SANTE – A l’occasion de la journée internationale de lutte contre le Sida ce dimanche 1er décembre, Tchadinfos.com est allé à la rencontre du secrétaire exécutif national du Conseil national de lutte contre le Sida, Dr Adawaye Chatté. Chiffre, type de traitement, conduite à tenir, prise en charge sont au menu de l’entretien.

Nommé le 19 septembre dernier à la tête du Conseil national de lutte contre le Sida, Dr Adawaye Chatté, par ailleurs enseignant-chercheur et spécialiste de la science biomédicale et pharmaceutique est déterminé à lutter contre cette épidémie. Il a consacré toutes ses recherches et publications scientifiques sur le VIH/Sida.

Trente-six (36) ans après la découverte du VIH par les deux chercheurs français à savoir Luc Montagnier et Barré Senoussi, où est-on avec la lutte contre le virus du Sida ? [Chiffre au niveau du Tchad: des personnes atteintes; tranche d’âge la plus touchée]

L’épidémie du VIH au Tchad est de type généralisé avec une prévalence estimée à 1,6 % dans la population générale de 15-49 ans (2014-2015). Cette prévalence du VIH est plus élevée chez les femmes (1,8 %) que chez les hommes (1,3 %) et est 7 fois plus élevée en milieu urbain (4,3 %) qu’en milieu rural (0,6 %). Elle varie aussi selon l’état matrimonial car elle est plus élevée chez les veuves (6,9 %) et les hommes divorcés ou séparés (6,4 %), et plus faible chez les femmes et les hommes célibataires (1,0% et 0,8 %, respectivement).

Toutefois, les estimations du SPECTRUM ont montré que les nouvelles infections au VIH/SIDA connaissent une tendance à la baisse dans tous les groupes d’âges.  C’est pourquoi, la prévalence qui était de 3,3 en 2005 est passée à 1,6 en 2015. De 2000 à 2018, le nombre de nouvelles infections a baissé de moitié passant de 2 200 à moins de 1 000 en 2018. Le nombre de décès tout comme le nombre de nouvelles infections connait une tendance à la régression. La gratuité des ARV en 2007 a permis de passer de 5 000 PVV mis sous traitement en 2005 à 65 489 en 2019 sur les 120 000 estimés.

Existe-t-il de nos jours un traitement fiable contre le Sida ?

Il existe de nos jours de molécules fiables contre le virus du Sida, ce sont les antirétroviraux ou ARV. Ces médicaments, bien qu’ils ne peuvent pas tuer le virus, ont pour action de bloquer sa multiplication dans l’organisme par divers mécanismes. Même si les recherches sont très avancées pour mettre en place un vaccin, la capacité mutationnelle du virus rend complexes ces recherches. Pour l’instant, il n’y a donc pas des médicaments qui permettent de guérir de l’infection à VIH, ni de vaccin pour la prévenir.

Quels sont les types de médicaments disponibles?

Il existe plusieurs classes de médicaments qui agissent à différentes cibles du virus, on distingue : les inhibiteurs de fusion; les inhibiteurs du CCR5 ; les inhibiteurs de la transcriptase inverse (INTI et INNTI) ; les inhibiteurs d’intégrase ; les Inhibiteurs de protéase (IP). Au Tchad, le schéma thérapeutique utilisé pour l’instant comprend 3 principes actifs des inhibiteurs (2 INTI + 1 INNTI) pour la première ligne et  2 INTI + 1 IP (boosté par le Ritonavir) pour la deuxième ligne. Notre pays à l’instar des autres pays va migrer bientôt vers une nouvelle molécule, le Dolutégravir, efficace et moins chère.

Comment se fait la prise en charge des personnes atteintes du VIH au Tchad?

Le Tchad est parmi les rares pays où la prise en charge des Personnes vivant avec le VIH (PVV) est totalement gratuite. C’est le lieu de féliciter les efforts louables du Gouvernement en matière de lutte. Une fois que le patient est diagnostiqué séropositif, il est pris en charge gratuitement dans un centre. Il va prendre des ARV à vie (pour l’instant) et contrôler sa charge virale tous les 6 mois pour s’assurer que le médicament qu’il utilise est efficace. Des conseillers psycho-sociaux sont disponibles pour aider le malade à prendre ses médicaments et vivre normalement

Quelle est la conduite à tenir lorsqu’une personne est atteinte du VIH?

D’ores et déjà que la personne est confirmée séropositive, elle doit d’abord accepter son statut. De nos jours, le SIDA ne tue pas ! On peut vivre normalement avec sa maladie si on prend régulièrement le traitement et faire un suivi régulier. Le véritable handicap, c’est les comportements stigmatisant de la société face aux personnes vivant avec le VIH que nous déplorons. Les PVV ne doivent pas être stigmatisés et devront jouir des mêmes droits que les autres.

Lorsque le patient réussi à faire baisser sa charge virale de manière considérable, il peut mener une vie normale.

Il faut rappeler qu’il existe des patients appelés « HIV elites controllers ». Ce sont des patients qui sont caractérisés par l’absence de réplication du VIH détectable pendant une période très prolongée (plusieurs années) même en l’absence de tout traitement antirétroviral. Malheureusement ils ne représentent que 2 à 15% des PVV.

Pour les autres patients qui ne sont pas des élites, s’il sous traitement ARV, avec une charge virale indétectable durable, ne transmettent moins ou pas le virus du SIDA. C’est pourquoi on parle de U=U c’est-à-dire Undetectable=Untransmissible ou indétectable=intransmissible. Toutefois, même si le risque de transmission du VIH au stade indétectable est presque nul, il est conseillé d’utiliser le préservatif pour prévenir les autres infections sexuellement transmissibles.  C’est pourquoi nous encourageons les PVV à prendre normalement leurs médicaments pour maintenir leur charge virale indétectable.

Le défis majeur de mon département, le Conseil National de lutte Contre le Sida (CNLS) c’est de rehausser les 3 indicateurs (dépistage, mise sous ARV et charge virale supprimée) d’ici à 2020 conformément à l’objectif de l’ONUSIDA. Si nous voulons éliminer le VIH/SIDA du Tchad, il faudra qu’à l’horizon 2020 : 90% des PVVIH connaissent leur statut sérologique ; 90% des personnes dépistées séropositifs reçoivent un traitement antirétroviral et 90% des personnes sous traitement doivent avoir une charge virale supprimée.

Quels est aujourd’hui les moyens qui permettent de lutter efficacement contre le VIH?

Pour lutter efficacement contre cette épidémie, toutes les parties doivent s’impliquer davantage. Mis à part l’abstinence, la fidélité et le préservatif, les leaders communautaires, les associatifs, les religieux, les enseignants, les journalistes, les artistes et autres, par leurs actions de plaidoyer, doivent orienter le jeunes, les personnes à risques, les professionnels de sexe, les personnes vulnérables pour se faire dépister et connaitre leur sérologie. Les personnes dépistées séropositives doivent être orientés vers les centres de prises en charge pour prendre gratuitement les ARV et contrôler la charge virale au moins à 6 mois de traitement.