N’DJAMENA, 30 mai (Xinhua) — A travers deux lois adoptées cette semaine par son Assemblée nationale, le Tchad a réorganisé son appareil judiciaire pour le rendre plus performant et accessible aux citoyens en vue de faire face à l’impunité”, a déclaré à Xinhua Me Jean-Bernard Padaré, ministre tchadien de la Justice, Garde des sceaux.

La première innovation du nouveau Code, une compilation de textes sur l’organisation et le fonctionnement des institutions judiciaires adoptée mercredi par les députés, est la réaffirmation du principe de la collégialité qui fait obligation aux chambres des tribunaux de juger en collège.

Toutefois, ces chambres pourront statuer par un juge unique quand l’effectif des magistrats ne permet pas la composition des audiences collégiales.

Généralement, l’absence, momentanée ou prolongée d’un assesseur, perturbe le bon fonctionnement des tribunaux de travail et de la sécurité sociale ou des tribunaux de commerce. Ainsi, pour surmonter ces difficultés, le président du tribunal pourra statuer seul.

La deuxième innovation du nouveau Code d’organisation judiciaire concerne la compétence de la justice de paix et du tribunal de première instance en matière civile. Le texte permet au justiciable de présenter si sa demande en argent est inférieure ou égale à 500.000 F CFA (environ 1.000 USD). Au-delà de cette somme, la requête doit être soumise au tribunal de première instance.

La hiérarchie des juridictions au Tchad comprend, à la base, des justices de paix (dans les dix arrondissements de N’Djaména, la capitale, et dans les villes de faible population), les tribunaux de première instance (dans les chefs-lieux de département), trois cours d’appel (dans les trois principales du pays: N’Djaména, Moundou et Abéché), et une Cour suprême qui siège en dernier ressort.

“Le juge de paix, ne pouvant se prononcer sur certaines questions comme l’immobilier, le legs et autres, compte tenu de la limite de ses compétences, doit transférer l’affaire au tribunal de première instance”, indique le ministre de la Justice.

En matière correctionnelle, le nouveau Code reconnaît une compétence matérielle générale seulement aux justices de paix établies dans les sous-préfectures où il n’existe pas de tribunal de première instance, pour juger des délits et des contraventions, sous réserve des exclusions déjà prévues par la loi en vigueur pour les infractions à la loi sur la presse, à la législation économique et fiscale, et à la législation des changes qui sont maintenues.

Cependant, le texte retire aux justices de paix établies dans les dix arrondissements de N’Djaména, la compétence en matière correctionnelle et de simple police. Il précise que dans le ressort de la capitale, seul le procureur de la République a le pouvoir de poursuite et les jugements en matière correctionnelle relèvent de la compétence du tribunal de première instance.

La troisième nouveauté du Code portant organisation judiciaire est l’instauration du principe de la responsabilité encourue par l’Etat du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice. “Si les juges refusent de répondre aux enquêtes ou négligent de juger les affaires en état d’être jugées, par exemple, ils peuvent être pris à partie pour déni de justice, selon une procédure portée devant la Cour suprême, dans les conditions fixées par la loi portant organisation et fonctionnement de cette plus haute instance en matière judiciaire”, explique Me Jean-Bernard Padaré.

Enfin, le nouveau Code donne au président de la Cour d’appel la faculté de déléguer un ou des magistrats pour remplacer ceux qui ont été empêchés momentanément, en vue d’éviter ainsi les renvois des affaires. Cette même faculté est également accordée au procureur de la République concernant le ministère public.

Par ailleurs, les députés tchadiens ont adopté une proposition de loi portant révision de la Constitution qui érige à côté de la Cour suprême, une autre juridiction supérieure: la Cour des comptes.

“La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics. Elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s’ assure de l’emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat ou par les autres personnes morales de droit public”, précise la nouvelle Constitution révisée.

La Cour des comptes assure également la vérification des comptes de gestion des entreprises publiques des organismes à participation financière publique. Elle déclare et apure les gestions de fait.

Composée de cinq chambres et trente-et-un membres désignés pour un mandat de cinq ans renouvelable, elle sanctionne, enfin, les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat, des collectivités locales et des organismes soumis à son contrôle.

En érigeant une Cour de comptes dans son ordre juridique interne, le Tchad se met en conformité avec les directives de la Communauté des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) dont il est membre fondateur.

Avec la nouvelle donne qui consacre l’érection de sa Chambre des comptes en une Cour des comptes, la Cour suprême est recomposée en Chambre judiciaire et en Chambre administrative, avec vingt-un membres (contre seize auparavant), inamovibles pendant leur mandat de sept ans. Elle est la plus haute juridiction en matière judiciaire et administrative.