Jusqu’à ce jeudi, le Tchad était l’un des rares pays épargnés par le Covid-19. Un cas confirmé plus tard, les N’Djamenois sont encore loin de vouloir changer leurs habitudes.

Il fait 39 degrés en cet après-midi ensoleillé de mi-mars à N’Djamena. Sous cette chaleur de plomb, chacun vaque, comme d’habitude, à ses occupations. Sur la voie publique la circulation est dense. Ici, il est rare d’apercevoir un passant portant un masque ; des N’Djamenois se serrent encore la main. Autant dire que la capitale affiche plutôt la sérénité face à coronavirus.

Sougui, lui, fait l’exception. Il a le nez et la bouche couverts par un cache-nez. Ses mains sont enfilées dans la poche de son boubou. Le jeune trentenaire évite tout contact physique : « Dès qu’un premier cas a été confirmé au Cameroun, j’ai mis en place mon dispositif de prévention contre le Covid-19. »

C’était en effet le 6 mars que les autorités camerounaises avaient annoncé la présence d’un citoyen français testé positif au virus dans ce pays voisin du Tchad. Deux semaines ont coulé donc depuis que Sougui ne serre plus la main des autres et appelle ses compatriotes à faire autant.

« Je sais que nous, les Tchadiens, nous aimons serrer la main pour se dire bonjour. C’est une habitude qui est ancrée en nous. Il va falloir que nous l’abandonnions pendant cette période crise sanitaire mondiale », interpelle-t-il.

D’autant que, ce jeudi 19 mars, un premier cas de coronavirus a été détecté dans le pays. Il s’agit d’ « un passager de nationalité marocaine en provenance de Douala », a fait savoir un communiqué de Kalzeube Payimi Deubet, ministre secrétaire général de la présidence qui préside la Cellule de veille et de sécurité sanitaire au Tchad.

“Respectons méthodiquement les consignes”

En conséquence, « le gouvernement en appelle au respect strict de toutes les mesures prises, en particulier celles relatives aux règles usuelles d’hygiène et d’assainissement ». Au rond-point de l’Union, en plein cœur de N’Djamena, Félicité n’avait pas attendu ce rappel de l’exécutif pour être sensibilisée sur la question. « Il faut qu’on respecte méthodiquement les consignes données par les autorités. Il n’est pas question d’attendre une éventuelle contamination pour prendre des dispositions », prévenait déjà la jeune femme la veille.

Cette lucidité face à cette épidémie mondiale contraste avec un sentiment d’invulnérabilité ressenti dans les rues de N’Djamena. Même après l’annonce du premier cas confirmé de coronavirus dans le pays, il n’est pas rare de croiser des N’Djamenois qui refusent de prendre au sérieux la maladie.

« Ici, on s’en fout de coronavirus », lâche, sans rigoler, un clandoman (moto-taximan). « Il fait très chaud ici pour que ce virus ne survive », continue-t-il de croire. Pourtant, aucune étude scientifique n’a démontré que le Covid-19 ne pouvait pas s’adapter aux températures hautes.

“Nous ne sommes pas invulnérables”

Au marché central de N’Djamena, voire dans certains super-marchés de la capitale, hormis quelques masques distribués aux travailleurs de certains espaces commerciaux du centre-ville, des « gestes barrières » recommandés ne sont pas toujours suivis.

Mais, c’est du côté de certains hôtels que quelques précautions sont visibles, notamment la prise de température frontale obligatoire avant d’entrer.

« Nous sommes optimistes : le Tchad s’en sortira bien de cette pandémie », espère un vieux marchand de légumes, quartier de Djambal Bahr. Lui qui dit avoir « déjà beaucoup vu et entendu » appelle cependant ses compatriotes à « être vigilants face à coronavirus ». « Comme tous les autres peuples du monde, nous ne sommes pas invulnérables », conclut-il.