Les chambres africaines extraordinaires chargées de juger Hissène Habré au sein du système judiciaire sénégalais vont être officiellement inaugurées ce vendredi 8 février 2013 à Dakar. Le procès en tant que tel n’est pas pour tout de suite. Une instruction de 15 mois doit démarrer prochainement. Mais pour les victimes de l’ancien président tchadien – réfugié au Sénégal depuis la chute de son régime en 1990 -, une étape importante est sur le point d’être franchie, après treize ans de feuilleton politico-judiciaire à rebondissements.

Avec notre correspondante à Dakar, Carine Frenk

Une cérémonie solennelle pour marquer l’évènement : c’est la 1e fois en Afrique que les tribunaux d’un pays vont juger des atrocités commises dans un autre pays.

Au sein des juridictions sénégalaises, deux chambres extraordinaires sont d’ores et déjà mises en place : une chambre d’instruction et une chambre d’accusation. Quatorze magistrats sénégalais ont été désignés par le gouvernement du Sénégal.

Les deux autres chambres (la chambre d’assises qui pourra juger l’ancien président tchadien en 1e instance, et la chambre d’appel) ne seront quant à elle installées que si procès il y a. Car Hissène Habré est présumé innocent. Il peut encore bénéficier d’un non-lieu.

Selon une bonne source, le procureur devrait ouvrir son enquête dès la semaine prochaine. Il pourrait rapidement se rendre en Belgique pour récupérer le dossier Habré assemblé par la justice belge, « et c’est un dossier étayé et volumineux », à en croire cette source. L’équipe des juges d’instruction se déplacera ensuite au Tchad pour ses investigations.

Aucune date n’est encore fixée pour le procès. Mais il est prévu quinze mois maximum pour l’instruction et sept mois pour le procès, dont cinq pour les audiences. Encore cinq mois supplémentaires sont prévus pour les procédures d’appel.

En tout cas, le financement est bouclé : 7,4 millions d’euros (4,8 milliards de francs CFA). Les principaux contributeurs sont le Tchad, l’Union européenne, les Pays-Bas, l’Union africaine, l’Allemagne, la Belgique et la France.

TREIZE LONGUES ANNÉES D’ATTENTE POUR LES VICTIMES
Quand les victimes d’Hissène Habré déposent une première plainte au Sénégal début 2000, l’ancien président tchadien est alors inculpé. Mais très vite, les poursuites sont annulées. La justice sénégalaise se déclare incompétente.

Les victimes se tournent alors vers la justice belge. En 2005, le juge belge demande l’extradition. Mais une nouvelle fois, le juge sénégalais se déclare incompétent pour statuer.

Le sort d’Hissène Habré est tranché en juillet 2006, quand l’Union africaine demande au Sénégal de le juger « au nom de l’Afrique ». Mais la question du financement du procès pose encore problème. Les négociations s’enlisent, et quand finalement un accord est trouvé, il y a un nouveau blocage. La cour de justice de la Cédéao décide en effet qu’Hissène Habré devra être jugé par « une juridiction spéciale à caractère international ». Et le Sénégal rejette le projet de chambres spéciales proposé par l’UA au sein du système judiciaire sénégalais.

En juillet 2011, nouveau coup de théâtre : Dakar menace d’expulser M. Habré vers le Tchad. Tollé général. Quelques jours après, le Sénégal fait marche arrière mais exclut l’option d’un jugement d’Hissène Habré sur son territoire. C’est la victoire de Macky Sall à la présidentielle de mars 2012 qui change finalement la donne.

 

Source : RFI