Il n’y aura peut-être pas un procès opposant Didier Lalaye à Djiddi Ali Sougoudi. En janvier dernier, le médecin et artiste, populaire sur les réseaux sociaux, a saisi le parquet général près la Cour d’appel de N’Djaména d’une plainte contre l’actuel secrétaire d’Etat à la Santé publique et à la Solidarité nationale.

Didier Lalaye reproche à cette autorité sanitaire au clavier facile des faits de « diffamation et d’injure commises autrement que par voie de presse ». « Dans un post publié sur son compte Facebook (…) en date du 04 janvier 2021 aux environs de 06 heures et 06 minutes, Dr Djiddi Ali Sougoudi s’est permis de verser dans une dénonciation accusatoire sans aucune réserve ni preuve à l’appui pour finir par proférer des menaces à mon égard », a-t-il relaté dans sa plainte dont la rédaction de Tchadinfos a eu copie.

Et de poursuivre : « Dans ce post incriminé que le ministère de Maître Nguenan Victor Nangmbatenan, huissier de Justice, a procédé au constat et en a dressé procès-verbal (…) on pouvait lire : ‘’Didier Lalaye ou Slammeur Croquemort, tu ne peux pas me traiter de faire la politique du ventre sur ton post et surtout pas toi qui fus suspendu de la faculté de Médecine pendant 2 ans pour votre appartenance dans une clique d’étudiants cupides et solidaires ayant commis une interruption volontaire de grossesse au HGNR. Tu restes poursuivable, toi et ta clique qui ont juste bénéficié d’exclusion ou renvois temporaires. Je n’ai jamais fait partie des étudiants qui achetaient des motos avec des délits divers dont les IGV en milieu médical !!!…. Didier Lalaye, tu vas me payer cher ton ingratitude et tes insultes : ne te crois pas venu si haut car les casseroles vont te poursuivre’’ ».  

Sept mois plus tard, la plainte enregistrée au parquet général le 11 janvier 2021 n’a connu aucune suite. Le plaignant n’a pas été appelé pour être entendu comme c’est souvent le cas. De sources judiciaires, quand bien même les faits ont été commis hors de l’exercice de ses fonctions, le parquet général, qui détient l’opportunité de poursuite selon le jargon judiciaire, aurait décidé de classer l’affaire sans suite en raison du statut de membre du gouvernement de Dr Djiddi Ali Sougoudi, qui n’avait pas attendu avant de supprimer son post polémique.

Il faut rappeler que selon la loi tchadienne, la poursuite en justice d’une infraction reprochée à un membre du gouvernement suit une procédure spéciale. Que ladite infraction, hormis le cas de haute trahison, ait été commise dans ou hors de l’exercice de ses fonctions, la poursuite ne peut être déclenchée que si la Cour suprême, la plus haute juridiction nationale, saisie pour la cause par le parquet général, le veut. Selon d’autres sources, il arrive souvent que les dénonciations visant un membre du gouvernement soient soigneusement gardées « au frais » pour être utilisées contre lui au moment opportun.

L’avocat de Didier Lalaye, Me Ndilyam Mouadjimtog, joint par téléphone, affirme qu’il ne leur a pas été notifié que l’affaire est classée sans suite. Il explique que, comme c’est un membre du gouvernement qui est mis en cause, ils ont adressé la plainte au procureur général conformément au code de procédure pénale, à lui de transmettre la plainte au président de la Cour suprême qui décidera à son tour, soit de nommer un juge instructeur pour ouvrir une information judiciaire ou d’orienter le dossier à la police judiciaire pour l’enquête préliminaire. Mais, informe-t-il, “le procureur nous a perdu énormément de temps pour dire qu’il ne peut pas le faire, à moins que le ministre de la Justice ne lui donne l’autorisation alors qu’aucune disposition du code de procédure pénale ne lui enjoint de demander l’autorisation du ministre de la Justice avant de transmettre la plainte à la Cour suprême“.

Me Ndilyam Mouadjimtog indique qu’ils ont saisi le ministre de l’époque Djimet Arabi qui a orienté le dossier à l’inspection générale de la justice. Cette dernière a, à son tour, enjoint le procureur général de transmettre la plainte à la Cour suprême. “On attend jusque-là la décision de la Cour suprême. Rien du point de vue de la loi ne peut expliquer ce délai long. Au niveau pénal, rien n’empêche de mettre en cause un ministre, il doit se justifier. C’est une procédure qui, normalement, devrait être ordinaire mais les gens sont en train de la rendre extraordinaire parce qu’en face c’est un ministre“, déplore l’avocat.