INTERVIEW – Travailleur de l’ombre, Mahamat Bodingar est pourtant l’homme de la seconde chance : il redonne des jambes aux victimes d’amputation au sein du Centre d’appareillage de Kabalaye.

Le bruit est assourdissant. Répétitif. Mais il ne semble pas déranger Mahamat Bodingar, le responsable du Centre d’appareillage et de rééducation de Kabalaye (Cark). Dans son bureau situé au dessus de l’atelier de fabrication des prothèses qui entremêle perceuse et ponceuse, l’homme d’une cinquantaine d’années examine chaque jour les dossiers des patients du centre. Il les signe et les retourne aux sept kinésithérapeutes et orthopédistes que compte le Cark depuis sa création en 1981 par l’archidiocèse de N’Djamena, juste après la guerre civile de 1979.

Ici, les patients victimes d’amputation y trouvent l’espoir de marcher à nouveau grâce à des prothèses fabriquées sur place. Longtemps en collaboration avec le Comité international de La Croix Rouge, le CARK fait face, seul, aujourd’hui à des difficultés financières. Comment fabriquer et fournir des prothèses à bas coût dans un pays où la majorité des habitants ne disposent pas d’assurance santé ? C’est le défi de Mahamat Bodingar qui tient à ce que les patients puissent avoir accès aux soins. Rencontre.

Pourquoi avoir créé le Cark ?

Le centre aide les personnes handicapées physiques à être autonomes, contribue à leur réinsertion sociale et professionnelle. Mais deux facteurs sont à l’origine du CARK. D’abord, la guerre civile de 1979-1980 qui a engendré de nombreux blessés et d’amputés. Mais aussi un nombre important d’enfants atteints par la poliomyélite.

Combien de patients recevez-vous par jour ?

Nous recevons par jour entre 30 et 80 patients au centre dans deux départements différents. Les personnes reçues sont atteintes de la méningite, paralysie, crise, accidentés de circulation, poliomyélite, IMC (Infirmité Motrice Cérébrale) mais aussi les victimes de mines et de guerre. Le centre s’occupe des personnes qui ont la difficulté de marcher et trouve aussi de solution à celles qui ont perdu l’un des membres supérieurs.

Dans un pays où les soins ne sont pas gratuits, est-ce que le centre prend la charge des patients ?

Nous favorisons les personnes handicapées démunies avec une prise en charge moins coûteuse. Parfois en deçà du coût réel de la fabrication de l’appareil. Nous travaillons souvent avec des matériels qui sont importés et nous coûtent chers. Par an, nous totalisons une soixantaine de millions de francs CFA. Une prothèse peut coûter jusqu’à 275 000 FCFA, mais on peut la fournir à 75 000 FCFA pour les patients démunis.

Peut-on retrouver une vie normale avec une prothèse ?

Depuis la création du centre il y a déjà une quarantaine d’années, beaucoup de nos patients ont retrouvé une vie normale. Avec chaque malade ou personne handicapée nous faisons tout pour qu’elle soit satisfaite. On lui montre comment utiliser les prothèses, comment bien les entretenir, on retape les prothèses quand elles sont usées.

Interview menée par Noukamna Dayam, stagiaire