N’DJAMENA, 21 janvier (Xinhua) — Face à une concurrence dé loyale de plus en plus forte, la Compagnie sucrière du Tchad (CST) peine à liquider ses produits et risque de fermer son unité de production, si rien n’y est fait.

“La CST ne vend plus un kilogramme de sucre depuis trois semaines. Si on ne vend pas, on aura des tensions de trésorerie”, déclare son directeur commercial, Yacoub Mahamat Yacoub. L’entrepô t de l’usine de Banda, au sud du Tchad et d’une capacité de stockage de 7.000 tonnes,est aujourd’hui presque plein à craquer.

Selon M. Yacoub Mahamat Yacoub, le marché du sucre au Tchad en 2013 a dépassé les 120.270 tonnes, soit une consommation moyenne de 10,5 kg/hab/an. Ces besoins nationaux ont été satisfaits à 30% par la production locale et à 70% par des produits issus de la fraude et de la contrebande qui profitent de règlementations favorables des pays d’origine et d’une faible contrainte fiscale à l’entrée.

Ce qui a eu des conséquences dévastatrices sur les ventes de la CST; les livraisons journalières, divisées par dix depuis début 2012, ont chuté à 25 tonnes. Pour combler le gap laissé par la production locale, le ministère tchadien des Finances avait libé ralisé, depuis 2008, l’importation et la commercialisation du sucre. Ainsi, des entreprises et des individus venus de partout et de nulle part, ont pris d’assaut le secteur,faisant entrer au Tchad du sucre par la fraude. Par exemple, le sucre “made in Sudan” qui était confiné aux régions de l’Est, est aujourd’hui vendu à un prix défiant toute concurrence à Sarh, aux portes de Banda. Dans le chef-lieu de la région du Moyen-Chari,frontalière avec la République Centrafricaine, il y a même du sucre thaï landais et brésilien.

Libéraliser le secteur du sucre, denrée de première nécessité, c’était une bonne chose. Mais le contrôler est ainsi devenu une vé ritable sinécure pour le gouvernement. “On a laissé développer la contrebande, mais elle est aujourd’hui difficile à gérer; les frontières sont très grandes”, déplore Patrick Caillau, directeur général adjoint de la CST.

A cause de cette concurrence déloyale, la Compagnie sucrière a dû, l’année dernière, fermer son agglomérerie et sa confiserie de Farcha,à N’Djaména, licenciant du coup 380 agents. Elle a é galement arrêté la production du sucre en pain et en morceaux, ainsi que l’importation.

Aujourd’hui, même la production du sucre en conditionnement est menacée. “Si on ne trouve pas de solution d’ici quelques jours, on va arrêter la production”, prévient Patrick Caillau. La “solution”, c’est que tous les acteurs du secteur soient assujettisà la même r églementation en vigueur, c’est-à-dire paient la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), les droits de douane et la taxe communautaire de la même manière.

La solution passe également par la création d’un Ordre de ré gulation du marché sucrier qui devra décider de la marge àimporter, de qui va importer et fixer les autres règles du jeu de la concurrence.

“Il y a deux décennies, la Société tchadienne des textiles (STT) avait été confrontée au même problème; elle a dû fermer boutique, laissant sur le carreau un demi-millier de travailleurs. L’ histoire risque de se répéter avec la CST, si l’on n’y prend pas conscience. Il y a péril en la demeure. La CST est plus que jamais à un doigt de toucher le fond du précipice”, affirme Mahamat Allamine, le coordonnateur de son site de production.

Pour le numéro 2 de la Compagnie sucrière, il est temps d’agir pour sauver la CST, à cause des emplois en cause et non pour SOMDIAA (la multinationale française de l’agroalimentaire qui dé tient la plus grande partie du capital) qui, en dix ans, a déjà fait un retour sur ses investissements et est même prêt à implanter, pour 426 milliards F CFA (environ…), une nouvelle usine capable de produire 173.000 tonnes de sucre (soit la consommation annuelle du pays), d’ici 2022.

Malgré la chute de son activité ces dernières années, la CST s’ est efforcée de stabiliser le nombre d’emplois. Elle compte aujourd’hui près de 2.500 personnes, ce qui en fait le troisième employeur du pays (derrière l’Etat et la Cotontchad SN, la société cotonnière majoritairement détenue par l’Etat).

La CST, c’est également des oeuvres sociales, notamment un centre de santé qui offre ses services variés à 76.000 personnes vivant dans la zone, une école qui figure au nombre des meilleures de la région, et une fondation qui accompagne les initiatives de d éveloppement des groupements issus des villages en périphérie de la sucrerie.

“Si la situation perdure, la CST ne pourra plus longtemps maintenir tous ces emplois et autres réalisations sociales autour d’elle”,conclut son numéro 2.