Faute de politique de gestion des déchets, la ville de N’Djamena sombre  dans l’insalubrité. Mais, cette situation est loin d’être une priorité pour les autorités municipales des différentes communes de la ville. Chaque quartier ou ménage gère, selon son organisation, les déchets produits. 

Lutte contre l’insalubrité

On se souviendra de l’opération N’Djamena Nadif, lancée par la mairie centrale il y a quelques années. Cette opération qui consiste à enlever les ordures ménagères par les services de la mairie centrale et les déposer en dehors de la ville est loin d’être une réussite. Bien d’autres initiatives allant dans ce sens ont été mises en oeuvre. Mais jusque-là, la capitale tchadienne est loin d’être une ville propre. Car, la gestion des déchets reste une problématique. 

Que ce soit dans les marchés ou dans les quartiers, l’insalubrité fait sa loi. La raison, les habitants ou les ménages gèrent eux-mêmes les déchets qu’ils produisent.  Dans la ville, aucun bac à ordure public n’est construit. Alors, pour se débarrasser de leurs ordures, les ménages les déposent sur les voies ou sur les terrains vides.

A Diguel, un quartier du 8ème arrondissement de la capitale, jouxte un marigot reconnu pour être un dépotoir des ordures ménagères. Dans ce quartier, ce sont les habitants qui gèrent les déchets à leur façon. S’ils ne sont pas jetés en plein milieu de la rue, les déchets sont incinérés. « Chaque jour que Dieu fait, il y a des fumées  en l’air. A force d’aspirer ces fumées nous sommes tous devenus malades dans ce quartier », se plaint un habitant de Diguel. De loin, cette zone de Diguel donne l’impression d’un quartier  industriel à cause des fumées qui couvrent le ciel. Parfois, les déchets sont jetés dans le marigot. Ce qui laisse place à une odeur de putréfaction qui gêne les riverains. La commune du 8ème arrondissement ne se préoccupe pas comme il le faut de la situation. « Parfois c’est ceux de la mairie même qui viennent déverser des ordures qui sont ramassées dans d’autres quartiers dans ce marigot », informe un autre habitant. 

Le cas du quartier Diguel est similaire à d’autres quartiers de la capitale tchadienne. Même comportement des habitants. Dans certains ménages, la famille se sacrifie pour acheter des bacs à ordure en plastique. N’ayant où déposer ces ordures une fois le bac rempli, les ménages signent des contrats avec certains individus qui se chargent de les évacuer à l’aide de porte-tout. C’est le cas des quartiers Dembé, Ndjari, Ardep-Djoumal, Kabalaye, Djambal Bahr etc. Selon un éboueur rencontré au quartier Djambal Barh, les évacuations des déchets dans les ménages se font selon les termes du contrat. « Dans certains ménages où j’ai conclu un contrat, je passe deux fois par semaine. Sinon dans d’autres, on m’appelle seulement que quand le bac est rempli. Et là, on me paie séance tenante », nous a-t-il livré. Quand les ordures sont dégagées dans les ménages, les éboueurs les déposent au quartier Sabangali, au bord du fleuve. Au quartier Ardep-Djoumal, les abords de l’Ecole normale supérieure et de l’hippodrome servent de dépotoir public. Tous les habitants riverains viennent déposer les déchets là. Entre temps, les étudiants de l’ENS (Ecole normale supérieure) et ceux de la faculté de droit suffoquent dans les salles de classe à cause de la proximité du site et leurs établissements. La commune du 3ème arrondissement fait table rase de ça.

les éboueurs individuels arpentant l’Avenue Gaourang à la recherche des ordures à ramasser

Pour lutter contre l’insalubrité au côté de ces éboueurs individuels, des initiatives privées ont été créées par les jeunes. Dans le quartier Dembé 2, on peut citer l’association Saidouna qui s’active à évacuer les déchets ménagers et les WC.

Hamit Hissein, promoteur de Toumaï propre, structure de collecte des déchets au quartier Chagoua dans le 7ème arrondissement de N’Djamena explique l’origine de la création de son entreprise. « N’Djamena est sale. Suite à ce constat, nous avons créé Toumaï propre pour accompagner les communes et les ménages à maintenir l’environnement sain autour des familles », soutient-il. Outre l’évacuation des déchets, Toumaï Propre sensibilise les ménages sur les questions liées à la protection de l’environnement et à la gestion des déchets. Créé en 2016, Toumaï propre compte aujourd’hui plus de 150 ménages abonnés à ses prestations.

Avantages et conséquences

Si N’Djamena s’étouffe dans la saleté à cause de l’absence d’un service d’assainissement adéquat, la gestion des déchets est un facteur créateur d’emploi. D’un côté les porteurs individuels qui s’auto emploient ; de l’autre, des associations qui embauchent les jeunes. Grâce au contrat d’évacuation, ces personnes gagnent leur quotidien. Hormis ceux-là, les déchets jetés sur les voies ou au bord du fleuve Chari sont recyclés par une autre catégorie de personnes. On les appelle les Django django. Le dépotoir à côté de l’hippodrome est un nid des fouineurs de poubelle. Ils ont élu domicile là. Chaque jour, ils recyclent les objets jetés là et les revendent sur le marché.

les django django fouillant dans le dépotoir de Diguel

La gestion des déchets est dans les normes de chose l’affaire de la municipalité. C’est ce qui passe dans les pays développés et bien organisés. Chaque ménage dispose de bac et la municipalité dispose d’un service d’assainissement qui se charge d’enlever les ordures dans ces ménages. Dans certains africains comme le Ghana, l’Etat utilise les déchets ménagers pour produire l’électricité. Ceci démontre combien de fois il est important pour un Etat de disposer d’une politique de gestion de déchet.  

Le manque d’une politique de gestion des déchets au Tchad est un manque pour l’Etat. Car, les déchets produits ne sont pas utilisés à d’autres fins. Au contraire, ils polluent l’environnement. Le désir des autorités de faire N’Djamena la vitrine de l’Afrique centrale est une bonne ambition. Mais d’abord, il va falloir mettre la salubrité dans la ville en adoptant une politique de gestion des ordures. C’est le commencement. Le gouvernement doit s’investir dans la sensibilisation de la population avant de mettre sur pied des structures qui vont concourir à la gestion des déchets.