N’DJAMENA, 24 mai (Xinhua) — Au Tchad, la prise en charge des femmes victimes des fistules obstétricales a connu un progrès remarquable ces dernières années. Mais le gouvernement et ses partenaires ne baissent pas la garde devant un mal favorisé par les pesanteurs socioculturelles et le manque d’information et d’éducation.

“Grâce à l’implication de la Première dame, du gouvernement et de nos partenaires, la prise en charge des femmes victimes de fistules obstétricales s’est nettement améliorée dans notre pays”, déclare Dr Ngariera Rimadjita, ministre tchadien de la Santé publique, de l’Action sociale et de la Solidarité nationale.

“En effet, l’émergence du Centre national de la santé de la reproduction et du traitement des fistules obstétricales, qui a pour vocation à devenir un Centre régional de prise en charge des fistules, est une avancée notable”, précise-t-il.

Mamadou Dicko, représentant du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) au Tchad, se félicite également des résultats obtenus sur le plan national : 308 patientes opérées en 2011 avec un taux de guérison de plus de 82%, 404 patientes en 2012 pour un taux de guérison de 81%. “En 2013, rien qu’au Centre national de prise en charge de la fistule, 135 patientes ont été prises en charge. Les antennes mises en place en 2012 à Sarh et à Moundou, les deux grandes villes du sud du pays, ont pu opérer 36 femmes au cours de trois missions de traitement et de formation par le Programme national de lutte contre la fistule obstétricale, avec l’appui de l’UNFPA”, ajoute-t-il.

Mais en dépit de ces résultats et des efforts continuellement déployés par les pouvoirs publics tchadiens et leurs partenaires sanitaires et sociaux, “on est encore loin de venir à bout de ce mal qui gagne largement le terrain”, relativise Mme Hinda Déby Itno, Première dame du Tchad et marraine de la lutte contre la fistule obstétricale.

“Les tabous et les pesanteurs socioculturelles demeurent encore les terreaux favorables, sinon les champs de prédilection de la fistule obstétricale. A ce comportement déplorable de la société, s’ajoute le déficit d’information et de sensibilisation dans certains milieux, pour ne pas dire l’absence de communication qui contribue grandement aux mariages précoces et aux grossesses rapprochées, sources principales de ce handicap”, explique-t-elle.

Au Tchad où le taux d’alphabétisation est des plus bas sur le continent, la fistule constitue réellement une tragédie à de nombreux égards. En plus des lésions physiques, les femmes victimes de la fistule en viennent souvent à connaître de graves problèmes sociaux dont le divorce. Elles sont rejetées par leurs maris, par leurs familles ou par toute la société. Elles sont tenues à l’écart de toutes les activités, même religieuses.

Pour parvenir à des performances éloquentes en matière de prévention, de prise en charge et de suivi régulier, Mme Hinda Déby Itno appelle à une révolution des mentalités en mettant un accent particulier sur l’information, l’éducation et la communication. “Les parents cloisonnés dans leurs habitudes ancestrales, dans leurs traditions rétrogrades, ont besoin des spécialistes du domaine pour les sortir de l’ignorance et éviter ainsi de donner leurs filles en mariage avant l’âge requis. Si les parents ont été à l’école ou ont été formés, ils auraient mieux contribué à l’éducation et à la scolarisation de leurs progénitures. Si les filles ont été scolarisées, elles auraient pu convaincre leurs parents et éviter le mariage précoce ou le mariage arrangé, source de plusieurs handicaps”, soutient-elle.

“Une fistule est une communication anormale entre l’appareil génital et l’appareil urinaire de la femme. Ainsi, les urines sont détournées de leur voie d’écoulement normale de miction et coulent en permanence par la voie génitale”, explique Dr Aché Haroun Seid, gynécologue obstétricienne, coordinatrice du Programme national de lutte contre la fistule obstétricale au Tchad et responsable du Centre national de prise en charge.

Selon elle, les femmes qui vivent dans les zones rurales sont les plus exposées, à plus de 90%. Jeunes, pauvres et illettrées, elles ont un accès limité aux soins médicaux. Beaucoup d’entre elles n’ont pas recours aux services de traitement, soit parce qu’elles ne savent pas que la fistule peut être guérie, soit parce qu’elles ne peuvent pas honorer le coût de l’opération.

La Stratégie nationale a ainsi prévu sept centres de prise en charge de la fistule à travers tout le pays. Mis à part le Centre national de N’Djaména, quatre autres fonctionnent à Abéché (à l’Est) et à Mao (au Centre-Ouest), et Moundou et Sarh (au Sud). Ces quatre centres secondaires opèrent les fistules simples, mais les cas compliqués sont orientés vers le Centre de N’Djaména.

Mme Hinda Déby Itno veut voir des centres de traitement de fistule dans différentes régions du pays “pour rapprocher les services des bénéficiaires et alléger les charges des familles obligées de se déplacer dans la capitale”. “Je me battrai de toutes mes forces et avec l’appui du chef de l’Etat et des partenaires, pour contribuer à abréger les souffrances de mes sœurs et leur redonner le sourire”, conclut-elle.