Pour tenter de justifier le délestage pendant cette période, la Société nationale d’électricité (Sne) a accusé son partenaire écossais de sabotage. Mais à y voir de très près, entre mauvaise gestion et laisser-aller, c’est la relation entre les deux sociétés qui demande à être assainie.

Le torchon brûle entre la Société nationale d’électricité (SNE) et Aggreko. Lassée d’être invectivée sur les réseaux sociaux pour son incapacité à fournir l’électricité en cette période d’intense chaleur, la Sne a fait une sortie inhabituelle pour accuser son partenaire de saboter ses efforts tendant à satisfaire les besoins des clients. « La SNE, votre société d’électricité, a publié plusieurs communiqués pour préparer l’arrivée de la période caniculaire. Elle a cherché à maintenir l’approvisionnement de l’électricité pour l’ensemble de ses usagers. Malheureusement, sans ménagement aucun, notre partenaire Aggreko a suspendu, de manière unilatérale, la fourniture de l’électricité à la SNE. Ce geste inamical handicape l’exploitation. La continuité du service public assurée par la SNE s’en trouve estompée », a-t-elle dénoncé, la Sne, dans un communiqué publié sur Facebook. Effectivement, depuis qu’il a commencé à faire très chaud, le délestage a repris comme chaque année. Au grand dam de quelques ménages et commerces, qui fonctionnent grâce à l’énergie, quoique rare, de la SNE.    

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De son côté, Aggreko justifie (elle ne l’a pas dit officiellement) avoir cessé la production à cause des impayés. Si l’on ignore combien la Sne lui doit présentement, en janvier 2020, ses factures s’élevaient à 1 milliard 712 millions de francs. Après une cessation d’activité de près de trois ans (fin 2016 à juin 2019), la SNE s’est engagée, par accord signé le 20 juin 2019, à les régler de façon échelonnée. Mais toujours est-il que, réputée mauvaise en affaires, la Sne n’a pas honoré son engagement. Et, pour l’y obliger, Aggreko a trouvé un moyen peu orthodoxe : arrêter (sans prévenir selon la SNE), pendant chaque période de canicule, toute production. Quitte à punir toute une population.

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Aggreko, il faut le rappeler, est une société écossaise, qui s’est installée au Tchad en 2013 et a signé un contrat pour produire 20 mégawatts pour le compte de la Sne. C’est en octobre 2014 qu’elle démarre véritablement. Tout avait été facilité sous la direction de l’actuel ministre du Pétrole, déjà au poste à l’époque. « La centrale électrique d’Aggreko nous fournira la possibilité et le temps dont nous avons besoin pour régler les problèmes d’approvisionnement en électricité qui touche N’Djaména », avait déclaré Djerassem Le Bemadjiel dans un communiqué repris par Aggreko en 2013.

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Mais, après huit ans, le bilan du partenariat entre la Sne et Aggreko est plus que mitigé. Puisque l’Etat, le plus gros client de la Sne, ne paie pas ses factures, qui grimpent parfois à 100 milliards de francs par an, à son tour, celle-ci n’arrive pas à payer régulièrement les prestations de ses partenaires Vpower et Aggreko. Des partenaires aussi peu clean que la Sne. Car à l’issue d’une enquête dont le rapport (la rédaction a eu copie) ne sera jamais rendu public [et Dieu seul sait pourquoi], l’Inspection générale d’État (IGE) a adressé une kyrielle de reproches à Aggreko. Elle lui a reproché de n’avoir ni une représentation légale au Tchad, ni un numéro d’identification fiscale (NIF), ni fait enregistrer son contrat. Elle avait également relevé qu’Aggreko émettait « des factures pour la période de non production »  et des factures pour 20 mégawats alors qu’elle en produisait moins….

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En ce moment où les usagers sont vent débout pour demander le changement, il apparaît urgent pour les autorités de transition de faire auditer les relations entre la SNE et ses partenaires qui, paraît-il, bénéficieraient des exonérations fiscales mais privent toujours la population d’électricité. C’est le seul moyen pouvant permettre de fonder une société d’énergie plus fonctionnelle.