DAKAR, 23 avril, (Xinhua) — Les Sénégalaises qui se blanchissent la peau ne se limitent plus aux produits cosmétiques à base d’hydroquinone. Elles s’injectent maintenant du glutathion, un produit utilisé pour soigner des maladies comme le Parkinson et l’Alzheimer. Mais, détourné de son usage, ce médicament peut s’ avérer mortel si les doses ne sont pas respectées.

Ce détournement indigne les spécialistes de la santé qui s’ alarmaient déjà de la vogue de la dépigmentation artificielle par l’utilisation de pommades, lotions, savons qui sont plus ou moins toxiques et causent de nombreux cancers de la peau.

Mais, les campagnes contre le blanchiment de la peau sont battues en brèche par celles des industriels vendeurs de produits éclaircissants, dont les panneaux et spots publicitaires ne passent pas inaperçus.

Le phénomène de la dépigmentation par glutathion vient des Etat Unis où on a constaté qu’avec son utilisation à très faible dose, la peau devenait de plus en plus claire au bout de 2 voire 4 ans, indique le dermatologue Hadi Hakim, dans le quotidien dakarois l’ Observateur.

“Des gens qui sont aux Etats Unis l’ont détourné en augmentant la dose pour se dépigmenter”, déplore-t-il. Selon le dermatologue, des femmes qui ont eu des complications après des injections de glutathion “n’ont plus aucune peau. Leur peau s’enlève comme si on épluchait une pomme de terre, ce qu’on appelle la maladie de Lyell “.

Le syndrome de Lyell a un taux de mortalité de 25%, souligne de son côté Fatimata Ly, dermatologue et présidente de l’Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle ( AIIDA), lors une récente rencontre de sensibilisation à l’intention de la commission santé de l’ Assemblée nationale sénégalaise. Docteur Hadi Hakim renchérit que “les patientes qui viennent trop tard à l’hôpital meurent chez elles en peu de temps. Celles qui ont plus de chance sont hospitalisées et une personne sur quatre meurt au bout de 15 jours après une piqûre”.

“On était à un cas de cancer de la peau tous les 5 ans lorsqu’ il s’agissait de simple dépigmentation mais on est à notre sixième cas de cancer de la peau depuis le début de l’année à cause du glutathion”, regrette le dermatologue.

Le gynécologue obstétricien, Cheikh Tidiane Cissé, dénonce, pour sa part, la commercialisation de ces genres de produits et suggère “la création d’un laboratoire de contrôle”.

Donnant l’exemple de l’hydroquinone, le professeur indique que “la norme requise n’est pas respectée parce que la dose prescrite ne doit pas dépasser 2% alors que les produits mis en vente sont à 6%”.

Le professeur Mame Thierno Dieng a, quant à lui, estimé qu'”on ne peut pas mettre en parallèle le besoin économique et la santé de sa population et ce n’est pas normal que l’Etat sénégalais se soucie de sa fiscalité au détriment de la sécurité publique”.

Hadi Hakim regrette “cette inertie du Sénégal qui renforce le pouvoir des industriels, avec la loi 2012 légalisant la vente de produits dépigmentant, avec une taxe de 10%”.

La présidente de la commission santé de l’Assemblée nationale, Hawa Dia Thiam, est d’avis que “le combat ne doit pas être uniquement focalisé sur les taxes parce que les industriels peuvent toujours les contourner”.

“Les choses vont au-delà de la loi. Il faut stopper l’entrée de ces produits dépigmentant”, martèle-t-elle.

En attendant, de nombreuses Sénégalaises continuent à utiliser ces produits, parfois au péril de leur vie, pour présenter un teint clair, la couleur préférée des hommes, selon certaines.