En marge de la manifestation de la plateforme Wakit Tamma du 14 mai, des troubles ont eu lieu. En soirée, des leaders de cette marche ont été arrêtées. Ces arrestations sont-elles légales ? Explications de Me Yonoudjim Yannick, avocat au Barreau du Tchad.   

Les membres et sympathisants de Wakit Tamma ont marché contre la politique française au Tchad, sur l’itinéraire allant du rond-point 2e station au rond-point Sonasut. Après cette manifestation, des stations de l’entreprise Total ont notamment été vandalisées. « Si on s’en tient à l’arrêté qui a autorisé cette manifestation, il y a un itinéraire qui a été tracé. Il me semble que cet itinéraire a été observé. Même s’il y a eu des marches qui ont eu lieu dans d’autres endroits de la ville. Les troubles ont eu lieu en dehors de l’itinéraire », rappelle Me Yonoudjim Yannick.

Dans ces conditions, l’avocat estime que l’attribution de la responsabilité de ces troubles aux leaders de la marche est ouverte au débat. « Je ne dis pas que les leaders de Wakit Tamma ne seraient pas responsables. Si davantage cette affaire se retrouve en justice, il appartiendra au juge de l’apprécier.  A mon avis, si ces troubles et casses étaient survenus sur l’itinéraire indiqué, on pourrait engager la responsabilité de ces leaders. Comme c’est en dehors de l’itinéraire, leur responsabilité est discutable », ajoute-t-il,  justifiant éventuellement leur arrestation à des fins d’enquête.

En matière pénale, la responsabilité est personnelle. « S’il y a des preuves établies, on pourrait  le comprendre. Mais s’il n’y a pas de preuve, comment est-ce qu’on peut engager la responsabilité d’un leader ? quand bien même qu’un leader qui appelle à une manifestation, du point de vue moral, on peut engager sa responsabilité », explique Yonoudjim Yannick.

En outre, Me  Yonoudjim Yannick estime que depuis la mise en place du Conseil militaire de transition (CMT),  le régime juridique qui encadre les manifestations n’est pas légal.  « Il faut relever que depuis la survenance de la transition politique, malheureusement, les manifestations sont encadrées par un communiqué qui date du 7 mai 2021. Je veux relever que quand on parle de manifestation pacifique, il s’agit d’un droit fondamental. Ainsi, cela ne devrait pas être encadré par un communiqué moins encore par un acte règlementaire mais plutôt par une loi. Un communiqué n’a pas une valeur juridique ».

Quid du décret n°196 du 6 novembre 1962 portant règlementation des manifestations publiques   ? « Ce décret est caduc. Ce texte ne reflète pas nos réalités. Il y a une nécessité d’actualiser le cadre juridique mais ce n’est pas le cas », tranche-t-il.  

Aux dernières nouvelles, les leaders impliqués dans la marche du 14 mai ont été placés sous mandat de dépôt par le procureur de la République près le tribunal de N’Djamena. Le parquetier leur reproche des troubles à l’ordre public et des atteintes aux biens et à l’intégrité corporelle.