Depuis novembre 2021, la compagnie Tchadia Airlines est à l’arrêt. Le partenaire Ethiopian Airlines a ramené l’unique avion en Ethiopie pour une révision. Mais en réalité, le ver était dans le fruit depuis le début de l’aventure.

Après la disparition de Toumaï air Tchad, une nouvelle compagnie, Tchadia Airlines a été fondée en août 2018. C’est le fruit d’un partenariat entre l’Etat tchadien (51%) et la compagnie Ethiopian Airlines qui détient 49% des parts et en assure la direction.

Des techniciens ont élevé la voix pour dénoncer la posture « hégémonique » et le comportement de « conquérants » des Ethiopiens. Aujourd’hui, l’histoire semble leur donner raison. Depuis quatre mois, l’unique avion de Tchadia, ramené en Ethiopie pour une révision, n’est plus revenu.

Un spécialiste du domaine de l’aviation qui s’est confié à nous sous le couvert de l’anonymat estime que les bases du partenariat ont été mal posées dès le début. Ethiopian Airlines, compte tenu de sa renommée, a été reçu par le défunt maréchal pour aider le Tchad à bâtir une nouvelle compagnie aérienne après la disparition de Toumaï Air Tchad. Après l’accord politique du chef de l’Etat, le partenaire a présenté son business plan et les conditionnalités de sa participation. Dans ce partenariat, relate notre interlocuteur, le Tchad a versé en espèce sa part des 51% alors qu’Ethiopian de son côté mis à disposition son avion que le Tchad louait (un deuxième avion était prévu mais il n’est jamais venu) et son expertise.

Lire aussi : Tchad : quatre villes tchadiennes seront desservies par Tchadia Airlines

« Nous avons tout laissé entre leurs mains, ils avaient d’autres agendas, ce n’est pas pour aider le Tchad », confie notre source. En effet, explique-t-elle, au lieu que ce soit le Tchad qui détient la majorité des parts qui nomme le directeur général et les responsables à certains postes où il y a des nationaux qualifiés (les postes techniques pour lesquels le pays ne dispose pas de compétences devant revenir au partenaire), le partenaire a fait pression au niveau politique, obtenait des passe-droits, foulant au pied l’instance technique à savoir l’Autorité de l’aviation civile (ADAC) pour avoir carte blanche afin de gérer la compagnie tout seul.

Plus prédateur que partenaire

Pour cet expert, Ethiopian Airlines s’est comporté plus en un « prédateur qu’un partenaire ».  « Ils ont vite détecté, par rapport au score du taux de conformité, que le Tchad était en difficulté du point de vue de l’aviation civile. Donc au lieu d’aider le Tchad à se relever, ils l’ont écrasé », explique ce spécialiste. La gestion quotidienne se faisait au siège du partenaire. Ils ne rendaient pas compte. Tout s’est passé au niveau du partenaire, insiste-t-il.

L’expert analyse que le but d’Ethiopian Airlines n’était donc pas d’aider le Tchad à monter une compagnie aérienne mais de gagner le marché tchadien, surtout celui du Hadj qui fait voyager des milliers de pèlerins chaque année.

Lire aussi : Tchad : Tchadia airlines a encore eu des problèmes en plein vol

Notre interlocuteur martèle que la révision de l’avion évoquée est un prétexte. « Les révisions des avions sont des phases programmées. Comment se font-ils surprendre ? Même si c’est le cas, ils devraient faire venir un avion de relais. C’est un retrait purement et simplement pour faire du chantage, faire pression sur le gouvernement tchadien ». Ce retrait permet également à Asky, dont Ethiopian Airlines est aussi actionnaire, d’avoir le monopole de la ligne N’Djamena-Douala, confie notre source.

L’eau qui a fait déborder le vase est la Covid-19. A la reprise, après la fermeture des aéroports, Tchadia a demandé une somme d’un milliard au gouvernement pour compenser les effets de la pandémie. Mais le gouvernement a demandé à la compagnie de présenter son rapport, ce qui permettra d’évaluer à quel point la compagnie a été impactée par la Covid-19 en vue d’une éventuelle allocation. Ce que la compagnie n’a pas fait, précise ce spécialiste de l’aviation.

Pour lui, l’aventure avec Ethiopian c’est du passé. Il faut trouver une autre solution. Et pour cela, il exhorte les décideurs à consulter les professionnels du domaine.