Son arrivée à la tête de l’opposition tchadienne a défrayé la chronique. Mais qui est Romadoumngar Félix Nialbé et quelle est son histoire ?

Il n’était pas destiné à être le chef de file de l’opposition tchadienne. Il suffit d’arpenter les couloirs remplis de secrets du siège de l’Union pour le renouveau et la démocratie (URD) pour s’en compte. Parmi les intrigues figure l’histoire de Romadoumngar Félix Nialbé.

Cet homme de 62 ans a rejoint l’URD à sa création, en 1992. Secrétaire du parti en charge du développement rural dans la province du Moyen-Chari, le natif de Koumogo devient très vite une pièce indispensable pour sa formation politique.

Mais Romadoumngar Felix Nialbé n’a jamais été le premier choix de Wadal Abdelkader Kamougué pour la succession, selon certaines indiscrétions. À l’URD, il se raconte en effet que le fondateur du parti souhaitait voir son conseiller juridique reprendre le flambeau. Mais ce dernier, aujourd’hui devenu magistrat et dont l’identité est bien gardée, avait opposé son refus et avait vivement recommandé Romadoumngar Félix Nialbé.

La guerre avec l’héritier de Kamougué

À la mort de Kamougué, en 2011, le parti reste orphelin. Éric Kamougué, fils du défunt, débarque et revendique la direction de l’URD. La “branche des députés” du parti s’oppose. La guerre de succession éclate. La Cour suprême intervient et déchoit l’héritier. Un congrès de la formation politique est organisé en 2015 et Romadoumngar Félix Nialbé est élu président de l’URD.

Éric Kamougué avait considéré l’URD comme un bien personnel de son père

Romandoumngar Félix Nialbé, président de l’URD

De cet épisode, Romadoumngar Felix Nialbé n’éprouve aucun regret. “Il [Éric Kamougué] avait considéré le parti comme un bien personnel de son père”, tacle-t-il. Le président de l’URD dit même qu’il avait proposé de l’encadrer avant de lui laisser la direction du parti. Mais le fils de Kamougué avait refusé l’offre.

Une année plus tard, en 2016, Romadoumngar Félix Nialbé trouve l’opportunité d’être le chef de file de l’opposition. Parce qu’un décès et une démission sont survenus dans les rangs de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) de Saleh Kebzabo.

L’URD et l’UNDR se retrouvaient ainsi en nombre égal de députés. Dans cette configuration, la loi prévoit le décompte des suffrages pour départager les deux partis et désigner le chef de l’opposition. Mais, à l’époque, le président de l’URD s’est abstenu de le faire “pour des raisons politiques et des relations des hommes”, justifie-t-il aujourd’hui.

“Pas de bras de fer” avec Kebzabo

En 2019, l’histoire se répète d’une autre manière. L’UNDR perd de nouveau un député qui a choisi de rejoindre le parti au pouvoir. Cette démission permet à l’URD de devancer le parti de Saleh Kebzabo en nombre d’élus à l’Assemblée nationale.

« Aujourd’hui, le nombre est parlant, nous avons plus de députés que lui et le droit a été dit », confirme le nouveau chef de file de l’opposition, le visage fermé laissant entrevoir ses balafres plus que ses cheveux blancs.

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Mais cet ancien fonctionnaire du ministère des Finances et du Budget exclut tout “bras de fer” avec le désormais ex-chef de file de l’opposition qui continue à se prévaloir de ce statut. “Nous allons nous rencontrer pour en tirer les conséquences”, promet Romadoumngar Félix Nialbé, soulignant que Saleh Kebzabo et lui “ont de très bons rapports”. “Il n’y aura pas de spectacle désolant”, martèle-t-il de sa timbre vocale d’homme timide.

La vision de Romadoumngar Félix Nialbé

En attendant, le patron de l’opposition tchadienne lance un “appel à tous les partis de l’opposition démocratique de s’unir [autour de lui] pour organiser ensemble l’opposition et faire entrer le pays dans un système démocratique réel.”

L’URD va retrouver sa place et ira jusqu’à la magistrature suprême.

Romadoumngar Félix Nialbé, président de l’URD.

Mais beaucoup le considèrent comme une marionnette du pouvoir. Ce qu’il réfute. D’ailleurs, il se montre critique face à la gestion actuelle du pays. “La situation socio-politique est très difficile au Tchad (…). La plus grande désolation aujourd’hui, c’est le problème de gaz : un pays pétrolier sans gaz !” déplore Romadoumngar Félix Nialbé.

Avec son parti, il se prépare pour les prochaines échéances électorales. “L’URD va retrouver sa place et ira jusqu’à la magistrature suprême.”