HOMMAGE – Le corps de Mbaiguedem Richard a été enterré ce 15 mai. Camarades, amis et familles sont sortis pour rendre un dernier hommage à celui qu’il appelle désormais la « victime de la cruauté des hommes ». Circonstance qui a été émaillée de soulèvement.

Habillés en noir avec des pancartes en mains et quelques fois collées sur les engins, des centaines de jeunes du quartier Moursal, dans le 6e arrondissement de N’Djamena, se sont rassemblés en hommage à Mbaiguedem Richard. Sur une pancarte, on peut lire : « Victime de la cruauté des hommes ».

Pour rappel, Mbaiguedem Richard est décédé le 8 mai courant, à la suite d’une garde à vue de plus de 48 heures au commissariat de sécurité publique (CSP 6) de Moursal. Selon la famille, le jeune homme de 22 ans aurait été torturé. De son côté, la police n’a toujours pas communiqué.

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En attendant, proches comme habitants du quartier ont pris la route vers la morgue : du boulevard des Sao, en passant par l’avenue Mobutu. C’est un cortège majoritairement jeune qui s’est dirigé vers l’hôpital général de référence nationale. Une fois sur place, il a fallu quelques minutes seulement pour que le corps soit retiré de la morgue. Direction ? La maison familiale.

Photo : Adelph / Tchadinfos.com
La confrontation avec le groupement mobile d’intervention de la police (GMIP)

De la morgue, le cortège emprunte la voie passant devant la mairie centrale de N’Djamena. L’on peut entendre chants et klaxons sur l’avenue Mobutu. Arrivé au rond-point centenaire, le chauffeur décide de virer afin d’emprunter l’avenue Goukouni Weddeye. Il sera interpellé par les amis de la victime. « Nous devons prendre la grande voie. Il a voulu prendre un autre chemin par peur », explique un ami de Mbaiguedem Richard.

Symboliquement, les jeunes ont décidé de porter le cercueil sur leurs têtes jusqu’à ce qu’un autre véhicule vienne les trouver. Comme dans le film sud-africain Sarifina, les jeunes se mettent en route ; tout en criant. Un seul slogan : « Assassin, Police ! ». Jusqu’à quand est-ce que cela durera ? Pas pour longtemps. Devant le lycée Félix Eboué, la situation change. L’on constate tout d’un coup des tirs de gaz lacrymogène. La foule se disperse, laissant hagard les jeunes porteurs du corps de Richard. Un véhicule viendra prendre le corps pour l’emmener à la maison familiale.

Sous « l’arbre à palabre »

Le corps sera finalement déposé sous « l’arbre à palabre », un lieu hautement symbolique pour les jeunes du quartier. C’est ici qu’ils se rassemblent pour jouer et causer. Chants, visite de corps, témoignages sont les moments fort des funérailles. Tour à tour, les amis, familles et camarades de Mbaiguedem alias « Sheney » témoigneront. « Courageux » pour les uns, « combattant » pour les autres.

Il est midi sous une chaleur extrême, pendant une période de ramadan. Les tensions montent. Pour éviter que la situation ne dégénère, le corps de Mbaiguedem Richard est rapidement enterré au cimetière de Toukra.

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Levé à midi, le cortège n’arrive qu’à 14 heures au cimetière de Toukra. Mais avant cela, un groupe des jeunes, attroupé afin de couper la circulation pour que le cortège passe, a été dispersé par des tirs de gaz lacrymogène. Sans le dire, l’on sait que c’est l’œuvre du GMIP.  On enterre le corps et tout prend fin. Mais vraiment ? Sur le chemin du retour, un lourd dispositif policier s’installe au rond-point Walia. Cette situation crée un embouteillage : « Bloqués, nous sommes », confie un voisin de la victime.  

Le soulevement à Moursal

Les arrestations ont commencé vers l’entrée de Toukra. Une raison : les jeunes auraient brulé la moto d’un policier en allant au cimetière. Lors du retour, un lourd dispositif policier est mis en place afin de maintenir l’ordre. Circulation bloquée. Que faire ? Il faut, tout compte fait, rentrer à Moursal. Le cortège voulant se créer une allée se trouve nez à nez avec les éléments du GMIP. Comme un « un chien et chat », une altercation commence et « bonjour les dégâts ». Bousculades, débandade et chacun prend sa poudre d’escampette.  Environ sept jeunes ont été arrêtés. D’autres se dispersent au quartier Walia.

De retour du cimetière, le boulevard des Sao a été tout de suite pris d’assaut par les jeunes dudit quartier. Ces derniers manifestent leur colère suite à l’arrestation de leurs confrères. Comme précédemment, ils ont été dispersés par le groupement mobile d’intervention de la police. C’est sur une avenue bien bouclée que chacun sort de chez lui pour observer, comme aux défilés du 11 août, les policiers roulés dans tous les sens. Comme quoi, la mort et l’enterrement de Mbaiguedem Richard a été un événement marquant pour les habitants de Moursal et les unités d’intervention de la police.

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