N’DJAMENA, 11 juillet (Xinhua) — Au Tchad, les grossesses d’adolescentes, au même titre que la mortalité maternelle et infantile qu’elles peuvent causer, restent un problème de santé publique que les autorités peinent à résoudre, en dépit des efforts et moyens déployés.

“Sur l’ensemble des filles de 15 à 19 ans, un peu plus de 36% des cas ont eu une naissance vivante, 44% ont commencé leur vie féconde et 7% ont eu une naissance vivante à 15 ans”, a déclaré à Xinhua M. Gassi Sabari, chargé de Programme Population et développement du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (Fnuap) au Tchad.

Selon Dr Babatunde Osotimehin, directeur exécutif du Fnuap, environ 16 millions de filles dans le monde, âgées de 15 à 19, ans donnent naissance chaque année, et les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la principale cause de décès parmi les filles de ce groupe d’âge, surtout dans les pays en développement.

“Les grossesses d’adolescentes ne sont pas seulement une question de santé, elles sont aussi une question de développement. Elles puisent leur origine dans la pauvreté, l’inégalité entre les sexes, la violence, les mariages d’enfants et les mariages forcés, les déséquilibres entre les adolescentes et leurs partenaires masculins s’agissant d’imposer sa volonté, le manque d’éducation, et l’échec des systèmes à protéger leurs droits”, a-t-il précisé, mercredi, dans son message à l’occasion de la journée mondiale de la population.

“Le mariage précoce fait partie de nos valeurs culturelles, mais il constitue un danger potentiel pour la santé maternelle et infantile”, a reconnu M. Issa Abderaman, maire 1er de la ville de Moussoro, une ville du nord du Tchad où les festivités marquant la journée mondiale de la population ont été organisées cette année.

Il a ajouté que le thème de l’évènement centré sur les grossesses d’adolescentes présente un caractère particulier dans sa région, à forte population musulmane.

Pour briser le cycle des grossesses d’adolescentes, le directeur exécutif du Fnuap a exhorté les nations, les communautés et les individus, tant du Nord que du Sud, à investir dans les adolescentes.

“Les gouvernements doivent promulguer et faire respecter des lois nationales qui porteront l’âge minimal du mariage à 18 ans et doivent promouvoir des initiatives, au niveau des communautés, qui soutiendront les droits des filles et préviendront les mariages d’enfants et leurs conséquences”, a-t-il indiqué.

M. Osotimehin a, par ailleurs, plaidé la mise en place des services de santé procréative de bonne qualité, facilement accessibles pour permettre aux adolescentes de faire des choix informés et soient en bonne santé.

“Au niveau local, les communautés doivent fournir l’infrastructure indispensable à la prestation des soins de santé procréative dans un climat accueillant aux jeunes et avec délicatesse”, a-t-il ajouté.

Au Tchad où le taux de mortalité maternelle est la plus élevée d’Afrique, soit 1.100 décès maternels pour 100.000 naissances vivantes (selon un rapport publié en mai 2012 par l’Organisation Mondiale pour la Santé, le Fnuap et la Banque Mondiale), le gouvernement met l’accent sur la sensibilisation des populations pour le réduire de trois quarts d’ici 2015. Mais le pari reste osé, tant les causes du drame sont nombreuses.

En effet, des missions conjointes du ministère de la Santé publique et l’Assemblée nationale du Tchad, effectuées entre fin juin et début juillet 2012 dans toutes les régions du pays, ont relevé les causes de la mortalité maternelle, néonatale et infantile sont les mêmes partout: manque de sang pour la transfusion; manque de médicaments et d’équipements dans les hôpitaux et centres de santé; manque cruel du personnel qualifié et compétent; éloignement des centres de santé parfois de faible opérationnalité; comportement négatif, peu accueillant et discriminatoire de certains agents soignants; etc.

A ces entraves s’ajoute le statut de la femme rurale tchadienne. Moins informée et plus vulnérable que sa consoeur de la ville, la femme rurale n’est pas consultée sur sa propre santé. C’est la famille et les hommes qui décident si elle doit accoucher à la maison ou à l’hôpital, subir une césarienne, etc.

Une étude récente du ministère de la Santé publique révèle 24 hôpitaux de district seulement (sur les 55 que compte le pays) sont aujourd’hui en mesure d’offrir des services obstétricaux d’urgence complets. Ainsi 79% des accouchements au Tchad sont faits sans assistance du personnel qualifié. Et 92% de femmes n’ont pas accès aux consultations postnatales.

“L’intervention la plus efficace pour garantir une maternité sans risque est d’assurer la présence d’une sage-femme compétente pendant tous les accouchements, la disponibilité d’un moyen de transport pour accéder aux services de secours et la fourniture de soins obstétricaux de qualité”, a déclaré à Xinhua le député Mamadou Maindoh qui a dirigé une mission de sensibilisation dans la région du Moyen-Chari, frontalière avec la République centrafricaine.

Il y a un an, le Tchad et le Fnuap au Tchad, ont signé un Plan d’actions dans la lutte contre la mortalité maternelle, d’un montant de 22 millions dollars US (dont 12 millions sont les propres fonds du Fnuap et les 10 millions sont des cofinancements), et couvrant la période allant de 2012 à 2016.

Le gouvernement tchadien a adopté, il y a quelques années, une politique de santé de reproduction, appuyée par une loi sur le domaine. Mais son application est freinée par les réalités coutumières et traditionnelles qui ne favorisent pas l’épanouissement de la fille et de la femme.

En 2009, le Tchad a lancé sa Campagne pour l’accélération de la mortalité maternelle en Afrique (CARMMA). Il a instauré une gratuité des soins d’urgence (dont obstétricaux) ses formations sanitaires. Un Hôpital de la mère et de l’enfant est même opérationnel dans la capitale depuis deux ans, mais le pays fait face à un manque cruel de sages-femmes.

“A la base de toutes ces activités se place la compréhension du fait que la dignité et les droits fondamentaux des adolescentes doivent être respectés, protégés et qu’il faut y satisfaire”, a conclu Dr Osotimehin.

Ce message a été déjà entendu au Tchad. Mme Blondeau Georgina Fatimé, l’ambassadrice de la CARMMA, parcourt, depuis un an, toutes les villes du pays pour sensibiliser ses compatriotes sur le danger que courent les femmes et les adolescentes enceintes à ne pas fréquenter les centres de santé.

“Je mets l’homme au coeur de mon plaidoyer. Il faut le persuader que si sa femme enceinte se rend à l’hôpital pendant sa grossesse, il en va de l’intérêt de son épouse et de son enfant à naître”, a-t-elle affirmé.