Après 10 ans de travail et 20 milliards d’investissement, la fibre optique est enfin disponible. Raccordée depuis juillet 2012, cette infrastructure, censée sortir le pays du moyen-âge numérique dans le quel il baigne, tarde pourtant à se généraliser. La faute à un manque de communication vers les cibles institutionnelles ou privées.

Nous vivons avec le net. Mais nous vivons mal avec lui ! Car il est lent et instable ! Tandis que nous souffrons pour nous connecter, l’Etat tchadien a investit ces dernières années prés de 20 milliards de francs CFA dans le développement d’un réseau de fibre optique. Lancée en grande pompe le 16 avril 2010, ce projet qui devait « booster le développement économique du Tchad » existe bel et bien, mais ne profite pas encore à tout le monde. Au delà des imbroglios administratifs et financiers qui opposent l’Etat et ses partenaires, quand est-il aujourd’hui de « ce rêve numérique » ?

L’offre principale, d’un débit de 2 mégas, est destinée aux institutions de l’Etat, aux entreprises, aux organisations et aux opérateurs. Le forfait mensuel leur coute, outre les frais d’installation de 500 000 francs, 1 825 000 francs hors taxe. Cela peut paraitre cher, mais au vu « du confort et de la stabilité de la connexion, le jeu en vaut la chandelle » selon les termes de Nassour Lol, Directeur des ventes chargé de la fibre optique, et de poursuivre « cette offre est de loin plus avantageuse que les systèmes VSat actuels ». La seconde offre, à l’attention du grand public, c’est l’ADSL, relayée par une ligne de téléphone fixe. Elle est déclinée en 128Kb, 256kb et 528kb. L’installation de ligne téléphonique revient à 53 100 francs. Et le forfait mensuel, 70 000 francs. Il faut compter donc une somme initiale de 133 100 francs pour une offre internet à utilisation domestique « concurrentielle ». Une autre solution grand public va également être proposée aux clients : « internet mobile ». La fameuse clé Tawali, produit très décrié s’il en est, verra son réseau renforcé à l’aide de la fibre optique. La bande passante actuelle de 5 gigas passera à 30 gigas.

Manque de communication

Ces trois offres, à priori très alléchantes, sont disponibles depuis juillet 2012… Mais pourquoi donc nous ennuyons-nous avec des solutions de secours ? Nassour Lol admet que « le public ne le sait pas car nous (Ndlr : la Sotel et avant elle Sitcom) n’avons pas communiqué. Pour pallier à cela, nous prévoyons une grande campagne de communication dés janvier 2013 ». Outre ces efforts, il faudra se pencher sur la qualité et la continuité du service. Mais à ce niveau, « l’inquiétude n’est pas de mise car le travail d’installation a été réalisé avec beaucoup de parcimonie par la société à capital mixte, Sitcom » assure le directeur des ventes. Avant de poursuivre : « A l’heure actuelle 45 clients (institutions de l’Etat, entreprises, banques) sont connectées à notre réseau de fibre optique. Et nous avons 272 demandes en attente ». (Ndlr : fin décembre 2012)

La gestion de la fibre optique

Le partenaire stratégique et technique de l’Etat, l’Américain STM Atlantic (actionnaire à 51% de la Sitcom) s’est vu débouté, en octobre 2012, du contrat le liant aux autorités tchadiennes pour la gestion de la fibre optique. Cette décision unilatérale est intervenue suite à un rapport d’activité émanant de Sitcom et faisant état du chiffre d’affaires prévisionnel dans les deux années à venir (16 milliards de francs, selon des informations non confirmées). Certaines voix s’élèvent pour dénoncer les visées à dessein pécuniaires de cette rupture de contrat. Mais du coté des autorités tchadiennes on préfère invoquer « l’intérêt supérieur de l’Etat » pour expliquer les faits. Les affaires sont aujourd’hui confiées à la Sotel. Une Sotel « qui est enfin arrivée à ses fins car elle combattait dés le début ce partenariat technique entre STM Atlantic et l’Etat tchadien à travers Sitcom » précise Ammina Ehémir, la conseillère juridique du groupe américain. Et de se demander si « La Sotel pourra continuer à offrir un service optimal identique à celui de Sitcom ? » Du coté de la société publique, la confiance est de mise. Fort de son expérience, Djibrine Ehémane, ancien directeur de développement de Sitcom, reconnait que cette question, même si elle est brutale, doit être posée. Pour lui, la clé de voute de la réussite de cette gestion est financière. Si des fonds sont disponibles pour l’acquisition des équipements nécessaires à l’installation chez le client, « la Sotel y arrivera » rassure-t-il.
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Le projet CAB, un doublon ?

Lorsqu’on remonte sur les 10 dernières années, on constate que le projet actuel a été développé alors qu’il y avait déjà le programme CAB (Central Africa Backbone, comprenez le réseau haut débit d’Afrique central) lancé en 2002. Piloté conjointement par la Banque mondiale (BM) et la Banque Africaine de développement à hauteur de 15 milliards, le projet CAB (une boucle de connexion devant relier le réseau tchadien au Soudan, au Nigéria à la RCA et au Cameroun) sera opérationnel à l’horizon 2015. La BM créera alors une société de gestion de cette nouvelle infrastructure… Dans ce cas de figure, La Sotel cédera-t-elle sa part de fibre optique aux nouveaux arrivants ? Ou cohabiter et « signer des accords de gestion » comme l’indique Djibrine Ehémane ? Rien ne sera simple et nous devons nous attendre, le moment venu, à des bras de fer entre l’institution de Bretton Woods et nos dirigeants qui voudront une fois de plus défendre «l’intérêt supérieur de l’Etat».

Par Chérif Adoudou