Entre ordures et immondices, des jeunes mais aussi des personnes âgées fouinent dans les décharges de la capitale tchadienne pour trouver de quoi se faire un peu d’argent et subvenir à leurs besoins. Les N’Djamenois les appellent « les Django, Django ».

Ce matin du 20 juillet, le soleil vient d’apparaître sur le bassin de rétention d’eau du quartier Klémat, dans le 2ème arrondissement de N’Djamena. Les rayons de soleil brillants réveillent Adoum, la quarantaine révolue de son ghetto de fortune. L’homme est nu, avec une culotte arborant la partie intime de son corps chantonne dans sa langue natale. Ses compagnons sont encore plongés dans un sommeil, les moustiques et autres insectes dans ces arbustes les ont empêchés de dormir. Le confort, il n’y a pas ici. A peine réveillé, Adoum se met au travail. Dans une bassine usée, il colporte du bassin de rétention de l’eau.  Il coupe un morceau de sac, met du détergent dans l’eau, et rince les différentes bouteilles. « Je les lave, et je les transporte au marché. Nous ne vivons que de ça. Sans parent c’est difficile de vivre à N’Djaména » déclare, les mines serrées, cet orphelin de père et de mère.

Ils sont autour de ce bassin plus de cinq villages de fortune, chacun avec une dizaine de personnes. Leurs activités, parcourir chaque matin, les dépôts des ordures, et ramasser les objets usés et les réutiliser. Recyclage ? Ils ne s’y reconnaissent pas. Pour eux, ils ne sont que des revendeurs des objets utilisés. Si les « Django, Django » de bassin de Klémat partent à la rencontre des ordures, d’autres à N’Djaména vivent autour des décharges des déchets tant à l’intérieur de la ville que dans les périphéries.

Dans l’enceinte de l’hippodrome, c’est un marché autour de cette décharge. A la fois habitation et endroit pour faire les besoins biologiques. Des odeurs nauséabondes des déchets de tous genres, couplées aux odeurs des tas d’immondices rendent le lieu invivable. Mais les habitués, ne semblent pas se préoccuper de cette situation. Ici, les « habitants des ordures » sont organisés par « spécialité ». Tout autour, il y a ceux qui s’occupent des ferrailles, des bouteilles utilisées, et d’autres objets de tout genre. Sous un hangar de fortune, Idriss, range ses ferrailles pour les acheminer vers un atelier de soudure. « Dieu a voulu qu’on ne vive que de cette activité, on fait avec » se rechigne l’homme, au teint noir, très chétif.

Non loin de là, derrière le marché Ndombolo, longeant le mur de l’hippodrome, c’est un autre village des « exploitants » des déchets qui se dresse. A la première vue, s’approcher de ces personnes isolées, donne de la chair de poule. Mais ils sont plutôt ouverts. A cet endroit également ce sont les mêmes activités : « vivre des ordures ménagères ». « Les gens nous traitent des bandits, des colombiens, des django, django. Ils nous présentent comme des personnes dangereuses. Alors c’est la société qui nous oblige à nous isoler. Tes parents t’abandonnent. Tu n’as rien à manger. Tu es obligé de trouver un métier pour survivre », explique Alain, l’unique lettré de cette décharge, qui a abandonné l’école en classe de 5ème par faute de moyen après le décès de sa mère, l’unique qui le prenait en charge.

Idriss, Adoum, Alain, tout comme les autres rencontrés confient qu’il est difficile de vivre dans la poubelle pour survivre, mais ce sont les circonstances de la vie qui les obligent. La plupart de ces personnes rapportent avoir perdu des parents proches qui s’occupaient d’eux. Dans ces ordures, ils arrivent à avoir par jour entre 1 500 FCFA et 7 000 FCFA. « Avec la somme qu’on gagne dans cette activité, on mange avec et les restes il y en a parmi nous des gens qui ont des parents au village, ils leur envoient » informe Adoum.

L’exercice de ce métier autour des décharges des ordures se passent au vu et au su des autorités communales, du ministère de l’Action sociale et des organismes s’occupant des personnes vulnérables. « Nous estimons que nous sommes des oubliés de l’Etat » conclut Alain.