Décidément, le Général Mahamat Idriss Deby Itno, Président du Conseil militaire de transition semble mener la réforme de la grande muette à marche forcée. Après la revalorisation de l’indice salarial, les mesures disciplinaires, c’est à l’une des anomalies tant décriées au sein de l’armée que s’attaque le jeune général, à savoir les nominations à titre exceptionnel et autres sans respect des normes et procédures de l’armée.

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Il n’est un secret pour personne que l’armée tchadienne bat des records en termes de grades et avancements. Si le Livre Guinness des records se penchait sur ce cas, on va certainement caracoler en tête sur le plan de grades accordés et ascension rapide. Il n’est pas rare de voir un jeune qui n’a même pas cinq ans de service passer de soldat à commandant voir colonel, en un temps record, et cela en totale violation des règles de l’art. Par le passé, on a eu à voir des civils bombardés généraux, sous le bon office de la générosité légendaire du feu Maréchal du Tchad, Idriss Deby Itno. Son fils qui lui a succédé, militaire de carrière, semble vouloir mettre de l’ordre dans les rangs de l’armée.  

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En réalité, ces ascensions fulgurantes sont quasiment impossibles dans une armée dite normale. Partout dans le monde, l’armée est l’institution la plus normée d’un pays. Et dans ses rangs, tout avancement répond à des normes et règles strictes dont la base est le mérite et la compétence et accessoirement des faits d’armes de bravoure, courage, sacrifice, etc. Le décret mettant en place une commission nationale chargée d’avancement des militaires des forces de défense et de sécurité signé par le PCMT à la veille de Noël, rappelle, en son chapitre 3, les modalités d’avancement. D’entrée de jeu, le ton est donné, « l’avancement des militaires des forces de défense et de sécurité est effectué sur dossier ». On va dire que ce sera une première depuis des années que cette procédure sera respectée.

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On le sait tous, c’est dans la plupart des cas sur proposition d’un proche ou un bienfaiteur haut placé que cela se joue. La dernière vague d’avancement massif est faite à la suite de l’opération colère de Bohoma, qu’on peut qualifier d’exceptionnel puisque cela était une récompense pour acte de bravoure. Fait rarissime, dans la foulée, plusieurs hommes en tenue ayant pris part à la mission ont bénéficié de grades et autres avancements. De mauvaises langues vont jusqu’à dire qu’un collègue journaliste ayant couvert l’opération ait été gratifié du grade de commandant, ça reste à vérifier. Soit ! Les militaires devront, désormais, pour bénéficier d’un quelconque avancement soumettre un dossier en bonne et due forme à ladite commission.

À l’annonce de la nouvelle, nous avons tenté de joindre quelques officiers pour prendre leur réaction. À première vue d’œil, la nouvelle semble être bien accueillie par tous, « ce n’est que Justice » fait savoir l’officier Ahmat, 42 ans de carrière, capitaine de son état. Gabriel, sergent instructeur, 22 ans de service, de renchérir « fini le piston ». Et de continuer : « J’ai formé un nombre important de cadets qui aujourd’hui, par la force des choses, je suis devenu leur cadet. Avec cette décision, il y a espoir, je vais constituer rapidement mon dossier. »

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Du côté de l’État-major, on nous rassure que c’est assez sérieux, que le projet tient à cœur le PCMT. Depuis les évènements tragiques de 1979, l’armée a été déstructurée, la logique qui voudrait que les avancements d’échelon s’effectuent chaque deux ans jusqu’au dernier échelon n’est pas respectée ; l’avancement en grade qui répond à des critères inscrits sur un tableau d’avancement bien défini n’est pas respecté ; la proposition de nomination suivant un palier hiérarchisé (ordre général, ordre spécifique, arrêté, décret) n’est pas respectée. Tout ça, c’est fini, nous fait-on savoir, « retour aux fondamentaux ! ».  

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Un tel acte, ne peut-être que salué dans un pays où l’armée jouit d’une place prépondérante, elle suscite des vocations et fait office de pourvoyeur d’emploi pour des milliers de jeunes. Cependant, elle patine depuis des années par manque de rigueur et de volonté politique de faire changer les choses. Comme pour l’annonce demandant aux ministres de procéder aux nominations sur la base de compétences, nous ne pouvons que dire, WAIT AND SEE !