Pour protester contre le lait en poudre engraissé à l’huile de palme venant de l’Europe et qui a envahi le marché du lait en Afrique, plusieurs organisations de l’Afrique de l’Ouest et du Tchad  se sont regroupées autour d’une campagne régionale  dénommée ‘’ Mon lait est local’’. Tchadinfos est allé à la rencontre d’Abba Malloum, technicien supérieur de l’élevage, défenseur du lait local et membre de l’association pour la promotion de l’élevage au sahel et en savane, présente dans 14 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre dont le Tchad.

Quels sont les problèmes ayant conduit plus de 55 organisations à mettre en place la campagne régionale de défense et de promotion du lait local en Afrique de l’Ouest et au Tchad ?

Lancée en juin 2018, la campagne “Mon lait est local” fait la promotion de la consommation de lait et de produits laitiers locaux au lieu de produits fabriqués à partir de lait en poudre et d’autres sous-produits.  De nombreuses exploitations familiales pastorales d’Afrique de l’Ouest et du Tchad sont dépendantes de la filière lait mais font face à la concurrence déloyale des importations européennes du lait en poudre qui envahit les marchés ouest-africains et tchadien.

Quels sont les objectifs recherchés à travers cette campagne ?

La campagne se concentre sur six pays : Burkina Faso, Mali, Sénégal, Niger, Mauritanie et le Tchad. Les objectifs ( rehausser la taxation de la poudre de lait,  encourager les transformateurs à s’approvisionner en lait local, assurer un meilleur étiquetage des produits laitiers, etc.) recherchés de cette campagne sont communs et pilotés par un comité de pilotage mais chaque coalition nationale a fixé ses propres objectifs et développé son propre plan d’actions de plaidoyer concernant les autorités mais aussi les multinationales installées en Afrique, qui utilisent du lait en poudre pour augmenter leur marge.

La campagne ‘’Mon lait est local’’ dénonce la mauvaise qualité du lait en poudre importé de l’Europe. Que contient exactement ce lait et quels sont ses effets sur la santé des populations ?

Depuis son lancement en juin 2018, cette campagne est le fruit d’une alliance entre des organisations paysannes régionales, des organisations de six pays d’Afrique, des producteurs européens et des  ONG internationales pour dénoncer l’impact du lait en poudre de mauvaise qualité  importé de l’Europe. Ce lait en poudre est ré-engraissé avec l’huile de palme, donc ce n’est pas du lait pur et naturel et en consommant ce lait en poudre re-engraissé, il y a beaucoup d’effets néfastes pour la santé et c’est la population africaine qui subit les conséquences.

Quels sont les moyens que vous avez utilisés jusqu’ici pour barrer la route au lait venant de l’Europe ?

Aujourd’hui, la priorité de chaque coalition nationale est de toucher les ministères des ressources animales pour qu’ils portent le plaidoyer au sein de l’Etat et qu’ils soient les influenceurs au sein des communautés sous régionales d’Afrique. Cependant, dès le lancement de cette campagne, les OSC et les ONG  internationales ont mené à travers des actions citoyennes pour soutenir nos producteurs locaux : caravanes de sensibilisation, conférences de presse, signatures des pétitions, des ateliers, utilisation des réseaux sociaux…

La rencontre des chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest sera une occasion pour faire des annonces fortes

La rencontre des chefs d’État sera une opportunité pour  nous en tant qu’acteurs des  coalitions nationales des différents pays pour dénoncer les politiques défavorables pour le développement de ce secteur économique et social.

Et aussi c’est une occasion de montrer l’importance socio-économique des sous-secteurs de l’élevage qui est indéniable. Nous avons un cheptel pharaonique en Afrique.

Si je prends le Tchad comme exemple : ce pays est classé parmi les trois premiers pays d’Afrique en matière de l’élevage. Les effectifs du cheptel suite au recensement général de l’élevage en 2012-2015 a permis de faire des projections en 2019 comme suit: 30.612.462 bovins ; 792.597 caprins; 8.276.416 dromadaires (RGE/MEPA2020) ; Les besoins sont estimés à 4900 tonnes. L’importation du lait en poudre est estimée : entre 5700 et 6500 tonnes en 2002, ce qui représente une masse monétaire d’environ 16 milliards de FCFA selon les données de la FAO.

Quel message voulez-vous lancer à l’endroit des consommateurs du lait africain et non africain?

Au nom de la coalition nationale de la “campagne mon lait est local’’, nous vous appelons donc à agir pour développer notre économie locale en protégeant nos producteurs de lait; à vous engagez pour le bienfait de votre  santé et celle de votre famille ainsi qu’accompagner les actrices et les acteurs du secteur laitier afin qu’ils deviennent plus résilients face aux effets du changement climatique sur le long terme.

Le secteur de l’élevage est un don d’Allah pour le Tchad et le lait local, est un trésor qu’il faut protéger. C’est pour dire tout simplement que les consommateurs du lait africain et non africain peuvent placer leur confiance en nos producteurs ruraux car le potentiel est là.