La violence est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme étant « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ». Cette définition inclut tous les types et toutes les formes de violence. Elle met en lumière les conséquences de la violence sur la santé physique et mentale des victimes.

Au Tchad, de nombreux hommes subissent des violences, parfois fatales, de la part de leurs épouses, compagnes, concubines, belles-familles, etc. Cependant, ces victimes restent souvent silencieuses.

Selon Djedanoum Rodolphe, un citoyen, les violences faites aux hommes sont un phénomène réel mais souvent méconnu. « Les hommes hésitent à dénoncer les violences qu’ils subissent à cause des stéréotypes sociaux et de la honte. La culture de la virilité peut les pousser à cacher leurs émotions et à ne pas montrer leurs vulnérabilités », fait-il observer.

Pour Gbeuzira Sougnabé Luther, beaucoup d’hommes préfèrent garder le silence par crainte de railleries ou d’humiliation de la part de leurs proches ou même des autorités. « Ils ont peur de ne pas être crus, car la société a du mal à imaginer qu’un homme puisse être victime de violence, surtout face à une femme ».

De son côté, Abdelrazak Doungouss met en avant le rôle de l’égo dans ce silence. « Dans nos sociétés, l’homme se croit supérieur à la femme. Donc, pour lui, dénoncer cette pratique va à l’encontre de l’image traditionnelle de la masculinité », souligne-t-il.

Cherif Bourdanné Sobdibé aborde également l’impact des stéréotypes : « La société actuelle associe souvent la virilité à la force, à l’invulnérabilité et à la domination. Les hommes craignent d’être perçus comme faibles, efféminés ou incapables de se défendre s’ils révèlent qu’ils sont victimes de violences basées sur le genre (VBG) ».

Pour aller plus loin, il existe un manque criant de services adaptés pour les hommes victimes de violences. Les structures d’aide aux victimes de VBG sont majoritairement axées sur les femmes, rendant les hommes moins enclins à chercher de l’aide. Par ailleurs, les programmes spécifiquement conçus pour répondre aux besoins des hommes victimes de violence sont rares.

Dorlica Rarikingar, présidente de l’Association tchadienne des étudiantes filles mères et étudiante en troisième année de droit privé, évoque plusieurs facteurs qui dissuadent les hommes de dénoncer les violences. Selon elle, les normes sociales et culturelles poussent les hommes à ressentir de la honte ou de l’embarras à se déclarer victimes. Certains craignent que leur témoignage ne soit pas pris au sérieux à cause des stéréotypes associant toujours les hommes aux agresseurs. Les victimes redoutent également des répercussions telles que l’isolement social, la perte d’emploi ou des représailles de la part de l’agresseur.

L’absence de ressources et de réseaux de soutien pour les hommes victimes limite leur capacité à se manifester. Par ailleurs, les récits médiatiques et sociaux se concentrent souvent sur les femmes victimes, créant un sentiment d’isolement chez les hommes. Enfin, les attentes liées à la masculinité découragent les hommes de chercher de l’aide, car cela peut être perçu comme un signe de faiblesse.

Ces témoignages et analyses révèlent que les violences faites aux hommes, bien que réelles, restent encore largement méconnues et peu prises en charge au Tchad. Pour faire face à ce phénomène, il est nécessaire de développer des services inclusifs, d’encourager les dénonciations et de remettre en question les normes sociales qui empêchent les victimes de s’exprimer.

Ndilnodji Stéphane