont dû souffrir les affres de la méchanceté d’un système qui les a broyés sans cause. Le Tchad avait le de – voir et la responsabilité de protéger et de s’occuper des veuves et des rescapés qui attendaient une prise en charge en matière de soins. Or le nouveau pouvoir qui dirige le pays depuis la chute de HH a continué à promouvoir les bourreaux d’hier qui avaient tué, violé, massacré. Les victimes assistent impuissantes et tremblantes à cette situation. Le bourreau d’hier continue de narguer ses victimes au mépris de toute morale. C’est dans cette atmosphère que la nouvelle d’une prochaine comparution en vue du jugement de Habré vient redonner un peu d’espoir aux victimes. Le ministre sénégalais de la justice déclarait récemment que « ce sera pour la fin janvier, début février» . L’optimisme renaît dans le cœur des victimes qui se mettent à imaginer que l’occasion leur sera donné de pouvoir entendre l’auteur de tous leurs malheurs dire les raisons de son acharnement sur elles. Gageons que cette promesse ne viendra pas s’ajouter au chapelet de promesses auquel les victimes qui cherchaient justice ont été abreuvées. L’espoir placé dans le pouvoir du Tchad est brisé et anéanti par l’indifférence des dirigeants nationaux. De même, une catégorie de tchadiens s’évertue à dire que le procès de Habré n’est pas utile. Ce sont des acteurs impliqués dans les massives violations des droits de l’homme sous le règne de Habré et qui ont les mains souillées du sang de leurs victimes et qui ont peur de devoir répondre de leurs actes. Ils cherchent à semer le doute dans le cœur des victimes. Pourtant, il faut bien que ce jour arrive inéluctablement afin que le procès de mauvaises graines de notre société, des gens sans foi ni loi qui n’ont fait qu’endeuiller un peuple pendant huit ans ait lieu. De même, les victimes ne devraient elles pas exiger des comptes à Abdoulaye Wade pour avoir protégé sous des prétextes fallacieux le sanguinaire Hissein Habré. C’est à croire qu’il existait à l’époque une complicité tacite entre le gouvernement du Tchad et celui du Sénégal. Wade avait joué la montre avec le secret espoir que Habré meure afin que l’action s’éteigne. C’est certainement le souhait gouvernement du Tchad qui ne s’est jamais empressé de s’associer aux victimes pour demander que le procès ait lieu. Aujourd’hui le Sénégal se voit obliger par la cour internationale de justice de juger le lion de l’Unir. Le peuple Tchadien attend beaucoup de ce jugement pour savoir. Mais en attendant ce jugement, le gouvernement du Tchad peut déjà s’occuper des victimes survivantes au risque d’arriver au procès sans elles. Toutes les couches sociales doivent se mobiliser aux côtés des victimes pour ce procès. Il faut aussi que le doyen des juges d’instruction du tribunal de N’Djaména se décide enfin à instruire les plaintes contre les sbires de la DDS qui sont en souffrance dans les tiroirs de son bureau. Le mémorial de Hamral goz doit être érigé. Il ne suffit pas seulement de poser la première pierre.

Gotingar Serge Manassé

Notre Temps #517 disponible en pdf sur boutique.tchadinfos.com