L’impuissance de l’Etat face à la recrudescence des conflits, l’appel du ministre de la sécurité à éliminer les auteurs des conflits ou encore les arrêtés du ministre de l’Administration du territoire dissolvant certaines associations et interdisant les activités d’autres sont les sujets qui ont particulièrement retenu l’attention de la presse tchadienne.

L’Etat pointé du doigt

Mandakao, Molou, Mouraye, Oregomel. En l’espace d’un mois ces localités des provinces respectives du Logone occidental, du Ouaddaï, du Salamat et du Mayo Kebbi Ouest ont été les théâtres de massacres faisant de dizaines de morts. Des bains de sang répétifis qui ont à la fois ému et mis en colère l’opinion. Beaucoup pointent la responsabilité de l’Etat dans la prévention et la gestion de ces conflits.

«Un Etat défaillant et insensible», titre par exemple l’éditorialiste de l’hebdomadaire Le Visionnaire. Le journal d’Atrone qui se demande si l’insécurité est une fatalité ou la malédiction divine répond lui-même que c’est plutôt le résultat d’un gouvernement qui «excelle dans la médiocrité et le tâtonnement».

Dans la même veine, face à la recrudescence des conflits meurtriers, «Mahamat Kaka avoue son impuissance», souligne Abba Garde. Un canard qui ne comprend pas comment le président de la République en vient à supplier ses collaborateurs qu’il a lui-même nommés. En effet, rappelle-t-il, lors d’une réunion avec les responsables en charge de la sécurité et quelques membres du gouvernement, le chef de l’Etat a déclaré : «Ou vous changez la situation en assurant la sécurité des Tchadiens et de leurs biens sur l’ensemble du territoire national, ou je prendrai mes responsabilités en nommant à votre place des hommes et des femmes capables d’inverser la tendance».

Ce qui fait dire à Baniara Yoyana, porte-parole du bloc fédéral (un regroupement de partis, d’organisations et de personnalités militant pour le fédéralisme), dans les colonnes de N’Djaména Hebdo, qu’ «On est dans un Etat abandonné à lui-même».

Tout de même Le Potentiel exhorte la justice «tant décriée» à se ressaisir pour éviter que des «innocents se retrouvent en prison et des coupables se baladent, narguant les victimes».

Ali Ahmat Akhabach se fait reprendre de volée

Après justement l’un de ces conflits, celui de Molou dans le Ouaddaï, le ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, Ali Ahmat Akhabach, en mission officielle en compagnie d’autres membres du gouvernement a tenu des propos qui ne passent pas. En guise de solution à ces massacres, il demandé aux forces de défense et de sécurité d’abattre les auteurs.

«Le ministre de la Sécurité, censé assurer la protection des populations, n’y croit plus», assène Le Potentiel.

Pour Abba Garde, cette déclaration «jugée violente et inappropriée», a été rapidement recadrée par son collègue de la Communication, porte-parole du gouvernement, Gassim Chérif Mahamat.

Toutefois, constate Le Visionnaire, cette sortie a frustré plus d’un. «Bon nombre de partis politiques et organisations de la société civile sont sortis de leur silence pour fustiger ces propos, tout en réclamant la démission du ministre», conclut-il.

Limane Mahamat sévit

Terminons cette revue de presse par les deux arrêtés signés le 26 juin dernier par le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Limane Mahamat. Un arrêté a dissous l’Association des jeunes pour l’animation et le développement rural (AJADR) et la Coordination nationale des jeunes pour la paix et le développement du Tchad (CONAJEPDT) et l’autre a suspendu les activités du mouvement citoyen Le Temps et de la Coordination des actions citoyennes Wakit Tamma, section politique.

Le Visionnaire qui parle de «Coup de massue de Limane» explique que l’AJADR et la CONAJEPDT sont dissoutes notamment pour des activités portant «atteinte grave à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat». Tandis que le mouvement citoyen Le Temps et Wakit Tamma, section politique «ne sont pas autorisés à fonctionner légalement».

N’Djaména Hebdo déplore que «L’espace des libertés se rétrécit». Hebdo insiste qu’ «Aucune voix discordante ne peut s’entendre, contrainte par les ordonnances liberticides qui empêchent toutes réunions et manifestations publiques».

Il faut préciser que ces quatre associations et regroupements avaient organisé un point de presse le 23 juin pour dénoncer les massacres dans le pays et l’impuissance du gouvernement à y trouver des solutions.