N’DJAMENA, 16 mars (Xinhua) — Depuis plusieurs années, le gouvernement tchadien peine à assainir le secteur pharmaceutique, envahi par l’informel qui propose des produits moins chers mais parfois de contrefaçon. Les mesures se succèdent, sans grand succès.

Fin février 2013, une mission composée de trois équipes pluridisciplinaires et coordonnée par l’Inspection générale du ministère tchadien de la Santé publique, avait été déployée dans les dix arrondissements de la capitale, pour vérifier la régularité des établissements sanitaires, notamment les pharmacies, vis-à-vis de la réglementation en vigueur.

Elle devrait également s’assurer que l’exercice de la pharmacie est fait de façon acceptable quant aux bonnes pratiques de conservation des produits ainsi que les pratiques des soins dans les cliniques, les cabinets et les laboratoires. Elle devrait, enfin, contrôler que les produits vendus sont dûment autorisés.

Les résultats de cette mission de contrôle ont montré que beaucoup de ces établissements sanitaires privés fonctionnent quelques fois sans personnels qualifiés, voire sans autorisation du ministère de la Santé publique. Les médicaments dispensés dans certains établissements sont d’origines diverses et toutes les classes thérapeutiques sont vendues dans les dépôts pharmaceutiques.

Sur les 286 établissements sanitaires privés contrôlés, 106 sont en situation irrégulière: 88 doivent être définitivement fermés et les 18 autres mis en demeure de régulariser leur situation avant de rouvrir leurs portes.

La mission a également recommandé au gouvernement de définir clairement les critères d’autorisation d’ouverture des officines de pharmacie, cabinets médicaux et cliniques médico-chirurgicales d’un commun accord avec les différents ordres; de fixer et harmoniser les prix des médicaments et la tarification des actes médicaux, d’éradiquer les ventes illicites des médicaments; etc.

L’ouverture d’une pharmacie ou d’un cabinet, au Tchad, est pourtant soumise à des conditions déterminées par les textes de la République. Ainsi, seul un médecin est habilité à ouvrir une pharmacie ou un cabinet médical, selon la loi n°24 du 24 novembre 2000 relative à la pharmacie.

Le Tchad compte une cinquantaine de pharmaciens formés dont plus de la moitié sont installées dans la capitale. Avec une population estimée à près de 12 millions d’habitants, le ratio est d’un pharmacien pour 240.000 habitants, alors que la norme internationale voudrait qu’il y ait un pharmacien pour 20.000 habitants.

Face à ce vide, de nombreux individus, sans aucune formation en pharmacie ou en médecine générale, se sont mis à ouvrir des ” pharmacies par terre” dans les marchés, autour des structures sanitaires ou au bord des rues. Dans leurs échoppes, ces “Dr Choukou” ou “Dr Djim” (comme on les appelle couramment ici) proposent au consommateur des produits pharmaceutiques de toutes sortes, avec ou sans ordonnance médicale.

Fin 2011, les autorités nationales ont saisi et incinéré plusieurs tonnes des produits vendus dans ces pharmacies informelles. Elles ont même interdit leurs activités. Mais à peine les ministres de la Sécurité et la Santé publique ont-ils tourné leurs talons, les “Dr Choukou” et “Dr Djim” ont repris du service, et de plus belle.

Aujourd’hui, les “pharmacies par terre” font une concurrence très rude aux officines formelles, au pont d’irriter Dr Masna Raksala, président de l’Ordre des pharmaciens au Tchad. “La population a le plus souvent recours à ces Dr Choukou ou Djim, tout simplement parce qu’elle pense que leurs médicaments sont moins chers. Mais les médicaments vendus dans la rue sont d’une origine douteuse, contrefaits et ne respectent aucune norme de conservation. Par contre, les médicaments vendus dans les pharmacies ont une origine bien connue avec leur autorisation de mise sur le marché”, affirme-t-il.

La cherté des médicaments au Tchad est un fait réel qu’ expliquent plusieurs causes au Tchad. “D’abord, nous n’avons pas d’ industrie de fabrication locale des médicaments, tout ce que nous consommons est importé. Et qui dit importation, dit coût”, explique Dr Masna Raksala.

“Ensuite, pour que les médicaments soient un peu partout disponibles, il faudrait assez de professionnels. Ce qui n’est pas également le cas chez nous”, ajoute-t-il.

En plus de l’accessibilité des produits pharmaceutiques, il y a un problème sérieux de conservation, tant dans les “pharmacies par terre” que dans les officines formelles. Mises à part quelques- unes que l’on peut compter sur les doigts de la main, les officines peinent à bien conserver leurs produits. Face à des délestages intempestifs, elles sont obligées de recourir à un groupe électrogène pour produire du courant. Mais même faire tourner un générateur électrique 24h/24 n’est pas du tout aisé.

Selon le président de l’Ordre des pharmaciens du Tchad, la solution au problème est d’avoir une usine de fabrication des médicaments au Tchad. En juin 2012, en marge des travaux du XIIIème forum pharmaceutique international, les autorités tchadiennes ont décidé de construire une unité locale de fabrication des médicaments de base et de doter les centres de santé d’énergie solaire pour mieux les conserver. Près de trois ans plus tard, cette unité industrielle n’est pas encore sortie du sol.

C’est dans ce contexte que le gouvernement tchadien a adopté, le 12 mars dernier en conseil des ministres, deux projets de décret fixant les conditions d’ouverture et de fonctionnement des dépôts pharmaceutiques et d’établissements de fabrication de produits pharmaceutiques.

Ces deux décrets, qui viennent en application de la loi n°24 du 24 novembre 2000 relative à la pharmacie, “améliorent les modes d’ organisation et de fonctionnement du secteur pharmaceutique et édictent les bonnes pratiques de dispensation, ainsi que les méthodes de conservation des produits pharmaceutiques”, précise le compte-rendu de la réunion gouvernementale.