Comme chaque semaine, Dr Mahamat Nour Bigna nous décortique une maladie. Aujourd’hui, il aborde le goutte, maladie très fréquente au Tchad.

La goutte est une maladie chronique fréquente liée au métabolisme de l’acide urique, dont la manifestation clinique la plus caractéristique est une monoarthrite aiguë du gros orteil. Dans l’imaginaire collectif, la goutte est la maladie des personnes âgées. Mais elle peut aussi toucher les jeunes, les personnes en surpoids, car elle vient souvent d’un déséquilibre de l’alimentation.

Elle est associée, bien que de façon inconstante, à une augmentation du taux circulant d’acide urique (hyperuricémie). Son évolution sans traitement se fait vers le dépôt d’acide urique dans plusieurs sites de l’organisme avec une prédilection pour les articulations (arthrite goutteuse), la peau (tophus) et les reins (néphropathie uratique), conduisant au maximum à des destructions articulaires invalidantes et à une insuffisance rénale terminale potentiellement fatale.

QU’EST-CE QUE LA GOUTTE ?

La goutte est l’inflammation d’articulations du à des dépôts de cristaux d’acide urique, une substance provenant, entre autres, de la dégradation des aliments, en particulier les aliments d’origine animale. L’acide urique est habituellement éliminé par les reins. Mais lorsqu’il se trouve en trop grande quantité dans le sang, il se dépose dans une articulation et entraîne une inflammation : c’est la crise de goutte. Cette maladie est beaucoup plus fréquente chez les hommes. Chez les femmes, elle ne s’observe qu’après la ménopause et reste rare.

La cause exacte de la goutte reste inconnue. Une composante génétique est probable du fait de la fréquence des formes familiales et de la prévalence chez les sujets de sexe masculin, mais les facteurs environnementaux jouent un rôle non négligeable dans sa survenue : surpoids, consommation régulière d’alcool, alimentation riche en purines (viande rouge et abats notamment). Cependant, toutes les causes d’hyperuricémie ne sont pas des causes de goutte (il y a dans la population un sujet goutteux pour dix sujets hyperuricémiques).

QUELS SONT LES SYMPTÔMES DE LA GOUTTE ?

La personne atteinte de goutte est réveillée au milieu de la nuit par une douleur soudaine au gros orteil. Il arrive également que d’autres articulations soient touchées : doigt, coude, genou ou cheville. L’articulation est chaude, rouge, enflée et extrêmement douloureuse. La crise s’arrête normalement au bout de quelques jours. L’orteil démange et pèle. Après une crise, il est probable qu’une nouvelle crise survienne des mois ou des années plus tard.

Si le taux sanguin d’acide urique reste élevé, celui-ci peut continuer à se déposer dans les articulations (sans provoquer de symptômes) et les déformer progressivement : c’est la goutte chronique.

La goutte peut également se manifester par des calculs rénaux dans 10 % à 30 % des cas. Elle est également à l’origine de maladies des reins, aboutissant à une insuffisance rénale ou une incapacité totale de fonctionnement des reins.

QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ÉVENTUELLES DE LA GOUTTE ?

Lors de goutte chronique (également appelée arthropathie uratique ou goutteuse), les articulations peuvent être très déformées. Les chevilles et les genoux sont touchés après les orteils. Les poignets et les mains peuvent également être atteints. La douleur devient permanente. À la radiographie, des signes d’usure peuvent apparaître au niveau des articulations.

De plus, les dépôts d’acide urique peuvent se faire au niveau des reins. Pour cette raison, les personnes sujettes à la goutte doivent être surveillées régulièrement afin de dépister une éventuelle atteinte des reins.

COMMENT DIAGNOSTIQUE-T-ON LA GOUTTE ?

Un excès d’acide urique dans le sang est souvent découvert au cours d’un examen de routine pour un dépistage ou une surveillance systématique. Lors d’une crise, l’atteinte typique des orteils et l’intensité de la douleur suffisent à diagnostiquer la maladie dans la plupart des cas.

Elle est plus fréquente chez les personnes obèses (notamment dans le cadre d’un syndrome métabolique) ou avec une consommation d’alcool excessive (essentiellement chez les buveurs de bière[10], probablement par la richesse en purines du breuvage). Elle est favorisée par une plus grande consommation de viandes ou de produits de la mer. Les végétaux à haut taux de purines n’augmentent pas le risque de développer une goutte ni la fréquence des crises, même si cela reste à relativiser chez un insuffisant rénal, où on préconise un contrôle de l’uricémie au début de transition diétetique, et une modification de son régime le cas échéant.

Elle serait également plus fréquente chez les consommateurs de fructose que cela soit sous forme de sucre (sodas et boissons sucrées) ou de fruits. La caféine serait, au contraire, protectrice.

Les femmes seraient relativement protégées, du moins avant la ménopause, probablement du fait de l’action uricosurique de l’œstrogène, qui fait baisser ainsi le taux d’acide urique sanguin.

QUELS SONT LES TRAITEMENTS DE LA GOUTTE ?

Il y a trois vecteurs de traitement pour la goutte :

  • soulager la douleur des crises de goutte,
  • réduire le taux d’acide urique dans le sang (emploi d’un hypo-uricémiant),
  • prévenir la récidive des crises de goutte sous traitement hypo-uricémiant.

Après la crise, le taux sanguin d’acide urique est contrôlé par un régime alimentaire adapté et, éventuellement, par des médicaments qui doivent être pris toute la vie. Ces derniers mettent souvent plusieurs mois à agir.

Mais surtout, il faut observer un régime alimentaire strict, boire plus de deux litres d’eau par jour, éliminer les boissons alcoolisées et privilégier les glucides.

QUELS SONT LES ALIMENTS DÉCONSEILLÉS EN CAS DE GOUTTE ?

Eviter les aliments riches en purines :

Les abats, le ris de veau, les rognons, le foie, la cervelle, la langue, les tripes, le cœur, les saucisses, le gibier et le pigeon, les extraits de viandes (type Bouillons Kub), les viandes séchées, les anchois, les sardines, le hareng.
Eviter les excès de protéines en respectant un apport de 0,8g de protéines par kilo de poids corporel et par jour.
Par exemple, un homme pesant 80 Kg ne devrait pas consommer plus de 65g de protéines par jour ; pour cela il faut éviter de manger 2 entrecôtes dans la journée ! Une part de viande, poisson et œufs au déjeuner suffirait presque. Le soir, manger léger avec une faible quantité de ces aliments.
Il faut également éviter les aliments riches en glycocolle et en sérine (2 acides aminés très impliqués dans la synthèse des purines) comme la gélatine, les pieds de porc en gelée, la tête de veau, le fromage de tête, la galantine. Donc, vous l’avez compris, il faut éviter de trop fréquenter le boucher-charcutier !

Boire beaucoup d’eau !
Il faut en effet favoriser l’élimination urinaire d’acide urique en buvant chaque au moins 1,5 litre d’eau. En période à risque élevé de déshydratation (grosses chaleurs, diarrhées, fièvre, sport intense), il faut augmenter cet apport et prévoir de boire environ 2 litres voire plus, tout au long de la journée.
Et si on est en surpoids, il faut maigrir doucement mais sûrement !

PEUT-ON PRÉVENIR LES CRISES DE GOUTTE ?

Chez les personnes qui ont un taux élevé d’acide urique, il est possible de minimiser les risques de crise de goutte.

Évitez l’alcool (notamment les spiritueux) et la bière, même lorsqu’elle est sans alcool. Ils favorisent la formation d’acide urique. Les crises de goutte font souvent suite à des repas bien arrosés.

Buvez au moins un litre et demi d’eau par jour pour éliminer l’acide urique. Une eau de pH basique (eau de Vichy, par exemple) est recommandée.

N’abusez pas de certains aliments susceptibles d’élever le taux d’acide urique : la charcuterie, les abats, les sauces, les poissons gras, les fruits de mer, les viandes et volailles, le gibier et certains légumes comme les champignons, les épinards, le chou-fleur, les asperges, l’oseille ou les lentilles.