À la première vue l’on se croirait être dans une zone enclavée très lointaine à l’intérieur du Tchad. Des ponts construits en bois par des privés relient plusieurs quartiers de N’Djamena, la capitale du Tchad. Pour y traverser, chaque usager à pieds paie 50 FCFA, 100 FCFA pour les motocyclistes et 200 FCFA pour les automobilistes.
Ces ponts se multiplient chaque jour dans les quartiers nord de N’Djaména, notamment dans le 8e et 10e arrondissement municipal. Souvent ils sont même installés en plein cœur de la capitale. Les quartiers Diguel et Riyad sont joints par des ponts construits par des particuliers. Chaque matin les femmes qui se rendent au marché de Diguel doivent débourser 100 FCFA de leur argent de popotes pour traverser ces ponts. Un peu plus haut dans les quartiers Ngabo, Charafa, Gozator, Fondoré, les ponts construits par des privés sont devenus une activité très rentable. Par endroit certains se livrent même à de la concurrence. Au même endroit l’on construit entre trois et quatre ponts, laissant les usagers dans l’embarras.
Certains habitants des quartiers périphériques dépensent entre 1 000 et 1 500 FCFA par jour pour faire un aller-retour entre leur domicile et leur lieu de travail. Cela ne semble pas être souvent à la portée de toutes les bourses. « Je traverse trois ponts de mon quartier au Marché à Mil où j’exerce mes activités. À chaque pont je paie 100 FCFA soit 300 FCFA à l’aller et 300 FCFA au retour. Au total je dépense 600 FCFA par jour et ce pendant au moins quatre mois parce que même après la saison de pluies, les routes restent impraticables pendant un bon moment. Pendant les quatre mois, je dépense au minimum 75 000 FCFA aux détenteurs de ces ponts. Je ne suis pas le seul. Ce sont des milliers de personnes qui font chaque jour les mêmes navettes. C’est un manque à gagner pour l’État, qui brille par son absence » confie Tahir Issa, habitant de Fondoré.
Les plaintes des usagers sont quasi identiques. Ils appellent le Gouvernement à investir dans ce secteur pour au moins désenclaver la capitale. Certains sont même beaucoup remontés. “Il n’est pas normal dans une capitale, les habitants pour se rendre à leur domicile paient de l’argent à des privés pour traverser des ponts. N’Djaména est très loin d’être la vitrine de l’Afrique. L’État est absent même à l’intérieur de la capitale” s’emporte un nouvel habitant du quartier Ngabo, à l’entrée d’un pont à Gozator. Le plus marrant dans cette situation c’est la velléité de ces ponts. Traverser en soit, est un risque. Ce sont des ponts construits en bois, chaque mouvement donne la chair de poule aux passagers. Mais les détenteurs en font leur affaire. Par jour ils font des recettes, selon l’endroit entre 5 000 et 20 000 FCFA. Les mineurs traversent sans payer. « Cela fait déjà 10 ans que je suis installé à cet endroit, à chaque saison de pluie je suis là. J’ai dépensé près de 200 000 FCFA pour construire ce pont. Depuis je fais seulement des retouches. En saison sèche je bloque et je reviens après la première pluie. C’est une activité qui rapporte » renseigne Rozi Mahamat Zene, détenteur d’un pont à Charafa.
Le danger dans cette activité, en cas d’accident ou si le pont s’écroule, qui doit prendre en charge les dégâts ? Aucune assurance. Personne n’est capable de s’assumer visiblement. La Mairie centrale et les Communes d’arrondissement ne semblent pas être préoccupées par ce calvaire que traversent leurs concitoyens. Ils sont plutôt préoccupés à prélever des taxes sur ces ponts. « La Mairie n’est même pas capable d’arranger les rues, ne peut pas être capable de construire des ponts. Normalement cela devrait être leur priorité » déclare un habitant de Diguel. D’après des sources communales du 8e et 10e dont les ponts sont multiples, sur leur plan d’action, aucun projet de construction de pont n’est prévu.